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Erreurs médicales : Plaintes contre la fatalité
Publié dans El Watan le 21 - 06 - 2015

Il n'arrive toujours pas à réaliser que ce qu'il lui est arrivé n'était censé arriver qu'aux autres, comme on a souvent tendance à le croire. «Elle est morte parce que le médecin a été négligent. Il n'a pas fait correctement son métier et nous avons besoin, mes enfants et moi, que justice soit rendue», tranche-t-il, le regard triste.
Trois ans après les faits, Omar dit ressentir un chagrin moins fébrile mais toujours aussi lancinant, en réalisant à peine que son épouse, victime d'un accident de voiture à Djelfa, aurait dû être en vie, si seulement on l'avait prise en charge correctement. «Le mektoub n'empêche pas de se battre, j'ai poursuivi en justice les médecins qui ont aggravé son état de santé et entraîné sa mort.»
En juillet 2012, soit un mois après la mort de son épouse Adila*, Omar a déposé deux plaintes (jugement au pénal) contre le médecin qui a décidé de son transfert de Djelfa à Alger et celui de l'hôpital Lamine Debaghine de Bab El Oued (Ex-Maillot), qui a refusé de la prendre en charge, alors qu'elle était «à l'article de la mort». Il pense dur comme fer que «les Algériens ne doivent plus se laisser faire et se battre pour un meilleur système de santé».
Des histoires comme celle de Omar et de sa défunte épouse occupent désormais les tribunaux. Près de 12 médecins pour 10 000 habitants en Algérie (rapport ONU 2011). Le désordre visible dans nos hôpitaux fait grincer plus que jamais la machine hospitalière. La chaine médicale ne tient qu'à un fil très souvent rompu.
Le protocole médical garant de l'ordre est souvent bafoué dans l'urgence et par manque de moyens. Les erreurs médicales surviennent ainsi dans le chaos d'hôpitaux submergés par des malades de plus en plus nombreux et des blouses blanches démotivées, surexploitées et plus que jamais en proie aux négligences.
Une justice aveugle et sourde Ils seraient des milliers d'Algériens
(le nombre exact est méconnu. Au ministère de la Justice, on évoque le chiffre de 20 000 affaires contre des hôpitaux et une quarantaine de médecins emprisonnés) à en souffrir et à oser déposer une plainte contre des médecins, hôpitaux et cliniques privées, en espérant obtenir des compensations financières (plaintes en civil) ou des sanctions sévères à l'encontre des médecins (plaintes en pénal).
«Il y a une hausse importante du nombre de procès pour erreurs médicales en Algérie et les plaintes contre les hôpitaux publics sont en tête», note Me Alia Mansouri, avocate à la cour, qui a eu à prendre en charge plusieurs affaires de fautes médicales depuis quelques années. «Le nombre de plaintes est impressionnant. Cela augmente de plus en plus», constate également le docteur Karim Zehani, médecin légiste, expert près les tribunaux.
«Les mentalités changent, les gens n'en peuvent plus et c'est compréhensible. Quand on entre dans un hôpital avec un bobo et qu'on en sort les pieds devant, ce n'est pas rien !» avoue-t-il. «Les Algériens se documentent, se renseignent et veulent qu'on leur rende des comptes, c'est ce qui explique cette hausse», ajoute l'expert.
Mais ces procès, aussi nombreux soient-ils, sont loin de rendre justice, pour autant, nuancent plusieurs professionnels. Selon Mohamed Lahcen Hadjoudj, président de l'Organisation algérienne des victimes des erreurs médicales (association créée en 2010 et toujours en attente d'agrément), la justice est loin de jouer son rôle. «Il y a de plus en plus de plaintes déposées et de médecins qui défilent devant les juges, mais la justice a un parti pris flagrant.
Elle protège par ses différentes ramifications les médecins» explique-t-il. Il cite, pour exemple, la désignation des experts qui doivent attester lors du procès de l'erreur médicale.
«Souvent, l'expert (médecin légiste) sur lequel repose le procès se trouve être un collègue du médecin accusé, les juges ne jugent pas utile de prendre, par exemple, des experts qui ne pratiquent pas dans le même hôpital que le praticien accusé et ils refusent ensuite les contre-expertise», ajoute-t-il.
Chaque jour, un médecin devant le juge
Pour le secrétaire général de l'association, qui l'accompagne, Mahieddine Aboubakr, ces procès ne servent en rien la cause qu'ils défendent. «Il faut une loi cadre pour prendre en charge ces affaires et entraîner une réduction des erreurs médicales dans le pays et un contrôle plus efficace. Il faut également des experts médicaux indépendants du service public comme cela se fait ailleurs dans le monde», défend, l'homme, qui raconte avoir lui-même été victime d'une erreur médicale. «Je n'ai pas envie de parler de mon histoire, l'association rassemble des centaines de cas, c'est une cause commune qu'il faut défendre», explique le jeune homme.
Outre les plaintes juridiques, le conseil de l'Ordre national des médecins, lui aussi, reçoit des plaintes (moins nombreuses).
Si de 2008 à 2010, près de 100 plaintes ont été déposées chaque année, en moyenne, leur nombre a, désormais, quintuplé : «Nous avons en moyenne 500 plaintes par an», annonce le secrétaire général, le Dr Youcef Khodja pour qui, le sujet est «complexe».
«Il y a aujourd'hui une hausse certaine des plaintes mais aussi beaucoup de désordre et un manque de clarté concernant les erreurs médicales et le traitement des affaires», assène-t-il. Pour éviter la confusion, reprenons donc pour commencer par le commencement.
Qu'est-ce qu'une erreur médicale ? Si une victime peut prouver qu'il y a violation de la procédure médicale et qu'en conséquence elle a subi des préjudices, il y a alors erreur médicale.
