Le régime algérien est objectivement, après 4 mandats, politiquement, biologiquement et physiquement en fin de course, mais sa tendance rentière, régionaliste et violente nous pousse à prévoir le pire. Ce régime finissant est en train de glisser vers une nouvelle forme de système politique complètement oublié à travers le monde. Certes, il est admis et depuis longtemps que l'Algérie n'est ni une démocratie ni une dictature, c'est un régime oligarchique : le pouvoir de quelques-uns qui délibèrent entre eux des solutions qu'ils vont imposer à tous. Il s'agit-là de la définition donnée par Hervé Kempf dans son essai L'oligarchie ça suffit, vive la démocratie, qui met en exergue ce type de régime qui se distingue par la concentration croissante du pouvoir décisionnel par un pouvoir restreint de dirigeants politiques, de quelques chefs d'entreprise proches du sérail et d'acteurs financiers qui se versent plus dans l'import-import. Une oligarchie pour perdurer au pouvoir et protéger ses intérêts est prête à déclarer la guerre à tout un peuple en exploitant à des fins personnelles le pouvoir politique qui a autorité sur la force publique, le Trésor public, la justice et l'administration publique. Ce type de pouvoir représente un réel danger pour la sécurité nationale du pays et pour son intégrité territoriale. Nous enregistrons ces derniers temps des propos plus que préoccupants, autoritaires et menaçants des tenants du pouvoir, signe de panique et de désarroi. Le président du FCE, dont les revendications financières et fiscales, notamment de son «syndicat», sont prises en compte et appliquées à la lettre et même avec zèle par ce gouvernement, un pouvoir devenu très proche de ce syndicat d'entrepreneurs et qui s'éloigne chaque jour des préoccupations de la communauté nationale, en arrive à dominer aujourd'hui la scène politique et économique nationale. Ce pouvoir, au lieu de s'atteler à protéger les intérêts de la communauté nationale, se contente aujourd'hui d'adopter les orientations d'un syndicat d'entrepreneurs dont le seul mérite est d'avoir soutenu le 4e mandat. Les Algériens se rappelleront de la fameuse rencontre de l'Aurassi. Ce syndicat ne se positionne plus comme partenaire du gouvernement, mais se comporte comme sa tutelle. Ce syndicat ne possède pas seulement des prolongements au sein du pouvoir, il est en passe de devenir le nouveau pouvoir.
Comme l'a si bien décrit notre ami Djamel Zenati, «ces groupes informels de tous bords se posent en concurrents de l'Etat. Ils s'octroient des prérogatives régaliennes, édictent lois et codes et sévissent en toute impunité. Le pouvoir de l'Etat se déplace graduellement vers ces micro-pouvoirs occultes. A partir de ce lieu stratégique et dissimulé, l'oligarchie donne le ton et la mesure, ose et impose sans jamais avoir à rendre des comptes». Et le président du FCE d'annoncer, à l'instar des tenants du pouvoir actuels, que la crise ne touchera pas l'Algérie, dans un discours provocateur qui ignore le quotidien des algériens, verse dans la démagogie et contredit les réalités économiques du pays : un discours populiste et dévastateur, malgré les appels répétés de l'ensemble des experts en général et de l'opposition en particulier sur la nécessité de préparer notre pays à l'après-pétrole avant qu'il ne soit trop tard. Ces nouveaux riches ne partagent plus rien avec les Algériens. Ils ne se font plus de soucis pour s'octroyer de nouveaux projets de gré à gré, ni pour les nouveaux prêts bancaires à leur convenance ni pour l'éventuel effacement de dettes et d'arriérés fiscaux. Ils ne se font pas de soucis non plus comme la masse des Algériens qui compte au dinar près ses fins de mois. Ces nouveaux riches et leurs protecteurs s'accrochent au pouvoir pour continuer à siphonner le reste de la rente pétrolière et tromper l'opinion publique. Quel Algérien n'aime pas l'entreprise qui crée la richesse et l'emploi ? On peut critiquer ceux qui mettent tous les entrepreneurs dans le même sac, mais cela n'empêche pas de constater qu'une majorité de ces