Le Théâtre régional de Sidi Bel Abbès a accueilli la pré-générale de Lalla, la première production destinée aux adultes par le Théâtre régional de Mascara. D'évidence, Rachid Djeroro a fait preuve d'une grande ambition pour le TRM dont il est le premier directeur à présider les destinées. Il a réuni une équipe experte pour inaugurer les premiers pas de son institution. En effet, comme ingrédients prometteurs de son cocktail, Djeroro a réuni des talents confirmés autour d'un texte dont la puissance dramatique n'est pas à démontrer. Les Bonnes de Jean Genêt, devenue Lalla, avec son adaptation par Bouziane Ben Achour, est une récréation qui a pris quelques libertés avec l'original, mais sans modifier son fond profond. Les bonnes sont Allag Mériem (Solange, la grande sœur) et Zemati Imane (Claire, la jeune sœur). Elles sont domestiques chez Madame (Saïm Ouarda). La relation entre les deux sœurs, comme avec leur maîtresse, est schizophrénique, ce qui donne à la pièce sa violence et son âpreté. Lalla, c'est également la seconde rencontre entre BBA et Khaled Belhadj qui l'avait aiguillé sur Les Bonnes. Khaled avait monté son Chouf ya Ahmed, un spectacle qui avait superbement inauguré en Algérie les nouvelles écritures scéniques. Pour cette nouvelle mise en scène, Khaled a mis de la distance entre ses comédiennes pour les forcer à extérioriser toute la violence charriée par la proximité et la promiscuité des personnages, une relation faite d'une lugubre attirance-répulsion. La scénographie de Hamza Djaballah, entre suggestion et représentation de la chambre de Lalla où le drame se déroule, renvoie à un espace de l'ordre du mental, puisque tout se passe chez les personnages au niveau des passions et des pulsions phantasmatiques. Les trois femmes n'en sont qu'une, suggère Djaballah, par leurs costumes, avec juste un effet qui les singularise dans leur statut social et sans que celui-ci ait d'incidence dans le drame. Le créateur de lumières, Mokhtar Mouffock, a conçu un éclairage chiche pour ajouter une couche supplémentaire de noirceur. Il reste que si tout a été réuni pour faire de Lalla un spectacle prenant, la magie n'a pas fonctionné. L'on pourrait évidemment arguer qu'il s'agissait d'une pré-générale qui relevait d'un filage, ce qui, comme pour toute représentation de ce type, peut excuser les imperfections qui lui sont inhérentes. Cependant, force est de reconnaître qu'un regain de travail est nécessaire pour que l'alchimie prenne effectivement. Mais surtout, il est à espérer, d'ici la générale, que metteur en scène et scénographe dont les qualités humaines en font des êtres exquis, puissent dépasser leurs susceptibilités, leurs grandes petites humeurs, pour sortir grandis par l'expérience de Lalla. Rachid Djeroro qui leur fait confiance, à juste raison, le mérite bien.