C'est une femme qui semble croire à l'espoir en allumant à chaque fois une bougie pour évacuer l'obscurité. Elle pense que l'amour est possible, cherche son père, est prise de spasmes d'accouchement à chaque fois, est forcée au mariage qui, pour elle, est un enterrement…. Une femme qui semble souffrir de solitude et qui ne fait qu'attendre. L'attente est le pain quotidien de ceux qui vivent de la patience et qui freinent leurs désirs. Mais l'attente, au-delà de ses attraits poétiques, est une arme d'autodestruction à large spectre. Faute d'action, la fatalité s'invite à chaque geste, chaque mot et chaque idée. Pour avancer, il faut bouger. Et reculer ressemble parfois à la fin. «Nous attendons toujours que le changement vienne de l'extérieur, d'ailleurs. Or, le changement doit émaner de nous. Attendre ne fait qu'alimenter le sentiment d'immolation. Nous nous brûlons tout seuls en restant dans cette posture. Ne rien faire mène à l'implosion», a souligné Wahiba Baali. Livrée à un espace trop ouvert, la comédienne, qui a pris tout le poids du spectacle sur les épaules, a été forcée de déployer des efforts immenses, au point de s'effondrer et pleurer à la fin de la pièce. Le metteur en scène n'a pas pu maîtriser la scène en raison d'un défaut technique d'éclairage s'appuyant totalement sur l'interprétation de Wahiba Baali. Le choix du monodrame, forme artistique aboutie et complexe, est discutable. Fort discutable même. En plus, l'utilisation de l'imzad n'a pas été adéquate. L'instrument de la femme targuie a été «martyrisé» sur scène. L'humidité, selon Wahiba Baali, a agi sur la corde de l'instrument. «L'imzad portait toutes mes souffrances, mais m'a trahie sur scène», a regretté Wahiba Baali. La construction-déconstruction employée dans la scénographie a permis au personnage de passer d'une situation à une autre avec une certaine souplesse. Le sable, élément scénographique important, aurait pu être mieux exploité pour souligner l'origine saharienne des artistes, mais également évoquer la signification artistique dans ce qui ressemble à une quête identitaire. «Ce qui m'intéresse, c'est de débattre sur l'après-spectacle pour nous améliorer. Nous avons utilisé l'imzad comme expression d'une identité partagée par les Algériens et plusieurs pays du Sahel. Nous avons mis en lumière l'imzad à la fin du spectacle, avons convoqué notre patrimoine pour un retour aux racines. Le spectacle ne traite pas de la question de la femme. C'est une histoire humaine. Pour moi, la femme et l'homme se complètent», a soutenu Azzouz Abdelkader, lors du débat modéré avant-hier par Abdelnacer Khelaf, dans le salon du théâtre régional Azzeddine Medjoubi, de Annaba. Les professionnels présents lors de ce débat étaient partagés. Hamida Aït El Hadji a salué la performance de la comédienne de Tamanrasset. «J'ai vu un beau spectacle. Le rafraîchissement du théâtre nous viendra du Sahara. Le travail de Wahiba est professionnel. Le metteur en scène a fonctionné comme un miroir», a-t-elle affirmé. «Chez nous, on commence la carrière par le monodrame, alors que c'est le contraire qui doit avoir lieu. J'ai vu le spectacle et je n'ai pas bien saisi le sens du texte. La comédienne a des capacités corporelles, mais doit améliorer sa diction et le volume de sa voix», a soutenu Djamel Guermi. «Les femmes de la ville» Nissaa Al madina (Les femmes de la ville) de Shahinez Neghouache, du Théâtre régional de Constantine, a été présentée dans l'après-midi de vendredi. La pièce, d'après la comédie Les joyeuses commères de Windsor, de William Shakespeare, raconte l'histoire de deux femmes, Alice (Najlaa Tarli) et Page (Shaninez Neghouache, qui a remplacé Mouni Boualem blessée) qui se vengent d'un séducteur, John Falstaff (Chaker Boulemdaïs) en quête d'argent. Le courtisan envoie la même lettre d'amour aux deux dames qui sont amies. Des pièges lui seront tendus pour «le corriger». La servante Quickly (Sabrina Boukeria) est là autour de John et des deux dames à suivre ce qui se trame pour tirer son épingle du jeu, elle qui ne trouve pas de mari. La pièce, qui verse parfois dans le burlesque et qui dure 80 minutes, manque d'intrigue et souvent de rythme. Une pièce linéaire desservie par une scénographie rigide et un éclairage qui manque de mise au point. La metteur en scène a réduit le nombre de personnages du texte initial de 18 à 6, prenant le risque d'atténuer quelques points de la profondeur de la pièce qui, à son époque, avait plu à la Reine Elisabeth I. «J'ai lu le texte avec les comédiens. Je l'ai traduit à l'arabe populaire. Ce n'est pas une adaptation. J'ai pris uniquement une partie de l'histoire de Falstaff et la ruse des deux dames. J'aime bien faire des expériences. La forme burlesque me plaît beaucoup. Je reconnais l'existence de certaines faiblesses dans le spectacle», a souligné avec modestie Shahinez Neghouache, qui a déjà mis en scène un monologue et deux pièces pour enfants. Shahinez Neghouache, diplômée l'Ecole des beaux-arts, est également scénographe et comédienne.