«(…) L'écriture n'est pas la traduction d'une pensée mais son élaboration : la pensée s'accouche en même temps qu'elle se couche sur le papier.»(1)Nul besoin d'être anthropologue ou sociologue ou prétendant avoir leur trempe pour s'approprier cette petite lampe, illuminant les ombres sombres ricochant entre ses labyrinthiques et problématiques murs crâniens pour s'éclairer sur l'évolution de la communication qu'a connue, au fil des sabliers civilisationnels, l'homo sapien. En effet, les fouilles et les recherches démontrent à chaque plongée dans l'histoire — simple balistique de sa flèche —, suite aux découvertes qui émergent des fonds archéologiques, que cet «être pensant» avait inventé l'ingénieuse idée «de peindre sa voix»(2) emblématique… En laissant des traces écrites de sa gloire — les hiéroglyphes égyptiens et les pictogrammes sumériens — l'homme a balayé avec son génie «culturel» la préhistoire et a commencé à développer son système d'existence, tout en libérant du noir ce qu'il nous a légué par ses «écrits» comme histoire… Ainsi, l'acte d'écrire avait cette caractéristique mythique et mystique d'être une trace de soi, une révélation de soi, voire une construction du soi… Chemin faisant, beaucoup d'encres ont coulé sous les doigts jusqu'à ce cet acte soit «banalisé» voire rivalisé par l'invasion des TIC(3) et ses lois… ! Cependant, écrire est demeuré, notamment pour les chercheurs et étudiants universitaires, cette forme qui se trouve être l'essence-même du savoir. La recherche scientifique ou l'aboutissement d'un travail académique (mémoire, thèse,…) ne se concrétisait que par un travail méthodiquement finalisé, donc «écrit» ! Seulement, un obstacle et pas des moindres va embouteiller la libre circulation de leurs plumes qui, sans l'assistance du GPS de l'inspiration fertile, peinent en s'entêtant vainement à affronter les artères inaccessibles de la page blanche ! Heureusement/malheureusement, que face à ce «combat» des souffle-courts à créativité étanche contre cette indomptable page blanche, le Net est là, à la rescousse, avec ses prouesses claires et nettes… Et le plagiat fut, sans tambour ni trompette ! Fidèle à ses coutumes(4), l'Université Kasdi Merbah de Ouargla a «osé» organiser un séminaire national, louable et pertinent diront les participants, consacré à ce fléau d'actualité qui gangrène l'écriture scientifique tout en infectant ses mots par des maux… En effet, le laboratoire de recherche sur le «FEU»(5), de la Faculté des Lettres et des Langues étrangères (département de français), a organisé durant les 7 et 8 de ce mois un séminaire national intitulé «Pratiques textuelles universitaires et écriture de la recherche en Algérie», non sans que ce dernier ne soit nuancé par la problématique suivante : «Sommes-nous des plagiaires… et la technologie complice» ? Encadré scientifiquement par un chapelet pétillant — dont le recteur Pr Ahmed Boutarfaia a honoré la présidence — harmonisé par «22» professeurs-chercheurs de rang magistral représentant les universités des quatre coins du pays, cette manifestation scientifique, à caractère national hors pair, s'était aiguillée comme axes de réflexion, les cinq domaines suivants : – écrits universitaires : intégrité scientifique vs citation ; – pratiques de plagiat : insécurité linguistique vs insécurité scripturale ; – création auctoriale : sciences dures vs sciences molles ; – pratiques estudiantines : méthodologie rédactionnelle indexée ; – traduction : «plagiat détourné» Dans cette perspective, ce séminaire avait proposé initialement aux intervenants un argumentaire qui s'articulait sur quatre paragraphes résumant la démarche de la réflexion. En premier lieu, il était question d'un parallélisme logique entre la dénonciation du plagiat qui se trouvait être le premier des devoirs de la communauté universitaire et sa compréhension qui était également le premier de ses droits, vu que nul chercheur n'est à l'abri de la calomnie tout comme il ne saurait échapper à la sentence. Dans le second paragraphe, l'argumentaire, avéré et usant — quand même — du droit de réserve scientifique, souligne l'importance de la contextualisation de la problématique du plagiat en conviant à une réflexion qui dépassionne la question tout en assumant les craintes de celui qui, pour la première fois, osera affronter, avec hardiesse ou bien par imprudence, son image dans des miroirs d'encre indélébile. Une emblématique citation, tel un diamant ornant un collier de perles, illustrait ce cheminement : «La fameuse angoisse devant la page blanche touche aussi le chercheur. Trivialement, ce symptôme révèle l'intensité de son investissement dans son propre texte et l'acuité des enjeux inhérents à l'écriture des sciences humaines. Pourtant, régulièrement, obstinément, depuis cinq ans, dix ans ou vingt ans, il fait ses articles, rédige communications, rapports de recherche, livres ; il s'y met, s'y colle, gratte. Rien n'y fait : écrire continue de l'intimider, voire, par bouffées, de l'inhiber.»