Epuisant une à une ses ripostes contre le rejet du gaz de schiste par les populations du Sud, le gouvernement vient de remettre au goût du jour une vieille formule : la «wilaya déléguée», structure dont il compte faire bénéficier onze régions sahariennes. Ce type d'administration n'a pourtant pas donné de fruits là où elle a été mise en œuvre, notamment dans la capitale. Elle s'est révélée un clone de «la daïra» avec quelques prérogatives en plus, mais sans réelle valeur ajoutée pour la population et pour le développement. La réalité est que dans une wilaya, le véritable patron est le wali – lequel dispose d'un statut clair, à la différence du wali délégué – et encore. La marge de manœuvre du wali lui-même est réduite tant il est soumis à toutes sortes de pressions de sa tutelle et des autres structures de l'Exécutif. Ne parlons pas du président d'APC, transformé en simple gestionnaire de l'état civil et de la voirie. Le pouvoir vient de rater l'occasion de lancer un débat sur la décentralisation et la régionalisation, opportun à la veille de la réforme constitutionnelle (si ce n'est pas un autre leurre) et surtout vital à l'heure de la remise en cause du choix algérien de développement : ancré sur la rente pétrolière et bâti sur la dépense publique à outrance, il est totalement et définitivement mis en faillite par la chute brutale des recettes pétrolières. A bout de souffle et de revenus, l'Algérie se devait de ce fait d'être imaginative afin de faire face aux lancinantes exigences de sa population. Une des voies royales était la refonte totale des structures et des missions de l'Etat, en d'autres termes l'octroi aux régions de larges prérogatives afin que les populations soient maîtresses de leur quotidien et de leur devenir. Or, le pouvoir est allé à contre-courant de l'histoire en ressortant cette idée de wilayas déléguées alors même qu'il dispose depuis une quinzaine d'années de propositions de mesures de décentralisation bien plus hardies. Contenues dans le rapport du constitutionnaliste Missoum Sbih, elles ont fini par moisir dans un tiroir, n'agréant pas celui qui les avait commandées, en l'occurrence le président Bouteflika. Avec l'usure du temps et le goût du pouvoir absolu, s'est installée une implacable stratégie : tous les pouvoirs doivent rester à Alger, dans une seule institution, la présidence de la République, et aux mains d'une seule personne : le chef de l'Etat. Comme il a le jacobinisme (centralisation extrême) dans les gènes, le personnel politique dirigeant a combattu sans relâche les idées de décentralisation et de régionalisation développées tant par des partis politiques que par des experts, lesquels ont pourtant bien soin de se démarquer de toute idée d'autonomie ou de régionalisme. La toute dernière initiative qui aurait gagné à être étudiée émane de la société civile de Grande-Kabylie. Elle a rendu public un manifeste plaidant pour la reconnaissance constitutionnelle d'un statut politique de la région. A des variantes près, toutes les initiatives convergent vers le même objectif : obtenir qu'un grand nombre de centres de décision soient décentralisés au maximum et qu'ils reviennent aux populations les plus reculées par le biais d'élections démocratiques. L'Etat garderait la haute main sur les institutions et les entreprises de souveraineté, telles la Défense, les Affaires étrangères, les Finances, la Justice, l'Energie, etc. Il se délesterait de tout le reste au profit des populations locales. L'Algérie n'a rien à inventer, le monde développé a fait des régions les sources principales du développement, au grand bonheur de leurs peuples qui se retrouvent pleinement dans leurs institutions élues démocratiquement. Et travaillant en harmonie avec les instances gouvernementales.