Le froid et la fine pluie de la matinée d'hier n'ont pas empêché les travailleurs de la zone industrielle de Rouiba de rallonger leur mouvement de grève, entamé il y a 9 jours, d'une autre longue journée. Celle-ci n'était pas différente des journées précédentes tant l'action et le décor étaient les mêmes. C'est devenu presque un rituel : le matin, les travailleurs arrivent dans leur usine, se changent et sortent pour tenter de marcher sur la ville de Rouiba avant de buter sur un mur répressif. Comme d'habitude, des centaines de gendarmes et de policiers sont mobilisés pour barrer la route aux travailleurs. « Le pouvoir fait tout pour isoler notre action. Il a peur que la population de la ville ne se joigne à nous. D'où l'entêtement des forces de sécurité à nous empêcher de manifester. Pourtant, nous faisons tout dans le calme », nous a affirmé un travailleur. Les travailleurs, qui dénoncent les décisions prises par le gouvernement et qu'a entérinées l'UGTA dans le cadre de la tripartite, se disent déterminés à ne quitter la rue qu'une fois leurs revendications satisfaites. « Il n'est pas question pour nous de reculer sur les questions des salaires et de la retraite. Il y va de notre dignité », nous a annoncé un autre travailleur. Les grévistes, dont le nombre dépasse les 8000, avec l'adhésion de la quasi-totalité des entreprises publiques de la zone, dénoncent le « mutisme des responsables supérieurs de la centrale syndicale et leur connivence avec le pouvoir ». Comme ils fustigent le communiqué rendu public par la centrale syndicale qui, « au lieu d'apporter des réponses aux préoccupations des travailleurs ou de les soutenir au moins, verse carrément dans la défense du gouvernement et citant nommément le président de la République ». « Les travailleurs de la SNVI et de la zone industrielle de Rouiba en général n'ont fait que crier ce que tous leurs concitoyens subissent en silence : une injustice de la part des pouvoirs publics », dénonce Saïd, un travailleur de l'ex-Sonacome. Durant les 7 jours de manifestation que nous avons passés aux côtés des manifestants, les travailleurs n'ont eu de cesse d'évoquer et d'insister sur les difficultés qu'ils rencontrent au quotidien. La baisse du pouvoir d'achat revient dans toutes les bouches et du coup la condamnation du « partage illégal et injuste des richesses nationales ». « Nous sommes pauvres dans un pays riche par le fait de la volonté de nos décideurs. Quelle logique voudrait qu'un député élu frauduleusement à l'APN, un sénateur désigné ou un ministre touchent vingt fois plus qu'un travailleur productif ? Il est temps pour les Algériens de se révolter contre cette dictature et de réclamer un juste partage des ressources », nous a exprimé hier au téléphone un travailleur. Les manifestants sont d'autant plus en colère qu'une répression aveugle s'est abattue sur le mouvement. Des milliers de policiers et de gendarmes ont été mobilisés durant ces 7 jours de manifestation à Rouiba. « Le pouvoir préfère dépenser l'argent du contribuable dans la mobilisation des forces de l'ordre pour la répression. La RN24 est fermée depuis 17 ans entre Dellys et Tigzirt ‘‘à cause de l'insécurité'', reconnaît-on. L'axe Réghaïa- Rouiba est infesté de délinquants, de voyous qui montent jusque dans les bus pour délester les voyageurs, hommes et femmes, de leurs biens, mais les pouvoirs publics font comme si de rien n'était. Où passent ces milliers de policiers et de gendarmes lorsque la rue ne crie plus son mécontentement populaire ? Le régime ferait mieux d'utiliser ces forces pour sécuriser le citoyen », commente notre interlocuteur. En début d'après-midi, les manifestants se sont dispersés dans le calme en se donnant rendez-vous pour aujourd'hui.