(6) Le dernier paragraphe, quant à lui, traitait deux obstacles majeurs auxquels sont confrontés les enseignants-chercheurs et les chercheurs permanents, à savoir l'insécurité scripturale inhérente à l'insécurité linguistique, tant il est vrai que la maîtrise de la langue croisée à celle de l'écriture scientifique remettait en effet en question la validité des résultats obtenus et le rapport du protocole d'expérience menée. Et c'est en faisant référence à cette double insécurité, qui paralysait le chercheur algérien dans sa logique de production des connaissances et/ou du savoir, que l'argumentaire posait en filigrane la question des pratiques langagières à caractère académique, perçues sous l'angle de l'écriture et de la textualité (pratiques textuelles universitaires et écriture de la recherche)… La richesse des communications, tout comme les débats qui s'en suivaient, à commencer par la météo scientifique annoncée métaphoriquement par le représentant du président du séminaire, l'ex-professo Pr Dahou qui non seulement a la langue dans sa poche mais l'a surtout sur le bout de la langue, suivant sa sonde et ses capteurs, la seule terre ferme salutaire qui se pointait à l'horizon au milieu d'une tempête ayant englouti les licences, mémoires et thèses, demeurait immanquablement le LMD… Mais pour ce faire, il fallait, en bons navigateurs, s'armer d'une triple sécurité : méthodologique, linguistique et scripturale ! En résumé, le fil conducteur ayant cousu la majorité des interventions, relevait et dressait comme constat que «l'incapacité rédactionnelle était la conséquence de la non-appropriation de la langue faute de non-lecture de texte littéraire.» ! C'est par la lecture sine qua non qu'on faisait découvrir à l'être humain sa spiritualité, sans quoi le savoir sera/serait désacralisé par le phénomène du plagiat qui est un pas vers la barbarie…Dans le même temps et en cherchant à diagnostiquer la non-maîtrise de la compétence scripturale, le stéthoscope d'une communication révélait ces trois points : • la représentation (préjugés, stéréotypes,…) ; • habitus (médiateur entre individu et groupe social) ; • modèle scolaire adopté et adapté. Ainsi donc, pour améliorer la langue, il fallait/il faut : – modifier les représentations des étudiants vis-à-vis de l'écriture scientifique ; – animer des ateliers d'écriture et surtout de lecture, car «vaut mieux prévenir que guérir» ; – se pencher sur la présentation, sensibilisation et formation de l'étudiant au lieu de le condamner comme le dernier et faible maillon de la chaîne, car «on ne récolte que ce qu'on a semé». Enfin, et puisque «rien ne vient du néant» comme l'a souligné une didacticienne de l'Université d'Alger, la terre où il fallait travailler et prendre de la peine, car — et il est tout à fait vrai ! — c'est le fond qui manque le moins, se trouvait dans les hectares très fertiles, à savoir les trois premiers paliers de l'enseignement : primaire, moyen et secondaire… Le commun des observateurs constate malheureusement ces anomalies : • lecture réduite ; • texte non motivant sur l'environnement de l'adolescent ; • maîtrise du FLE ; • étudiant préparé voire initié insidieusement et implicitement au plagiat (les petits élèves vont aux cybercafés demander un «projet» exigé par leur instituteur, moyennant une somme d'argent «100/200DA» ; • le non-encouragement de la lecture motivante et le fait de ne pas la faire aimer. Même si deux jours ne pouvaient guère suffire aux communicants à dépaqueter leurs interventions, pour le bonheur d'étudiants aux yeux pavloviens scrutant le savoir tels de merveilleux cadeaux sortant du gros sac du père Noël, le Grand mérite de la Faculté c'est d'avoir — au moins — «osé» initier, dans sa quête de littérarité, avec hardiesse et virtuosité, le débat sur un phénomène on ne peut plus d'actualité. Vous aurez compris que l'ultime recommandation du séminaire ne pouvait être autre que la lutte contre le plagiat, qui va à l'encontre de la formation universitaire, voire du développement du pays, dans un monde où la concurrence est des plus féroces, demeure une nécessité vitale, capitale et inéluctable, surtout si on mesure toute l'urgence pour un avenir qui ne saurait dépendre d'un baril en péril, mais qui doit plutôt tenir solidement sa barre, en orientant ses voiles suivant les vents favorables et en maintenant son cap sur le développement et l'investissement dans la ressource humaine porteuse de toutes les inestimables richesses une fois sa terre promise accostée en liesses…surtout que «le mot ne manque jamais quand on a l'idée»(7)… Donc point de faiblesses et de maladresses, tenons nos promesses ! Notes : 1)- François Bayrou – Philosophie Magazine, n° 57, mars 2012 2)- Selon Voltaire, dans Dictionnaire philosophique: «L'écriture est la peinture de la voix» 3)- Technologies de l'Information et de la Communication 4)- Depuis la rentrée universitaire «2014-2015», l'UKM de Ouargla (qui s'est vue classée à la deuxième place «classement des universités juillet 2014», par la Direction Générale de la Recherche Scientifique et du Développement Technologique du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique) anime presque chaque semaine une manifestation scientifique «Colloques nationaux et internationaux, séminaires nationaux, journées etc…» 5)- Français des Ecrits Universitaires 6)- Martyne Perrot et Martin de la Soudière, 1994 : 05 7- Gustave Flaubert.