Le déploiement, hier, de policiers autour de la centrale syndicale s'est révélé inutile : ceux qu'ils attendaient, les travailleurs en grève de la SNVI, n'ont pas fait le déplacement de Rouiba vers la place du 1er Mai. Un autre signe de la grande nervosité des autorités politiques, toujours muettes sur ce conflit, laissant Sidi Saïd, le patron de l'UGTA, aller seul au charbon sans se rendre compte que celui-ci ne pouvait que jeter de l'huile sur le feu tant il est discrédité dans le monde du travail en général. D'ailleurs, Sidi Saïd n'a eu à proposer que des leçons de morale aux ouvriers de ce complexe et aussi à ceux d'ArcelorMittal El Hadjar, confrontés à la dure réalité de la gestion par une multinationale motivée essentiellement par le rendement immédiat. Que peut faire d'autre le secrétaire général de l'UGTA devant l'ampleur du conflit qui paralyse les deux plus grands complexes industriels du pays, bastions traditionnels de la contestation ouvrière et du syndicalisme pur et dur ? Historiquement, ceux-ci ont toujours pesé sur les autorités politiques afin de les amener à faire des concessions au monde du travail. Ces complexes ont eu leurs heures de gloire durant les deux décennies 1970 et 1980, avant qu'ils ne s'effacent devant la dure réalité de l'effondrement du secteur public économique et de l'ouverture du commerce extérieur. Les produits étrangers qui se sont déversés sur le marché algérien ont eu raison des leurs, de moindre qualité et à des prix élevés. Souffrant de sureffectif et d'insuffisance de management, les deux complexes n'échappèrent pas à une faillite qui ne dit pas son nom. ArcellorMittal fut poussé vers la privatisation tandis que la SNVI de Rouiba ne dut sa survie que grâce aux commandes de l'Etat et à des mesures gouvernementales de sauvegarde motivées par des considérations sociales et donc politiques. Des solutions conjoncturelles et de facilité alors qu'il était attendu du gouvernement une stratégie de sortie de crise à travers une nouvelle politique industrielle, à l'image de celle que la Corée du Sud a entreprise dès la fin des années 1960 avec les résultats qu'on lui connaît aujourd'hui. Il y a dans la grève des ouvriers de la SNVI et d'ArcellorMittal un message aux pouvoirs publics. S'il n'y a pas un sursaut politique du gouvernement, c'est-à-dire le lancement de grandes réformes économiques, le monde industriel public se transformera en un immense champ de confrontation : ce sera la répression policière contre les grèves, les sit-in et les marches. A l'image de la Fonction publique où les fonctionnaires se livrent depuis longtemps à un bras de fer avec l'Etat, incapable d'apporter les vraies solutions et donc d'arrêter la spirale. Une des absurdités actuelles réside dans le maintien du monopole de la représentation syndicale. En choisissant l'UGTA comme seule interlocutrice, les responsables politiques ont jeté dans la clandestinité les syndicats autonomes. Pourtant, et parce qu'ils bénéficient d'une large confiance des travailleurs, ces derniers sont en mesure d'apporter un précieux concours au règlement définitif et juste des problèmes posés par le monde du travail.