nouveaux milliardaires fabriqués durant les 16 années de pouvoir ont été enrichis de la façon la plus bizarre et à la vitesse de la lumière ; on est passé de l'Etat autoritaire à un Etat délinquant. La politique qui est censée être au service de l'intérêt général et du peuple est devenue durant ces dernières années un instrument pour s'enrichir et enrichir les copains et les coquins. Elle est devenue à juste titre l'ennemi de l'économie en général et de l'entreprise en particulier. Cette politique désastreuse au service des intérêts de cette oligarchie est tout le contraire d'une économie au service de la communauté nationale. Le problème est que la somme des intérêts privés n'est jamais égale à l'intérêt général ni au bien commun. Le gouvernement et ses courtisans doivent sortir de leur bulle en se focalisant uniquement sur la baisse de la rente des hydrocarbures et commencer au moins à se poser ces questions : pourquoi après des recettes de plusieurs milliers de milliards de dollars engrangés durant les 16 dernières années, l'Algérie est toujours une économie rentière et dépendante au lieu d'une économie de production et d'innovation ? Pourquoi après 16 années d'investissements massifs l'Algérie est toujours dépendante de cette rente et n'a pas réussi sa transition au moins économique en sacrifiant la transition politique ? Les Algériens ont raté et la transition politique et la transition économique. Il est temps de faire un «bilan» politique et économique avant de décider de l'avenir de la nouvelle Algérie. 50 ans de bricolage et de ratages politique et économique, y en a assez ! Ne cédons pas aux discours faciles de ces rentiers zélateurs, porte-monnaie d'un clan et non créateurs de richesses, quand de vrais entrepreneurs et industriels sont rackettés, bloqués et alourdis par de faux problèmes administratifs et fiscaux, parce qu'ils ont refusé de mélanger leur rôle d'investisseurs créateurs de richesses et d'emplois avec celui de comité de soutien du clan pour un quatrième mandat. Les attaques inutiles et improductives par un ministre d'un gouvernement qui navigue à vue, en présence d'un ministre étranger, contre un capitaine de l'industrie algérienne qui sort du lot, en l'occurrence Rabrab, le fondateur du groupe Cevital, est plus que symbolique. Un gouvernement au service de l'oligarchie et qui ne défend ni les industriels créateurs d'emplois et de richesses, ni les travailleurs. Ce gouvernement a détruit et le monde syndical et le monde de l'entreprise. Quelle conséquence cela a-t-il sur l'économie quand on demande aux salariés d'accepter la précarité, quand les représentants de ces nouveaux entrepreneurs revendiquent le blanchiment de l'argent sale, quand les représentants de ces nouveaux industriels revendiquent l'effacement fiscal et des dettes malhonnêtes ? quelles conséquences cela a-t-il sur l'économie quand des salariés sont licenciés sans aucun droit, quand le droit syndical devient un ennemi de l'entreprise et une infraction à la loi pour ces nouveaux patrons et leurs protecteurs au pouvoir ? Une économie saine et citoyenne est une économie non rentière : une économie qui reflète les objectifs d'un projet national, accepté par tous et bénéfique pour tous, une économie qui a pour objectif une croissance durable, forte, mais également politiquement acceptée et socialement juste. Une économie basée sur l'import-import et sur les monopoles au détriment de la production et de l'innovation est une économie qui ne développe que misère et frustration sociale. Une économie plus saine et à même de ramener la confiance entre l'Etat et le citoyen et redorer l'image du pays au niveau international suppose la promotion de la transparence et de l'intégrité, la lutte contre la corruption et le blanchiment des capitaux, et surtout la lutte contre la fraude fiscale et en parallèle la réhabilitation de la vertu du savoir, du travail, ainsi que de l'éthique. Une économie saine et juste suppose la refondation du droit du travail, du système financier et fiscal, de la formation