Le mouvement de sympathie à l'égard de la comédienne Rayhana a continué de s'amplifier cette semaine en France. Responsables gouvernementaux, partis politiques, mouvements antiracistes, associations féministes et imams ont apporté leur soutien à l'artiste agressée et aspergée d'essence mardi soir alors qu'elle se rendait à la Maison des Metallos, une salle de spectacle du XIe arrondissement où elle jouait À mon âge, je me cache encore pour fumer. La salle est située dans une rue qu'on prendrait pour un quartier d'Alger. Mosquée, librairies musulmanes, magasins de vêtements orientaux, restaurants avec bourek, m'hadjeb et sucreries algéroises. Ne manque que le hammam qui a surgi ces dernières semaines par la magie de l'artiste. Car elle a fait de cet espace d'intimité la scène où se joue sa pièce. Neuf femmes échangent sur un ton libre, sur leur quotidien et leurs difficultés au sein de la société algérienne. Les répliques qui cinglent sont de nature à faire dresser les poils sur les joues des intégristes. Entre la pièce et l'agression, il y a un lien évident que seule l'enquête confiée à la section antiterroriste peut confirmer. L'artiste qui se souvient certainement de Abdelkader Alloula et de Azzedine Medjoubi, assassinés par la horde islamiste, ne veut pas lui donner l'apparence d'une victoire. Elle refuse d'abdiquer et s'est engagée à continuer de jouer son spectacle. Samedi, jour de la dernière représentation à Paris, un rassemblement a été organisé devant la salle de spectacle. Dans une relative confusion. D'abord prévu à 17h30, il a finalement été avancé à 14h30. À cause de ce décalage inopiné, une centaine de personnes seulement ont pu s'y rendre. “C'est un acte criminel. On s'est attaqué à une femme libre qui crée des pièces qui dérangent certains”, a déclaré Sihem Habchi, présidente du mouvement Ni putes ni soumises créé par Fadéla Amara. “Rayhana a décidé de jouer la pièce, la première qu'elle ait écrite en français, jusqu'à son terme, malgré son agression. Son rôle, c'est d'être dans le théâtre et nous d'être dans la rue, d'occuper l'espace public”, a martelé Mme Habchi. L'adjointe au maire de Paris chargée de l'égalité hommes/femmes, Fatima Lalem, a souhaité “plus de moyens pour faire un travail de prévention du sexisme dans les quartiers”. “Il y a trop de femmes aspergées d'essence, trop de femmes agressées parce qu'elles disent non”, a-t-elle dénoncé. Manuel Valls, député-maire PS d'Evry, a déclaré qu'il proposerait à Rayhana que “la scène nationale d'Evry accueille sa pièce”. “Je voudrais que le maximum de théâtres en banlieue accueillent sa pièce”, a-t-il ajouté. Pour lui, ce serait la “meilleure réponse” à l'agression.