Frappée d'un signe indien qui n'en finit pas de faire des victimes en raison de sa dangerosité, démontrée pratiquement au quotidien, la route serpentant entre le laboratoire de police et le cimetière de Zouaghi est tristement célèbre pour le nombre d'accidents (graves pour la plupart) qu'on y déplore. Et à chaque fois qu'il y a un accident, cet axe stratégique est coupé à la circulation des heures durant pour dégager, d'une part, une brèche aux ambulances dépêchées par la Protection civile ou le SAMU et permettre, d'autre part, aux brigades mobiles de la gendarmerie nationale de mener leurs investigations et de déterminer les responsabilités. Entre-temps, pour sortir des bouchons qui se forment en un rien de temps, les automobilistes n'ont d'autre choix que rejoindre en amont le plateau de Aïn El Bey et emprunter les pistes traversant sur une côte à 10% la cité des Eucalyptus, un hideux greffon défigurant le promontoire surplombant cette route à haut risque. La galère est la même pour tout le monde. Nouveaux venus ou habitués de ce parcours du combattant, tous sont alors pressés de sortir le plus rapidement possible et sans encombre des allées chaotiques de cette cité où nids de poule, crevasses et dénivelés constituent l'essentiel du décor. Quand la pluie s'en mêle, le calvaire est démultiplié au point d'exiger une sacrée dose de témérité pour espérer traverser de bout en bout cette cité érigée sur le versant ouest du site dit El Fedj, et prendre le risque de s'embourber à tout instant en plein milieu de nulle part. Que dire des habitants de cette cité pavillonnaire défigurée, par ailleurs, par une urbanisation anarchique et un plan de masse dévoyés par des passe-droits et un laxisme directement responsables de cet état de fait ! Pour couronner le tout, les habitants ne disposent toujours pas d'eau courante pour satisfaire aux plus élémentaires de leurs besoins quotidiens. Une situation très mal vécue par l'ensemble des résidants, obligés d'un bout à l'autre de l'année de recourir à des citernes tractées dont la précieuse cargaison est cédée à prix d'or, en particulier en période estivale. Chauffés à blanc par les frais engendrés par cette pratique, mais aussi par l'absence d'écho de la part des services compétents, quelques habitants déclarent avoir franchi la ligne rouge en procédant en toute illégalité, mais en connaissance de cause, à des piquages sur des réseaux d'AEP mitoyens avec leur cité. Ces derniers avouent en toute lucidité ne pas être fiers de ce geste extrême, motivé, disent-ils, par l'énergie du désespoir propre à ceux qui n'ont plus rien à perdre.