Le mouvement Hamas pense que la continuité de l'embargo pourrait arranger ses calculs en se montrant aux yeux du monde comme victime. Ancien ministre palestinien délégué à la sécurité et bête noire du mouvement islamiste Hamas, Mohamed Dahlane analyse, dans cet entretien, les raisons des divisions interpalestiniennes. Pour lui, la responsabilité incombe entièrement au mouvement Hamas soutenu par certains pays arabes. Une division qui sert de prétexte à Israël pour continuer son agression. L'homme le plus controversé de la Palestine accuse le Hamas d'avoir commis des crimes dans la bande de Ghaza semblables à ceux de l'occupant. Par ailleurs, il rappelle que la préoccupation centrale du Fatah demeure l'instauration d'un Etat palestinien indépendant. La question palestinienne traverse une des ses phases les plus critiques et la situation s'est aggravée avec le blocus contre Ghaza. Comment sortir de cette impasse ? Il faut rappeler sans cesse que la responsabilité première de la souffrance du peuple palestinien reste l'occupation israélienne de notre terre. Et la seule issue pouvant mettre un terme à cette souffrance qui dure depuis des décennies réside dans la fin de l'occupation et l'instauration d'un Etat palestinien indépendant avec comme capitale Jérusalem-Est et le retour aux frontières de1967. Elle réside également dans le règlement de la question du retour des réfugiés. Donc, comme vous le voyez, le problème est politique et nécessite donc un règlement politique. Il va sans dire que nous n'allons pas poursuivre les Israéliens devant les juridictions internationales pour les crimes commis contre le peuple palestinien. D'un autre côté, nous devons admettre que le coup d'Etat sanguinaire perpétré par le mouvement Hamas dans la bande de Ghaza et la division qui s'en- suivit au sein du peuple sont à l'origine du recul de la question palestinienne. Ce qui a donné à Israël des prétextes pour continuer son agression contre les Palestiniens et tourner le dos aux résolutions qu'il avait pourtant ratifiées. C'est dans ce contexte que nous avons, en tant que OLP, signé le document de réconciliation sans condition et nous multiplions nos appels au Hamas pour qu'il en fasse de même. Il y a urgence à laisser de côté les intérêts claniques étroits pour faire face à l'occupant. L'intérêt national doit l'emporter sur les intérêts partisans. L'Egypte a érigé un murador sur ses frontières avec la bande de Ghaza. Pensez-vous que ce mur soit justifié ? Je dois dire que le coup d'Etat de Hamas en 2007 a sérieusement compliqué la position de l'Egypte et poussé Israël à renforcer son embargo sur notre peuple qui résiste courageusement dans la bande de Ghaza. Le Hamas persiste dans sa logique putschiste et impose ainsi de force la division du peuple. Et cela au moment où il respecte totalement un cessez-le-feu et ouvre un front avec le Fatah et l'Egypte. Le grand problème ne réside pas dans les arrangements sécuritaires égyptiens, mais plutôt dans la persistance de Hamas à faire prévaloir ses intérêts organiques ainsi que ceux de ses alliés régionaux au détriment de l'intérêt national palestinien. Le mouvement Hamas pense que la continuité de l'embargo pourrait arranger ses visées en tentant de se montrer aux yeux du monde comme victime. Et tout cela aux dépens de notre peuple à Ghaza et notre relation fraternelle avec l'Egypte. Vous avez accusé le Hamas d'actes d'enlèvements et d'arrestations des militants du Fatah, qu'en est-t-il réellement ? Absolument, le Hamas a instauré son pouvoir militaire à Ghaza par le fer et le sang et l'exclusion de l'autre. Il n'a pas hésité, avant et pendant son coup d'Etat, à tuer, à enlever et à torturer les militants du Fatah et des autres organisations palestiniennes ainsi que les militants des organisations de la société civile. Ce mouvement ne se gêne pas pour réprimer tous ceux qui s'opposent à sa politique. Il réagit comme un mouvement de la culture obscurantiste. Les milices du Hamas continuent encore à enlever les enfants du mouvement Fatah, comme c'était le cas la semaine dernière à Djabalia, lorsque elles ont enlevé nos militants avant de les torturer avec des méthodes semblables à celles qu'utilise l'occupant israélien. Des méthodes contraires à nos valeurs et notre religion. La direction du Hamas porte l'entière responsabilité dans ces crimes. Ne pensez-vous pas que l'organisation des élections générales avant la concrétisation de la réconciliation interpalestinienne risque d'aggraver les choses ? Pour ce qui est de notre mouvement, nous avons