Belmokaddem avait résolument fait le choix de ne s'en tenir qu'à l'essentiel, à ne jamais se départir de son rôle et ne jamais s'encanailler avec les fossoyeurs de tous bords ! Le public avait gardé de lui l'image d'un homme sage, modeste, fier malgré une relative indigence, au contact facile et extrêmement chaleureux. C'est dans une grande discrétion que s'est éteint, à l'âge de 78 ans, l'acteur le plus populaire de Mostaganem. Diminué par un terrible mal, il avait disparu du devant de la scène depuis près de 5 ans. C'est sur un fauteuil roulant qu'il fera une brève apparition à l'ouverture de la dernière édition du festival du théâtre amateur, en juin dernier. Arrivé très jeune dans la première troupe théâtrale « El Falah » constituée durant les années 40 autour de Kaki, Med Chouikh, Abdelkader Benaissa, Djillali Benabdelhalim et d'autres militants des SMA, orphelin dès la prime enfance, il s'engagera dans le mouvement scout pour ne plus le quitter. C'est tout naturellement qu'il fera la rencontre de Mahfoud Kaddache, alors président national des SMA, dont il deviendra un fidèle ami. Dans le sillage du mouvement national, il se liera d'amitié avec ceux qui rejoindront les rangs de la révolution, à l'image des chahid Bendhiba Benayed, Belkacem Benyahia, Hammou Maroqui. En tant que formateur, il gardera toujours une préférence pour l'encadrement des jeunes lionceaux. Devenu successivement formateur national puis Arabe, il participera aux jamborées du Caire en 1969 et celui de Damas au début des années 70. Durant son séjour au Caire, il se liera d'amitié avec le talentueux Smaïl Yacine et son vieux compère Choukoukou, qui venaient tous les soirs le chercher au camp pour l'emmener dans les quartiers huppés du Caire. Car dès sa tendre jeunesse, il avait pris goût au théâtre et adulait les planches pour ne jamais plus les quitter jusqu'à son dernier souffle. Même si durant les 10 dernières années, il ne sera que de manière épisodique appelé à jouer dans des films et autres courts métrages, ses apparitions sur la scène du festival du théâtre qu'il aura indubitablement marqué de son empreinte se limiteront à de brèves apparitions. Sens développé de l'improvisation Les organisateurs l'invitaient ainsi que ces derniers, tout juste pour meubler les lourdes cérémonies d'ouverture et de clôture. En effet, l'enfant terrible du théâtre local et national ne ratait aucune occasion pour se retremper dans l'ambiance particulière à chaque édition. Très connu pour sa fameuse réplique qu'il entonnait à chaque fois qu'il était sollicité, Si Abdelkader n'hésitait pas à remettre ce costume qui fera de lui l'une des rares icones du théâtre de Mostaganem. C'est dans la pièce « El Guerrab oua Es Salhinne » de Ould Abderrahmane Kaki qu'il s'imposera comme un véritable acteur à la voix chevrotante et limpide, à la démarche singulière et à la gestuelle mesurée. Que ce soit dans des rôles comiques ou tragiques, Si Abdelkader n'avait pas d'équivalent sur la scène algérienne. Généreux dans l'effort, raffiné dans la démarche, il savait occuper l'espace scénique avec rectitude et habilité. Il avait également acquis un sens développé de l'improvisation, à telle enseigne qu'il parvenait avec une aisance singulière à trouver des répliques fulgurantes lorsque la situation l'exigeait. Mais ce qui le caractérisait le plus c'était incontestablement sa profonde modestie. Evoluant dans un milieu où l'ingratitude, les coups tordus, les complots et les trahisons étaient légion, Belmokaddem avait résolument fait le choix de ne s'en tenir qu'à l'essentiel, à ne jamais se départir de son rôle et ne jamais s'encanailler avec les fossoyeurs de tous bords ! Le public avait gardé de lui l'image d'un homme sage, modeste, fier malgré une relative indigence, au contact facile et extrêmement chaleureux. Sa frêle silhouette, sa faconde, sa modestie et sa perpétuelle jovialité manqueront aux habitués de la sphère culturelle régionale, où jeunes et moins jeunes venaient s'abreuver à satiété ; désormais le porteur d'eau ne sévira plus. Au matin de ce 18 janvier 2010, la source de Sidi El Okbi est orpheline, car plus personne ne la chantera avec autant de passion, de verve et de fidélité que ne le fit, 50 années durant, feu Abdelkader Benmokaddem. Ahmed Boualem, fidèle parmi les fidèles, garde de lui l'image d'un homme affable, loyal et extrêmement généreux.