Après Omar Gatlatou, Bab El Oued City, le réalisateur algérien Merzak Allouache revient avec un nouveau film trilogique Bab El web, dédié à son quartier natal. Surf sur une toile ! Vous aimez, respirez, filmez et racontez votre quartier natal Bab El Oued en lui dédiant un film trilogique... Voilà ! Je suis arrivé à une espèce de trilogie entre guillemets. J'y ai réalisé trois films. En fait, j'ai regardé vivre ce quartier à trois moments différents de son existence. A savoir, juste après l'indépendance de l'Algérie, ensuite dans une période beaucoup plus difficile en 1993. Et là, j'ai tourné un film dans un Bab El Oued de la sérénité. Malgré les problèmes. C'est toujours un quartier populaire, pauvre et surpeuplé d'Alger. Je sais que j'y ai des repères. Quand je retourne à Bab El Oued, je m'imprègne des essences, les lieux. je ne pourrais pas tourner à Belcourt. Vous surfez sur Bab El Oued...Vous adaptez au fait de société et plus précisément, la culture « cybercafé »... Quand je tourne mes films, je ne raconte pas des histoires autobiographiques. J'essaie d'observer le milieu immédiat, un lieu, les gens, des indices... C'est là, matière à raconter mon histoire. Par exemple, l'existence d'un cybercafé au nom de Bab el web, les combats de moutons que je ne connaissais pas. Un déclic d'un début d'histoire. Mais cela ne veut pas dire que c'est autobiographique. Surtout, ces derniers temps. Je suis un peu déraciné. Quand je reviens, j'écris mon scénario. Cependant, vous n'avez pas quitté définitivement l'Algérie... J'ai l'impression d'être une espèce de schizophrène. Un pied là-bas(France) et un autre, ici. Donc, j'effectue ce va-et-vient incessant. Quand j'ai tourné Chouchou, une comédie française à succès commercial, le producteur m'a proposé aussitôt de faire un autre film. Une comédie à la française et avec des acteurs français. Et je ne sais pas pourquoi, j'ai été atttiré par une histoire qui allait se passer ailleurs (en Algérie) et ce, malgré les problèmes. Car je n'ai pas eu les mêmes facilités pour raconter Chouchou par rapport à Bab el web. Quand on entame l'écriture d'une histoire qui ne se passe pas en France, on commence par avoir des difficultés. Parce qu'il faut répondre à des critères... Un cinéma formaté... Voilà ! On essaie de vous formater. Et on veut vous attirer vers des réponses qu'on attend de vous. Des réponses toutes faites. Mais c'est épidermique. Donc, je suis allé vers cette difficulté. J'ai des racines. Et c'est quelque chose d'incontrôlable. On remarque que lors du tournage, vous vous êtes « lâché » dans une ambiance joviale à Bab El Oued... Un tournage est un moment de travail intense et en même temps, il faut que cela soit un moment de bonheur auprès de gens que vous avez motivé pour venir jouer dans un film avec vous. J'étais heureux de tourner dans des lieux familiers dans une ambiance de sérénité. Bon, il y avait beaucoup d'enfants, mais qui étaient contents d'assiter au tournage. Il fallait les canaliser. Peut-être que parmi ces enfants, il y a un futur cinéaste. Ce qui fait que toute l'équipe s'est retrouvée dans une atmosphère cool. L'équipe française je l'ai préparée psychologiquement avant de venir en leur disant qu'elle venait en Algérie, mon pays, et non pas en conquérante de quoi que ce soit. Est-il facile de faire mieux après le succès du film Chouchou (record de quatre millons d'entrées en France) ? Aujourd'hui, pour moi, ce n'est pas le record des entrées qui compte. Depuis, mon premier film Omar Gatlatou en 1975 - un succès populaire et au niveau de la critique - j'ai eu des hauts et des bas. Ce n'est pas quelque chose qui me bloque. Pour moi, le cinéma c'est de l'adrénaline. C'est du suspence, c'est de ne pas savoir ce qui va se passer entre vous et le spectateur. Je n'ai pas choisi la routine. Là, ce qui est bien, c'est surprise. Entre le film et le spectateur, il y a un plaisir. Il faut faire en sorte que le public revienne aux salles de cinéma. Pendant quelques années, on a été sinistrés. C'est quelque chose à reconstruire. Vous affectionnez la comédie-fiction... Moi, j'adore la comédie, la fiction. Pour moi, la comédie, ce n'est pas raconter une histoire juste pour faire rire. Dans ce film Bab el web, il y a le rire et l'émotion. Car le public sera touché par quelque chose qui ne fait pas rire. J'aborde quand même les problèmes que vivent les jeunes. Le casting de rêve de Bab el web, Samy Nacéri, Faudel, Julie Gayet, Hassan Benzerari, Bakhta réunit les deux rives... Là, j'ai fait un lien entre les deux rives. Mon casting répond à mes obsessions de tourner là-bas et ici. Des acteurs français et algériens du cinéma et de la télévision. D'ailleurs, ils se sont très bien entendus. Justement, l'actrice française Julie Gayet... Julie Gayet - qui est une grande actrice du cinéma français d'auteur ayant fait beaucoup de films - j'ai été content qu'elle s'entende bien avec la comédienne Bakhta qui vient d'un autre univers (TV, sitcoms...). Elles étaient très copines. Et puis Samy Nacéri et Faudel... C'est la première fois que Samy Nacéri et Faudel tournent en Algérie. Faudel, un chanteur qui incarne son premier grand rôle au cinéma. J'ai donné un autre rôle pour Samy Nacéri. Quelque chose de différent qu'il ait fait jusqu'à maintenant. Cela n'a rien à voir avec Taxi. On va découvrir un Samy Nacéri nouveau. Il s'est surpassé. A quoi rêvez-vous ? Je rêve d'avoir la force pour continuer à faire des films sur les thèmes qui me plaisent. Je ne suis pas un cinéaste de conjoncture.