C'est ce qu'a affirmé l'avocate et membre de la direction du RCD, Fetta Sadat, lors d'une conférence-débat sur le thème «La réforme de la justice, exigence de l'Etat de droit», animée samedi en soirée, au siège régional du parti à Alger. Pendant près de deux heures, la conférencière a expliqué à l'assistance, les contradictions entre le contenu des différents textes de loi, en particulier la Constitution, et la pratique. Faisant une lecture des dispositions de loi régissant le secteur de la justice, elle affirme que la justice algérienne ne jouit d'aucune liberté. Les magistrats, ajoute-t-elle, subissent toujours des injonctions qui remettent en cause leur liberté. D'où, estime-t-elle, la nécessité d'aller vers une profonde réforme. «C'est un chantier vital et difficile qui ne peut être mené à bout sans un changement profond du système politique. C'est pourquoi nous appelons à une transition», lance-t-elle. Avant de tirer cette conclusion, l'oratrice fait une lecture de la structure législative nationale, notamment du volet concernant l'indépendance de la justice. Soulignant que la séparation des pouvoirs en Algérie n'a été introduite dans les textes qu'après l'effondrement du système du parti unique, suite aux événements du 5 Octobre 1988 et après l'élaboration de la Constitution de 1989. «Avant cette date, la justice était un appendice du pouvoir. La Constitution de 1989 a introduit le principe de la séparation des pouvoirs et a créé le Conseil constitutionnel. Les mêmes principes ont été repris dans la Constitution de 1996. Mais est-ce que la justice est indépendante ?» interroge-t-elle. En réponse à cette interrogation, Fetta Sadat présente un état des lieux. Elle précise, d'emblée, que la justice algérienne est «un appendice» et «un instrument entre les mains du pouvoir en place». «Il y a une grave atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. Le présidentialisme renforcé a mené à la concentration des pouvoirs dans les mains d'un seul homme. Ainsi le président de la République est le premier magistrat et il légifère aussi», illustre-t-elle. Triste état des lieux Parmi les contradictions entre la théorie et la pratique sur le terrain, l'avocate cite aussi la situation du juge qui ne jouit pas d'une immunité lui permettant d'exercer son métier sans contrainte. «L'article 147 de la Constitution stipule que le juge n'obéit qu'à la loi. Mais la réalité du terrain est tout autre : nous avons bien connu la justice de la nuit dans l'affaire du FLN (2004, ndlr). Le Conseil supérieur de la magistrature est présidé par le président de la République et son vice-président est le ministre de la Justice qui désigne aussi son secrétaire», indique-t-elle. Pis encore. L'Exécutif, ajoute-t-elle, piétine la Constitution pour dicter la marche à suivre aux magistrats. Elle rappelle, dans ce sens, le contenu d'une circulaire ministérielle n°1308 de 2003 adressée aux tribunaux pour demander de limiter le nombre de report des affaires civiles et pénales à respectivement six et trois fois. «Cela n'existe dans aucun texte. Cette circulaire constitue une entorse à la Constitution et la loi», déplore-t-elle. Parmi les atteintes à la loi, elle cite également les derniers procès concernant des affaires de corruption. Selon elle, ces derniers démontrent parfaitement que le juge reste sous influence. «Dans ces procès, le débat était balisé et le juge ne pouvait pas sortir du cadre limité par l'arrêt de renvoi», explique-t-elle. Ce faisant, la conférencière plaide pour la formation des juges, des avocats et des huissiers de justice ainsi que la modernisation de la justice et l'application de la loi en ce qui concerne la détention préventive. Il faut aussi, dit-elle, activer le système de la médiation, abolir la peine de mort, abroger le code de la famille et élargir la saisine du Conseil constitutionnel à d'autres parties.