Les Algériens sont persona non grata dans les aéroports américains. Et dans certaines aérogares européennes. Les nouvelles mesures instituées par la Maison-Blanche, dans la foulée de l'attentat manqué du 25 décembre contre le vol 253 Amsterdam-Detroit, classent l'Algérie dans la catégorie des « nations terroristes ». Les Algériens seront traités comme tels, sans distinction aucune. Diplomates ou simples passagers, ils subiront systématiquement une fouille corporelle complète et une inspection manuelle de leurs effets personnels au niveau des aéroports occidentaux. Cela, à l'instar des Afghans, des Somaliens, des Iraniens, des Yéménites ou encore des Irakiens en guerre. Mise sur cette fameuse liste noire énumérant les « pays au grand potentiel terroriste », l'Algérie n'est nullement considérée à sa juste valeur, elle, qui ne cesse de marteler son « retour » en fanfare dans le concert des Nations. Un coup dur et une grande humiliation pour tout un peuple qui a combattu, seul, le terrorisme au moment où les grandes puissances occidentales refusaient de le qualifier de tel. Si renforcer la sécurité dans les aéroports pour faire face à d'éventuels actes terroristes semble être une chose « normale » et est une décision souveraine que tout pays peut prendre, cibler un certain nombre de pays sans d'autres ne peut que susciter des interrogations. L'Algérie, engagée depuis belle lurette dans la lutte antiterroriste, est-elle plus menaçante que ses voisins du Sahel, devenus des zones de repli et de bases arrières pour les terroristes ? Pourquoi des pays comme le Maroc, dont des ressortissants ont déjà participé à des actes terroristes en Europe par exemple, ne figurent pas sur la liste noire des Etats-Unis ? Depuis le 11 septembre 2001, l'Algérie est considérée – officiellement du moins – comme le « partenaire privilégié » des Etats-Unis dans la lutte terroriste. Les différents responsables américains, qui se sont rendus en Algérie, ont mis en avant le rôle important de notre pays dans le combat planétaire contre le terrorisme, principalement au Maghreb et dans la sous-région sahélo-saharienne. L'ambassadeur des Etats-Unis à Alger, David D. Pearce, a de son côté souligné à maintes reprises « l'excellente coopération » qui existe entre l'Algérie et les Etats-Unis dans le domaine, affirmant que les deux pays continuent à travailler ensemble pour lutter contre l'extrémisme violent et garantir la stabilité dans la région et dans le monde entier. Le numéro 3 du Pentagone a également évoqué « la bonne collaboration » entre les deux pays demandant aux autorités algériennes de continuer sur la même lancée. Peut-on être « allié » dans la lutte antiterroriste et en même temps « source » de menace terroriste ? Les non-dits d'un acharnement Pour nombre d'observateurs, cette « liste noire » sur laquelle figure l'Algérie sert de moyen de pression sur des pays qui tentent de fausser les plans impérialistes américains dans les différentes régions du monde. Simpliste, cette hypothèse peut s'avérer juste, lorsque l'on sait à quel point les Américains ont voulu déplacer le commandement de l'Africom de l'Allemagne au Sud algérien. Washington n'a jamais pardonné le refus catégorique d'Alger d'ouvrir son sol à une base militaire américaine. Le patron de l'Africom, le général William E. Ward, s'est même déplacé en novembre dernier à Alger où il a demandé « plus d'appui de l'Algérie à la stratégie américaine de lutte contre le terrorisme au Maghreb et au Sahel ». Une visite suivie par celle de la sous-secrétaire adjoint pour l'Afrique au département américain de la Défense. « Nous apprécions le rôle de l'Algérie dans le domaine de la lutte contre le terrorisme dans la région du Maghreb et notamment dans le nord du Mali », a-t-elle déclaré à la presse à la fin de ses entrevues avec de hauts responsables algériens. En dépit des pressions américaines, l'Algérie s'est montrée très réservée sur ce projet de l'Africom et a toujours privilégié d'autres formes de coopération. Par ailleurs, les Etats-Unis n'apprécient pas le soutien de l'Algérie au droit à l'autodétermination du peuple sahraoui. Cela en raison de son « alliance historique » avec le Maroc. Ce facteur est important d'autant plus que la France, qui elle aussi soutient plutôt le Maroc dans ce dossier, a emboîté le pas aux USA, décidant de faire subir aux ressortissants algériens des contrôles poussés au niveau de ses aéroports. Elle ira encore plus loin en appelant les autres membres de l'Union européenne à faire de même. Il y a aussi le soutien « indéfectible » de l'Algérie à la Palestine, cela au moment où l'Egypte, alliée stratégique des Américains dans la région, construit un mur tout le long de sa frontière avec Ghaza. Conformément à la volonté de l'Etat israélien avec lequel Le Caire entretient des relations diplomatiques. Des relations qui offrent à l'Egypte un statut spécifique auprès des Américains qui lui accordent une aide annuelle de plus de 3 milliards de dollars. Sans oublier qu'elle est devenue aussi l'alliée de la France de Sarkozy dans le cadre de ce qui s'apparente à une Union pour la Méditerranée. Un tel allié, même si ses ressortissants s'impliquent dans des attentats terroristes contre les Etats-Unis ne peut être classé dans la liste noire. Cela tant qu'il obéit à la stratégie américaine dans la région. L'Algérie, quant à elle, est considérée comme un « pays à problèmes » qu'il faut neutraliser. « C'est le pays qui nous crée le plus de problèmes au sein des Nations unies », nous a dit un ancien diplomate américain. Refusant de se conformer au « modèle » américain d'« amitié », l'Algérie continue à être stigmatisée. Sentant le coup dur, l'Algérie dénonce vivement ces mesures et dépose plainte contre Washington : « Aussitôt qu'il a été informé de l'inclusion des ressortissants algériens sur la liste des pays soumis au nouveau dispositif de sécurité aérienne, le ministère des Affaires étrangères a fait les démarches officielles et appropriées pour demander aux administrations américaines concernées le retrait d'une telle mesure que notre département a qualifiée de discriminatoire et de totalement injustifiée. » Une réaction un peu tardive qui est loin d'égaler l'humiliation d'une telle mesure. Une mesure qui ressemble plutôt à une sanction qu'à une précaution !