Pacifiées pendant de longues années, les forces ouvrières algériennes se réveillent à nouveau. La révolte des travailleurs de la SNVI, un des fleurons de l'industrie algérienne, et la protestation des employés d'ArcelorMittal Annaba, le plus grand complexe sidérurgique du pays, est un signe on ne peut plus clair de la résurrection des luttes ouvrières d'antan. Les travailleurs, lassés de la passivité de l'UGTA qui ne cesse de prouver sa déconnexion de la réalité de « sa base », décident de prendre leur destin en main. Seule la lutte paie. Les forces ouvrières algériennes ont compris cette évidence et passent à l'action en mettant un terme à « une trêve sociale » imposée d'en haut avec l'aval de la centrale syndicale qui a paraphé, en septembre 2006, le Pacte économique et social. Aujourd'hui, ce document est devenu caduc et la trêve sociale est définitivement rompue. Pour preuve, le nombre important de protestataires contre les mêmes injustices : plus de 8000 travailleurs de la SNVI sont en grève depuis 11 jours et 7200 autres d'ArcelorMittal Annaba les ont rejoints hier sur le terrain de la protestation en enclenchant un mouvement de débrayage illimité. L'ampleur de ces mouvements a surpris même les pouvoirs publics qui croyaient que les masses ouvrières étaient définitivement en hibernation. Mais la situation de précarité et l'acuité de la misère sociale ont réveillé le démon. Et seule la satisfaction des revendications émises pourrait permettre de le maîtriser. « Il n'est pas question pour nous de reculer sur la question des salaires et de la retraite. Il y va de notre dignité », lance un travailleur de la SNVI. La dignité des forces ouvrières n'a pas été prise en considération dans les politiques du gouvernement ; ces forces ouvrières n'ont jamais été au centre des négociations habituelles dans le cadre des réunions tripartites. Ce sont, d'ailleurs, les résultats de la dernière tripartite qui sont remis en cause par la grève des mécanos. Ils ne font plus confiance à l'UGTA qui les a sacrifiés, à leurs yeux, sur l'autel des enjeux politiques et politiciens. « Sidi Saïd nous sacrifiés ! », tonnent les protestataires. Mêmes revendications pour les travailleurs d'ArcelorMittal, qui craignent de surcroît la perte de centaines de postes d'emploi. Le mécontentement des travailleurs traduit à la fois l'échec de la stratégie de la centrale syndicale et la situation peu reluisante du monde du travail. Le gouvernement, dont la responsabilité est de mobiliser les travailleurs à travers des politiques économiques qui répondent à leurs aspirations, a choisi la fuite en avant. Au lieu d'ouvrir illico presto les portes du dialogue devant les représentants des salariés, il a opté pour le pourrissement. Pis encore, le gouvernement recourt à la force publique afin d'empêcher la marche des protestataires de la zone industrielle de Rouiba. Il n'a pas innové. Le même gouvernement a réprimé, par le passé, des enseignants et des fonctionnaires qui ne demandaient qu'à être écoutés. En guise de réponse à cette demande, ils n'ont eu droit qu'à des demi-mesures qui ne servent qu'à calmer le front social pendant quelques semaines. Ensuite, le vent de la révolte se soulève encore pour rappeler aux autorités qu'il faut associer les vrais représentants des travailleurs à tous les dialogues sociaux...