signé les accords élaborés par l'Egypte, et ce, malgré beaucoup de réserves, mais le Hamas tergiverse et invente des subterfuges pour ne pas les signer. Il est clair que la réconciliation est un passage obligé pouvant permettre la fin de la division. Nous avons montré notre disponibilité à dialoguer, mais le Hamas fait tout pour qu'il n' y ait pas de réconciliation. Il crée à chaque fois les conditions de son échec. Pour revenir à votre question, le président Mahmoud Abbas avait signé un décret fixant la tenue des élections générales pour le 25 janvier et le comité central pour les élections a commencé les préparations, mais le Hamas, une fois de plus, vient s'opposer et menace de bloquer la tenue des élections dans la bande de Ghaza. Ce qui est demandé au Hamas est de revenir à la raison et de mettre de côté ses intérêts claniques en acceptant la tenue des élections. Est-t-il vrai que certains pays arabes apportent leur soutien au Hamas ? Pourquoi selon vous ? Il est clair que la division du peuple palestinien dont le seul responsable est le mouvement Hamas trouve son chemin au sein de quelques amis de la Palestine un peu partout, notamment chez les pays arabes. Il est évident que la raison n'est pas uniquement liée à ce qui se passe en Palestine. Il y a des desseins régionaux qui exploitent la question palestinienne pour atteindre des objectifs inavoués. Si nous respectons la souveraineté de chaque pays, n'oublions pas le soutien de chaque pays à la cause palestinienne, nous souhaitons rappeler, qu'encourager cette division n'arrangerait personne. Bien au contraire, on payera tous le prix de cette division. Mais le Fatah n'est pas exempt de critiques, on lui reproche beaucoup d'erreurs ? Lors de son sixième congrès, le Fatah a opéré des révisions courageuses et nous avons élaboré une vision politique claire quant au choix de la résistance. A l'occasion de ce congrès, nous avons également défini une vision claire dans nos rapports avec les forces nationales en place et le Hamas. Le travail avance doucement, mais ce qui est certain, c'est que nous avons maintenant une conception différente de celle du passé. Nous avons pu avoir une unité dans les positions, dans le discours et une action efficace au sein du conseil révolutionnaire. Il est réaffirmé de manière claire notre ligne nationaliste avec comme finalité un Etat palestinien indépendant. Le Fatah mène deux combats à la fois, le premier contre l'occupant et comment tenir face aux conditions de Netanyahu et le second consiste à convaincre le Hamas afin qu'il puisse mettre un terme à sa logique de distraction de la cause palestinienne. Je saisis l'occasion pour dire que le Fatah ne fera jamais de concession à l'occupant et nous demeurons viscéralement attachés au projet de l'indépendance nationale, et ce, malgré tous les complots et les divisions. Vous êtes accusés, notamment par le Hamas, de complicité avec l'Etat d'Israël ? Ce n'est pas nouveau, même Abou Amar (Yasser Arafat) n'a pas échappé à ce genre d'attaques. Il est évident qu'à travers ces accusations, internes et externes, c'est le projet national palestinien qui est visé et cela dure depuis toujours. Alors les accusations personnelles rentrent dans ce cadre-là. L'Autorité palestinienne rejette le retour aux négociations avec Israël tant que ce dernier ne gèle pas la colonisation. Quels sont les choix qui vous restent ? Bien évidemment, la décision du président Mahmoud Abbas, et avec lui le Fatah et les autres fractions palestiniennes, n'est pas hasardeuse. La revendication palestinienne est très claire, il s'agit de l'instauration d'un Etat palestinien indépendant avec les frontières de 1967 et comme capitale, Jérusalem-Est et le retour des réfugiés. Cela n'est pas une condition, mais un engagement que doit respecter Israël comme le stipule la feuille de route. Les Palestiniens ont essayé toutes les formes de négociations depuis 15 ans. Nous sommes arrivés à une conclusion que nous ne pouvons plus continuer de la même manière. Certes, il y a eu quelques acquis par le passé, mais force est de constater qu'à chaque fois, Israël ne tient pas ses engagements. Il est temps de mettre de nouveaux mécanismes. Ils consistent à arrêter la colonisation et mettre un calendrier pour des négociations qui auront comme finalité l'instauration d'un Etat palestinien. Ou dans un autre cas, il faut aller devant le Conseil de sécurité et mettre ainsi le monde entier devant un test décisif. Il doit prendre une résolution pour l'instauration d'un Etat palestinien indépendant.