Cadre du PRA à Oran, Omar Triqui veut capitaliser une expérience politique, pour se lancer dans le mouvement associatif avec l'idée de créer une fondation à visée nationale qui ambitionne, entre autres, de faire classer par l'Unesco la musique andalouse comme patrimoine universel. Comment l'idée de créer une fondation vous est-elle venue ? Tout d'abord, je dois dire que je bénéficie d'un triple privilège en étant, en même temps, le petit-fils maternel de Cheikh Larbi Bensari (grand maître de la musique andalouse), le neveu maternel de Cheikh Redouane Bensari et arrière-petit-fils de Mohamed Triqui (poète maghrébin du XIIIe siècle). J'ai conclu que j'avais le devoir et la responsabilité de mieux faire connaître ces illustres personnages. Des écrits existent sur eux, mais ils sont, soit incomplets, soit méconnus du grand public. Cependant, mon objectif ne devait pas se limiter à la connaissance de ma famille mais apporter un plus à l'espace culturel algérien. En effet, les objectifs affichés avec l'assistance des pouvoirs publics et des intellectuels sont réalisables. Résumez-nous le parcours de Larbi Bensari… Cheikh Larbi Bensari a été de tout temps invité dans de nombreux pays où il a représenté la musique algérienne. Il a été invité à l'Exposition universelle de Paris avec l'inauguration du palais Chaillot et de la tour Eiffel où il s'est produit au premier étage avec un rebab (instrument à 2 cordes méconnu du monde occidental), accompagné de son orchestre devant un parterre de personnalités de haut rang. Il a assisté également à l'inauguration de la mosquée de Paris en 1927, en compagnie du roi Mohamed Benyoucef (grand-père de Hassan II), et Kaddour Benghabrit, premier recteur de la Mosquée de Paris. En 1932, il a participé au Congrès arabe de la musique au Caire où son fils, Redouane, âgé alors de 16 ans, était devenu la coqueluche et la pièce maîtresse de son orchestre. Après sa mort (en décembre 1964), nous reçûmes des télégrammes de condoléances de toutes parts (Radio et Télévision algériennes, la Radio et Télévision marocaines, la RT de Tunisie, la radio du Caire, l'ORTF de Paris (France), la BBC (Royaume-Uni), ainsi que de nombreuses personnalités étrangères et algériennes, parmi elles l'ancien président Ahmed Ben Bella. Quelles avaient été les difficultés que vous aviez rencontrées pour la création de cette fondation, notamment vis-à-vis de sa famille directe ? En fait, l'idée trottait dans mon esprit depuis plusieurs années et, bien sûr, j'appréhendais les éventuelles difficultés de toutes sortes, y compris familiales (héritiers). Mais toute la famille a finalement adhéré à l'idée, car les objectifs assignés à cette fondation étaient nobles et au-dessus de toute considération ou intérêt étroit. La fondation a-t-elle des visées nationales ? La fondation n'a aucune prétention de créer une association pour former un orchestre musical, car il y en a suffisamment sur la place, mais d'apporter un plus. Je pense que la fondation apportera ce qui manque à cet espace, notamment la vulgarisation de la connaissance de ce patrimoine, une idée phare pour son enrichissement et une meilleure connaissance. La musique andalouse est une vraie richesse. Quels sont donc ses objectifs ? Les objectifs de la fondation consistent à perpétuer la mémoire de Cheikh Larbi Bensari, créer un centre de recherche et de documentation (banque de données) sur la musique et la poésie, créer un musée spécialisé dans la musique et la poésie, ériger des mannequins en cire à l'effigie du cheikh et des membres de son orchestre, et, enfin, organiser régulièrement un festival international de musique andalouse doté de prix (sari d'or, sari d'argent et sari de bronze). Ce festival sera organisé alternativement dans une ville du Bassin méditerranéen (Tlemcen, Fès, Grenade, Tunis, etc.) pour promouvoir la musique andalouse (médiatisation, séminaires et colloques), réaliser des documentaires audiovisuels sur la vie et les œuvres des grands maîtres et des poètes, répertorier et enregistrer les œuvres de la musique andalouse et œuvrer à la classification de la musique andalouse en tant que patrimoine universel auprès de l'UNESCO. Parmi les objectifs cités, il est prévu l'édition et la diffusion interne d'une revue qui s'attachera à la connaissance du patrimoine culturel andalou et ses corollaires (la poésie et les autres genres musicaux traditionnels pratiqués par les maîtres et les chouyoukh, etc.). La revue sera lancée dès l'obtention de l'agrément et les numéros 1 et 2 seront, bien entendu, consacrés au grand maître. Les numéros suivants seront ouverts à toute personne susceptible d'apporter son concours. Il est prévu, également, un site qui sera mis en place pour permettre aux professionnels et aux amateurs mélomanes, etc. de s'informer et de s'associer aux objectifs assignés, afin de les enrichir. Où en sont actuellement les démarches de la fondation ? Nous avons déposé un dossier conforme au début de l'été 2005 ; nous comptons récupérer l'agrément dès que possible, afin de pouvoir démarrer nos activités dans la légalité. L'agrément sera national et son siège à Tlemcen (domicile du Cheikh) avec des sections à Oran, Alger, Constantine, Blida, Béjaïa, etc.