Le fleuron de l'industrie algérienne du début des années 70 est de nouveau sous les feux de la rampe, secoué par une affaire de malversations. «Les transactions douteuses à ArcelorMittal El Hadjar représentent un taux de 10% par rapport au chiffre d'affaires de l'entreprise. Officiellement élu et installé, notre syndicat a aujourd'hui toute la légitimité requise pour combattre la malversation et le trafic qui nuisent à notre entreprise. Et c'est ce que nous allons faire», avait révélé Smaïn Kouadria au mois d'août 2009, lors d'une conférence de presse organisée en marge de la cérémonie de son installation à la tête du syndicat de l'entreprise. Confrontée à de sérieux problèmes de restructuration et de réhabilitation qui doivent inévitablement déboucher sur des suppressions d'emplois, la filiale algérienne du géant mondial de l'acier, implantée à Annaba, est aussi frappée par cette malédiction qui gangrène l'économie nationale: les détournements. Sept membres du comité de participation de l'entreprise ont été condamnés le 16 mars 2010 à des peines de prison de 18 mois à 4 ans de prison ferme. Les peines ont été prononcées, le 16 mars dernier par le tribunal correctionnel d'El Hadjar. Ils ont été poursuivis pour «détournement, fausse facturation et dilapidation des fonds des oeuvres sociales des travailleurs du complexe sidérurgique». Leur procès en appel a été renvoyé à la demande de leurs défenseurs. Ces derniers exigent la présence de personnalités du monde syndical, politique et sportif ayant selon eux, bénéficié de ces malversations. La cour d'appel de Annaba a fixé au 27 avril prochain le réexamen de l'affaire. L'avenir du complexe sidérurgique se joue cependant sur un autre plan. Celui de la compétitivité. Si le site a, jusqu'à ce jour, pu tenir bon, il reste malgré tout sérieusement menacé. La crise financière internationale qui s'est muée en redoutable crise économique mondiale a considérablement affecté le numéro1 mondial de l'acier. Ses carnets de commande avaient fléchi de manière sensible, au point que ses usines ne tournaient plus qu'à 50% de leurs capacités. La plupart de ses sites à travers la planète ont été ébranlés et ont donc subi des suppressions de postes d'emploi estimés à 4000 depuis le mois de décembre 2008. En Algérie, le plan de restructuration concocté par les dirigeants du groupe, qui devait initialement ne toucher que les postes de travail nonproductifs, a finalement été étendu à toutes les catégories professionnelles. L'objectif était de ramener les effectifs du site de Annaba de 9000 à 6000 travailleurs. Un plan de restructuration dénoncé en août 2007 par le puissant syndicat du complexe sidérurgique d'El Hadjar qui visait à la suppression de 5200 postes d'emplois. 1500 d'entre eux avaient fait l'objet de départ à la retraite alors qu'une seconde vague de départs volontaires devait suivre en 2008 avec, à la clé, des primes individuelles d'un montant estimé à 6000 euros. Le géant mondial de l'acier avait promis qu'il ne procéderait à aucun licenciement pour l'ensemble des salariés du site bônois. Il y a bien une raison à cela: la main-d'oeuvre algérienne est très bon marché. La masse salariale d'Arcelor Mital Annaba s'élèverait à moins de 100.000 dollars (le chiffre reste à vérifier). Une peccadille si cela venait à se confirmer! Des salaires de misère qui expliquent la colère de ces forçats de la sidérurgie qui ont revendiqué des mois durant, des revenus à la hauteur de la pénibilité de leurs efforts. Pour faire aboutir leurs revendications, un sérieux bras de fer fut engagé contre leur direction. Cette dernière met en avant les difficultés du groupe depuis que les effets de la crise financière internationale ont rudement secoué sa gestion et perturbé la demande mondiale en acier. ArcelorMittal a mis en oeuvre un plan qui visait à réduire ses dépenses de 1 milliard de dollars alors que sa production à travers le monde a été allégée de 35%. 13 hauts-fourneaux ont été mis à l'arrêt en Europe de l'Ouest. En Algérie, la mise à l'arrêt de la cockerie du complexe sidérurgique a suscité un mouvement de grève qui a mobilisé l'ensemble des 7200 travailleurs du site mais a servi aussi à mettre à nu sa vétusté qui témoigne de sa fragilité et de la faiblesse de sa compétitivité. En effet, avec une production annuelle de 1,3 million de tonnes, il représente le maillon faible du groupe. «Notre objectif est d'atteindre les standards internationaux; augmenter la production avec des effectifs restreints pour être compétitifs en matière de prix sur le marché mondial», avait confié dans une interview à L'Expression, au mois de février 2008, le P-DG de l'entreprise, Bernard Bousquet. Depuis, les sidérurgistes d'ArcelorMittal luttent de manière récurrente pour préserver leur outil de travail. Un signe qui renseigne sur la lente agonie de ce qui fut le fleuron de l'industrie algérienne.