Paris veut absolument tourner la page. Cette visite revêt «une dimension personnelle» voulue par les deux chefs d'Etat, précise-t-on de source autorisée. «C'est une période de compensation à une période où on s'est beaucoup fâchés.» Rappelons qu'en février 2014, des plaintes pour «torture» et «complicité de torture» visant le patron du contre-espionnage marocain, Abdellatif Hammouchi, avaient été déposées en France par des associations des droits de l'homme. La convocation d'un juge d'instruction français avait été transmise à l'ambassade du Maroc à Paris où se trouvait Abdellatif Hammouchi. Rabat a réagi en suspendant la coopération judiciaire entre les deux pays. Ce n'est que début 2015, après la signature d'une nouvelle convention judiciaire bilatérale et une rencontre entre François Hollande et Mohammed VI à l'Elysée, que la brouille diplomatique trouve un terme. «Sur le fond, les autorités marocaines n'ont pas vu d'un bon œil le rapprochement diplomatique entre Paris et Alger, notamment le grand voyage de François Hollande en Algérie après son élection», selon le politologue Pierre Vermeren, auteur de «Maroc-Idées reçues» au journal 20 Minutes (édition d'hier). Plusieurs associations ont exprimé, jeudi dans un communiqué, leur préoccupation que «Abdellatif Hammouchi, le directeur de la DGST marocaine, soit élevé au grade d'officier de la Légion d'honneur, conformément à une déclaration du ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve» en février. «Aucune décoration n'a été prévue dans le programme de la visite présidentielle», a objecté l'entourage de François Hollande. Il apparaît que l'Elysée encourage le Maroc à jouer un rôle de partenaire stratégique en Afrique du Nord et subsaharienne, tout en se montrant soucieux de ménager l'Algérie — dont le rôle, le poids et l'influence sont incontournables — et d'entretenir un équilibre dans ses relations entre les deux voisins. Toutefois, «sur la question du Sahara occidental, la vision de la France est proche de celle du Maroc. Notre position n'a pas changé. Le plan d'autonomie présenté par le Maroc est une base de discussion», indique-t-on de source proche de l'Elysée. A El Watan qui faisait remarquer que d'autres options pour la résolution du conflit qui oppose le Maroc au Front Polisario sont retenues par les Nations unies et la communauté internationale, notamment le référendum d'autodétermination du peuple sahraoui, la réponse est sans appel : «Le choix de l'autonomie a la meilleure chance de fonctionner.» Membre du Conseil de sécurité, Paris ne semble pas embarrassé dans ses relations avec le Maroc par la violation par ce dernier des droits de l'homme dans les territoires sahraouis occupés ni par l'exploitation illégale des ressources naturelles du Sahara occidental. Il est à rappeler que le Parlement européen a décidé de confirmer l'accord signé avec le Maroc ouvrant la pêche dans les eaux territoriales du Sahara occidental. Et notre source de considérer que «la question sahraouie n'est pas la cause» de la tension dans les rapports algéro-marocains, mais «une conséquence». Aussi, «l'amélioration des relations entre Alger et Rabat ne partirait pas de la question sahraouie». «Le président Hollande a de bonnes relations avec les dirigeants des deux pays, il essaie de les capitaliser, mais une médiation ferait plus de mal que de bien.» François Hollande serait-il tenté par un rôle de facilitateur ? Le président français sera accompagné dans sa visite par Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et de la coopération économique, Myriam El Khomri, ministre du Travail, Najet Vallaud-Belkacem, ministre de l'Education nationale, Ségolène Royal, ministre de l'Ecologie et du Développement durable et Jean-Marie Le Guen, ministre chargé des Relations avec le Parlement. Ainsi que des responsables d'entreprises concernées par les trois thématiques économiques de la visite — inauguration du centre de maintenance des rames de la ligne à grande vitesse entre Tanger et Casablanca ; lancement des travaux du chantier de l'Institut de formation professionnelle aux métiers des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique ; présentation des plans et maquettes des installations et équipements portuaires de Tanger MED I et II — comme Alstom, Thalès, Bouygues, Véolia et Lafarge. La France est le deuxième partenaire commercial du Maroc — le premier étant l'Espagne —, mais le premier partenaire en termes d'investissements, de retour sur investissements et de réinvestissements. Le Maroc est le premier bénéficiaire de l'aide publique française au développement.