Qui l'eut cru ou à peine pensé que cheikh Larbi Bensari, figure emblématique de la musique arabo-andalouse tlemcenienne, ait chanté en kabyle. Aucune biographie, catalogue ou article d'histoire sur la musique ne rapporte une telle information. En effet, une valise toute poussiéreuse, sortie récemment d'un grenier par les héritiers de Aboura Kheireddine et Mostepha, musicologues et hommes de culture, renfermait des dizaines de disques de 78 tours. Sur l'un d'eux, de marque Pathé Marconi, est mentionné en arabe et en français : « Ghonia kabailia – cheikh Larbi Bensari et son fils Redouane ». Les chansons ont été enregistrées en 1927. D'un phonographe, soit un meuble assez grand, surmonté d'une espèce de tourne-disque tournant à la manivelle, s'échappent les voix de Larbi Bensari et de l'illustre Redouane qui chantent dans un parfait kabyle sur une musique non andalouse, mais sur un rythme de pure tradition berbère. Pour la sauvegarde d'un tel trésor, le musicologue, Belkalfat Fayçal, a entamé un travail de restauration numérique sur cette inédite richesse de notre culture. Il faut préciser que c'est l'un des premiers enregistrements qualifiés d'appréciable des chansons kabyles. On a raconté qu'en 1928, le maître de Tlemcen, Larbi Ben Sari, est allé pour la première fois à Béjaïa pour animer un mariage resté célèbre dans les annales. Il a sûrement chanté en kabyle puisque la dernière découverte peut le confirmer. C'est durant cette année que Sadek El Béjaoui forma son orchestre. Qui a dit que l'amazighité est une notion post-indépendance.