Vendredi 28 novembre 2014. Draâ El Baroud, un quartier périphérique de la commune de Nezla, près de Touggourt. Les habitants qui avaient monté une kheïma de protestation mercredi, interpellant le wali sur le dossier d'attribution de 1500 lots de terrain destinés à l'autoconstruction, ont été sommés de quitter les lieux. La police, qui a l'habitude d'encadrer de loin les manifestations citoyennes, a reçu l'ordre de disperser l'attroupement qui bloquait depuis le matin l'entrée de la ville de Touggourt par Ouargla. Le matin, les policiers sont intervenus énergiquement pour lever les barricades et disperser les manifestants. Certains réticents, au nombre de 18, ont été emmenés au poste de police du quartier. Leurs camarades les ont rejoints, envahissant les alentours du commissariat en jetant des projectiles et des cocktails Molotov. Les jets de cocktails Molotov sur l'édifice public ont donc été l'élément déclencheur des affrontements directs, rapportent des témoins. Les policiers ont commencé par évacuer et pourchasser les manifestants. C'est dans cette cohue qu'un jeune protestataire est tombé, terrassé par une crise cardiaque. On le dit de faible corpulence, malade de surcroît. Bref, un premier mort est enregistré et les esprits s'emballent. L'affrontement décuple de violence entre des jeunes furieux de voir leur camarade tomber mort et des policiers qui s'acharnent sur eux. Un deuxième jeune homme, qui était face à un policier, tombe un court moment après ; dans la confrontation frontale, une balle en caoutchouc lui est tirée en pleine poitrine. Le manifestant, qui tombe, inanimé, est transporté en urgence à l'hôpital, il décède en cours de route. Les heurts ont duré toute la matinée et une partie de l'après-midi. Des renforts de gendarmerie ont été dépêchés de Ouargla et de Hassi Messaoud. Apres une légère accalmie en début d'après-midi, les événements se sont précipités au crépuscule. Des jeunes en furie déboulent à travers les axes principaux de la ville, des policiers réagissent au quart de tour. Les heurts sont de plus en plus violents, les victimes se multiplient dans les deux camps. La direction de la santé donne 22 blessés, puis 24 et enfin… 39. Le bilan définitif fait état de 9 blessés hospitalisés pour traumatismes divers à l'hôpital Slimane Amirat, dont 5 policiers. Une femme et un homme ont pour leur part été évacués vers les CHU de Batna et Constantine, affirme une source médicale. Les autorités locales sont sur le qui-vive, les renforts sont de plus en plus visibles, le wali de Ouargla convoque la commission de sécurité, le ministre de l'Intérieur est attendu. Samedi 29 novembre 2014. Vers 6h, le commissariat de Draâ El Baroud, théâtre des événements de la veille, ne présente aucun signe d'incendie ni dommage. Seule la route menant vers Ouargla est jonchée de pavés, d'autobloquants et de pierres. Peu après, les jeunes du quartier reprennent position à l'entrée de la ville, devant des forces de l'ordre qui ne réagissent plus à l'attroupement. Il y a eu mort d'homme et le «patron» a donné des instructions en vue d'un apaisement. Matinée très tendue. L'autopsie des deux victimes est terminée, leur inhumation est décidée dans l'après-midi. Le ministre arrive vers midi à l'aéroport Sidi Mahdi, en compagnie de son secrétaire général et du DGSN. La réunion ad hoc se tient au salon VIP de l'aéroport. Suite à quoi Tayeb Belaïz annonce la suspension des chefs de daïra et de la sûreté urbaine de Nezla et, pour ne pas répéter les mêmes erreurs du passé, l'expérience de Ghardaïa ayant donné quelques leçons, la relaxe de tous les jeunes arrêtés est décidée et mise à exécution. Le ministre annonce également l'ouverture d'une enquête administrative et judiciaire concernant les événements de la veille, notamment les circonstances de la mort de Toumi Meftah et Malki Noureddine. Toujours en signe d'apaisement, le ministre instruit les autorités locales de démarrer, dès dimanche, la distribution des décisions d'octroi des terrains objets de la discorde, voire dépasser le quota initial de 1500 lots en aménageant d'autres surfaces à lotir pour répondre aux 13 500 demandes déposées dans la commune de Nezla. Une commune qui attend désormais la visite d'une commission interministérielle chargée de régler les problèmes techniques relatifs aux besoins de base, notamment l'eau potable. Pour les jeunes chômeurs, l'attribution d'un quota fixe de 50% des postes d'emploi aux natifs de la localité a également été décidée dans un énième effet d'annonce.