Les travailleurs de la Snvi ont déclenché un mouvement de grève qui ne cesse de faire tache d'huile pour toucher certaines autres entreprises de la zone industrielle de Rouiba, quelle est votre lecture ? Il faut bien se rendre d'abord à l'évidence que le secteur de l'automobile est en crise à travers le monde. Le cas de la Société nationale de véhicules industriels (Snvi) est une question de modèle de stratégie qui a échoué. Bien qu'on la considère depuis des années comme le fleuron de l'industrie nationale, la Snvi a été délaissée pendant plusieurs années et a été tenue sous perfusion des commandes publiques. Il faut reconnaître que s'il n'y avait pas ces commandes publiques, la Snvi n'aurait pas pu survivre. C'est une entreprise qui était complètement déstructurée et en déphasage avec les technologies modernes en matière de construction automobile. Cela dit, le maintien en survie de la Snvi est motivé par des raisons essentiellement d'ordre social. Pendant tout ce temps-là, les pouvoirs publics n'ont pas fait preuve d'imagination afin de remettre sur les rails ce complexe industriel délaissé. Les travailleurs semblent insatisfaits de la décision de revoir à la hausse le Snmg, alors que les négociations autour des conventions de branche pour les salariés du secteur économique tardent à avoir lieu… Le syndicat des travailleurs ne prend pas en compte les mutations au niveau mondial et la nécessité d'œuvrer pour le développement de la croissance et la productivité. Cette grève lancée par les travailleurs de la Snvi intervient dans une période cruciale marquée surtout par la volonté affichée par le gouvernement d'aller vers la restructuration de la société. Il est vrai que la revendication salariale des travailleurs est légitime, mais il faudra d'abord coordonner les efforts et les intérêts pour la préservation des emplois. Car une nouvelle revalorisation salariale peut porter préjudice à la trésorerie de l'entreprise qui souffre déjà de plusieurs déficits. A mon avis, l'évolution des salaires doit être conditionnée par l'évolution de la productivité, notamment pour le cas de la Snvi, dont le redémarrage nécessite les concessions des uns et la volonté des autres. Y a-t-il, d'après vous, une corrélation entre le mouvement de protestation des travailleurs de la SNVI et la volonté du gouvernement de restructurer l'entreprise ? Ce n'est pas la première fois que la Société nationale de véhicules industriels connaît des opérations de restructuration. Son cahier des charges dépend essentiellement des commandes publiques. Le gouvernement vient de décider une nouvelle restructuration de l'entreprise dans le cadre d'une nouvelle politique du redéploiement du secteur public. Une enveloppe budgétaire de 333 milliards de dinars a été mise à disposition pour soutenir financièrement 14 entreprises, dont plus de 100 milliards de dinars sont consacrés à éponger les découverts de certaines entreprises. Dans toute cette histoire, puisque la volonté politique vient d'être clairement affichée, les travailleurs doivent faire un effort en reléguant la question salariale au second plan, en attendant la hausse de la productivité car la question primordiale qui se pose, en premier lieu, est celle de préserver l'outil de travail et rehausser le niveau de la productivité afin de pérenniser la croissance de l'entreprise. Selon vous, la privatisation de l'entreprise pourrait-elle être une solution ? Tout à fait, la privatisation et/ou l'option de partenariat peuvent être une solution, mais les vieux réflexes font que dès qu'il y ait débat sur ces deux options, des voix s'élèvent pour tuer le débat dans l'œuf et s'opposer à toute option de privatisation et/ou de partenariat. Il faut reconnaître que l'industrie automobile à travers le monde est une affaire qui relève du secteur privé et que l'Etat se contente d'assumer son rôle de régulateur, et intervenir dans les cas considérés comme violation de la loi. Je crois qu'il est temps de mettre les gens face à leurs responsabilités afin de redémarrer le secteur public. Si le gouvernement entend s'investir, à nouveau, dans la restructuration et la préservation de l'appareil productif privé, il est temps que les gens sachent que l'Etat ne peut pas faire à la fois du social et de l'économie. Les choix ne sont pas nombreux. Les nominations politiques des dirigeants des entreprises publiques ne sont-elles pas à l'origine de leurs échecs ? Le problème du management ne se pose pas uniquement pour la Société nationale de véhicules industriels. La Snvi ne se singularise pas par rapport aux autres sociétés publiques qui souffrent de ce problème de gestion. Pour ce qui est du secteur public, la question de la nomination des responsables à la tête des sociétés de l'Etat relève des prérogatives des pouvoirs publics. Cependant, la question qui se pose est celle de savoir si le management de ces responsables est conforme aux standards universellement connus. Il est important de savoir aussi si les responsables désignés à la tête des entreprises de l'Etat jouissent de l'autonomie et de la liberté de gestion. On ne peut pas imaginer, à titre d'exemple, un responsable d'une entreprise publique négocier un marché avec un partenaire étranger sans passer par l'institution de tutelle. Certains dirigeants d'entreprises publiques n'hésitent pas à dire que les syndicats et les SGP sont à l'origine de la faillite de certaines entreprises, quel est votre avis ? Il y a peut-être ce fait que les syndicats ne jouent pas leur véritable rôle. Je crois que le rôle d'un syndicat ne doit pas se limiter à la seule revendication d'ordre salarial, mais il est temps que les organisations des travailleurs se conforment aux mutations économiques. L'Algérie a tenté plusieurs reconfigurations du secteur public mais qui ont conduit vers un échec. Je crois qu'il y a aussi un problème de politique industrielle qui se pose en toile de fond. Les pouvoirs publics ne savent pas encore ce qu'ils font.