La victime ou les ayants droits en cas de décès ont le choix entre trois procédures (qui ne s'excluent pas l'une l'autre) : les dépôts de plaintes pour un jugement (au civil et/ou au pénal) ou bien le dépôt de plainte près de l'Ordre national des médecins. Pour y avoir recours, la victime doit tout d'abord récupérer son dossier médical (ordonnances, compte rendu d'hospitalisation).
Si les hôpitaux, conscients de la menace juridique qui pèse sur eux, refusent de le remettre au plaignant — ce qui arrivent souvent font remarquer plusieurs avocats —, il faut avoir recourt à une requête afin de l'obtenir par voie d'huissier de justice. Une fois le dossier médical obtenu et la plainte déposée, le juge nomme des experts près des tribunaux (des médecins légistes) qui doivent déterminer la responsabilité du médecin.
Des procès à la chaîne
«Vous êtes traîné devant le juge, comme n'importe quel criminel. On vous accuse de choses graves sans prendre en compte vos conditions d'exercice et les aléas qu'elles entraînent», raconte Saliha*, quinquagénaire, médecin depuis plus de 20 ans, accusée de faute médicale lors d'un accouchement.
«Le juge a été odieux avec moi. Il m'a empêchée de m'exprimer en français, or je ne parle pas très bien l'arabe et j'avais beau expliquer la pratique de l'acte opératoire que j'avais réalisé, il ne comprenait pas mes paroles, en fait nous ne parlions pas la même langue», raconte le médecin qui a écopé de deux ans de prison ferme en première instance, avant d'être blanchi en deuxième instance. «On m'a reproché les complications survenues après un accouchement», explique le médecin qui dit en avoir gros sur le cœur.
Et d'ajouter : «J'ai été humiliée publiquement sans qu'on prenne en compte qu'avant d'être médecin nous sommes des êtres humains et que l'erreur est aussi humaine.
Nous avons l'obligation de moyens et non l'obligation de résultats, j'ai tout fait pour sauver ma patiente, mais en vain. Comment expliquer à tous que nous faisons tout ce que nous pouvons dans de très mauvaises conditions, de surcharge et de désorganisation, pour soigner les gens et quand erreur il y a, elle n'est jamais intentionnelle», poursuit-elle. Saliha, comme de nombreux médecins dans son cas, est accablée d'une colère citoyenne de plus en plus insistante.
Ces médecins sont trainés devant les juges alors qu'ils se sentent eux-mêmes victimes d'un système de santé défaillant, dont les juges refusent toujours de discuter. Ils se sentent comme jetés en pâture, injustement lâchés.
Il ne faut attendre aucune justice
Doit-on rendre justice aux médecins, en leur garantissent des conditions d'exercice dignes du métier qu'ils pratiquent ou rendre justice aux nombreux patients qui tombent sous le coup de la loi de la jungle qui règne souvent dans nos hôpitaux ? Pour Omar, qui n'arrive toujours pas à faire son deuil de Adila* son épouse, victime d'un accident de la route, morte semble-t-il suite à une mauvaise prise en charge, la question force le silence. Il préfère raconter, en détails, le périple qu'il a vécu, avant de se prononcer.
Le 5 mai 2012, Adila* l'épouse de Omar est dans un véhicule qui s'engage sur l'autoroute Est-Ouest, sans se douter du pire. Très vite le véhicule est percuté par une autre voiture. La collision est loin d'être légère. Sur les lieux de l'accident, une personne décède immédiatement, Adila et deux autres personnes sont très vite transférées, dans un état grave, à l'hôpital le plus proche (Djelfa).
Plusieurs fractures et une perforation de l'intestin, Adila passe près de cinq jours en service de réanimation avant que son médecin ne décide de son transfert vers Alger. «Je ne comprenais pas ce qui se passait, on me donnait très peu d'information. Je me rappelle qu'elle voulait manger une salade de fruit la veille de son transfert, elle se sentait mieux», précise son mari. Le 9 mai, Adila arrive à l'hôpital de Zemirli. «Son état s'est dégradé durant le trajet en ambulance», ajoute-t-il.
A l'hôpital, Omar ne comprend toujours pas pourquoi sa femme dort pendant des jours et des jours. «On me disait qu'on lui administrait des calmants pour qu'elle se repose.» Inquiet, Omar demande à l'un de ses cousins médecin de venir s'enquérir de la situation. «Il m'a appris qu'elle était dans le coma et que c'est son transfert qui a aggravé sa situation», se rappelle Omar.
Il apprend également que sa femme souffre d'insuffisance rénale et qu'elle doit être mise sous dialyse. «Il a fallu l'emmener à l'hôpital Mustapha à plusieurs reprises.» Puis, le 2 juin 2012, c'était un samedi, précise Omar, «j'ai dû l'emmener à l'hôpital Lamine Debaghine (ex-Maillot) de Bab El Oued pour sa dialyse et là, j'ai vécu un cauchemar dans le cauchemar.»
Arrivé à l'hôpital, vers 21h30, Omar raconte avoir fait face à un refus net de prendre en charge son épouse. «Ils ont même refusé de la mettre sous oxygène parce que l'effectif était réduit à cause du week end», ajoute-t-il. Adila décéde la nuit même. Pour que le juge ordonne une instruction, Omar a dû prendre un avocat et payer près de 200 000 DA pour qu'une enquête soit ouverte.
Il attend le verdict avec impatience, même s'il est conscient qu'il n'a fait qu'accuser la partie visible d'un iceberg bien ancré. «Il faut bien commencer quelque part.» Mais, il sait qu'au fond, aucune justice ne sera rendue.
*Les prénoms ont été modifiés à la demande des personnes qui ont témoigné et qui étaient soucieuses de protéger leur intimité et celle de leurs familles.


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