Avant-hier, les habitants de la commune de Bensekrane se sont énergiquement soulevés pour interpeller les responsables de la wilaya sur leurs mauvaises conditions de vie. Quoique fondée en 1897, cette municipalité de l'est de Tlemcen n'arrive toujours pas à se départir de son cachet « odieusement rural ». Pour se faire entendre, les manifestants ont coupé la route nationale et assiégé l'APC. « Si on se mettait à vous énumérer les tonnes de correspondances transmises aux élus locaux pour attirer leur attention sur notre misère, vous auriez de quoi éditer un livre. Au final, nous n'avons cueilli que l'indifférence. Aujourd'hui, il a fallu qu'on proteste de cette manière pour que, tout d'un coup, des responsables se déplacent chez nous pour nous écouter et s'engager à répondre favorablement à nos doléances », explique un jeune chômeur. Les élus locaux, discrédités par les interventions en urgence des commis de l'Etat, se retrouvent pris en étau. « Aux yeux de la population, nous passons pour des bras cassés, nous les élus. Or, demandez à n'importe quel maire des 53 communes de la wilaya combien il établit de fiches techniques pour des projets de développement pour sa localité et combien sont finalement retenues par l'administration », s'insurge un membre de l'APC de Bensekrane. N'ayant pas les coudées franches, les édiles locaux se plaignent d'être « à la merci des chefs de daïra ». « Savez-vous qu'on a beau délibérer en toute démocratie, mais au bout, le chef de daïra vous rejette vos délibérations ? », poursuit-il. Questionné sur cet amalgame dans les prérogatives des uns et des autres, le député Mohamed Benhamou tranche : « Je ne suis pas d'accord avec les justifications des élus. Ceux-là tiennent leurs populations en otage pour des calculs politiciens. La vérité, c'est que les élus s'engluent dans des surenchères politiques et avec ces agissements, ils créent de l'animosité entre les citoyens et l'administration. Je peux témoigner que le budget de développement de la wilaya de Tlemcen est équitablement distribué entre les communes. » « Les élus, et j'en suis un, ne se donnent pas à fond parce qu'à peine élus, ils pensent déjà aux futures élections », enfonce encore le parlementaire. « Entre les discours et la réalité, il existe un grand fossé. Dans notre pays, le président d'APC ne possède aucun pouvoir. Quand vous voyez qu'un maire est insulté devant des citoyens par un commis de l'Etat, vous comprenez qu'il n'est là que pour exécuter ce qu'on veut qu'il exécute. Nous avons un pouvoir de façade », reconnaît, amer, un élu d'une autre APC de la wilaya. Une réalité que semblent avoir compris les citoyens qui, très souvent, adressent leurs revendications plus haut que les édiles locaux, même si ces derniers sont les premiers à subir les foudres de leurs administrés.