professionnelle et de la sécurité sociale pour mieux préparer l'entreprise algérienne à affronter les défis de la mondialisation et les besoins divers du pays en général et du citoyen en particulier. Un travailleur satisfait, sécurisé et bien formé permet à l'entreprise de créer plus de richesses et d'être compétitif. Le terrorisme, c'est aussi moins de droits au travail, moins de travailleurs formés, plus de chômage, de misère, une généralisation de la corruption, de la précarité et de la délinquance avec pour conséquences de la violence et de l'instabilité. Il faut un contrôle accru et permanent contre la délinquance économique. Plus il y a une volonté politique de lutter contre les détournements et la corruption, plus les effets de la crise sont supportables et plus il y a des chances de réussir la transition économique en douceur et avec moins de dégâts pour le pays. Qu'il s'agisse donc du président du FCE ou de n'importe quel ministre de ce gouvernement, arrêtez d'insulter l'intelligence des Algériens et leur capacité à réfléchir. Le véritable ennemi de l'économie nationale est l'entrepreneur opportuniste et rentier qui se sert des projets de gré à gré, très souvent surfacturés mais jamais exécutés selon les normes et souvent réévalués. Nous ne sommes pas contre l'entreprise productrice de richesses et d'emplois, ni contre l'entrepreneur patriote qui paie ses impôts et respecte ses travailleurs, nous sommes contre l'entreprise antinationale et les entrepreneurs voyous. Nous le rappelons et le confirmons à notre tour à la face de ce pouvoir autiste devenu porte-parole de tous les délinquants politiques et économiques ; l'Algérie est à l'orée d'une grave crise dont les répercussions seront désastreuses pour le devenir de toute une nation, victime de décisions politiques et économiques catastrophiques d'un pouvoir qui ne veut même pas reconnaître ses torts. Les tenants du pouvoir qui ont dirigé le pays depuis plus de 16 ans savent-ils au moins qu'ils vont laisser l'Algérie classée parmi les derniers pays dans tous les domaines ? Ils ont réussi à assurer un classement honorable parmi les pays les plus corrompus au monde, et le pays qui a produit le plus de milliardaires en un laps de temps très court sans aucune production visible, puisqu'on importe tout, malgré une manne de 1000 milliards de dollars. Ils se sont enrichis en se servant du Trésor public et en servant le pouvoir comme porte-monnaie durant les campagnes électorales et hors-campagne. Ce pouvoir a réussi à détruire l'école algérienne, la santé des algériens et leur pouvoir d'achat. Comme il a réussi à sous-développer davantage le secteur agricole qui a englouti plus de 60 milliards de dollars. Il en est de même des autres secteurs productifs. Cette oligarchie qui se caractérise par la gestion du statu quo pour se maintenir au pouvoir est devenue le problème et ne peut en aucun cas être la solution. Après quatre mandats, ces tenants du pouvoir ont laissé le pays exsangue de ses ressources financières, perdu dans un désert sans eau, sans guide et sans boussole. Ils ont lamentablement échoué et ils ont fait rater à l'Algérie le train d'une refonte nationale aux plans politique, économique et social et qui l'aurait hissée au rang des pays émergents. Ce n'est pas avec l'intimidation et la répression que les mécontents de cette gouvernance vont se taire. On sait tous comment on a exfiltré un criminel politique et économique comme Chakib Khelil, passible de poursuites pour haute trahison, mais on a tous aussi suivi l'excès de zèle avec lequel un général en retraite et malade a été à la limite kidnappé. Le message est clair : toute personne qui risque de critiquer ou contrarier les décisions de l'oligarchie et ses protecteurs connaîtra le même sort. Ce qu'ils ignorent, par contre, c'est qu'ils ne peuvent pas emprisonner tout un peuple. Ce pouvoir disparaîtra par la vertu de la capacité de ses enfants, toutes catégories confondues, à prendre en charge sa propre destinée et ranger dans la poubelle de l'histoire ceux qui ignorent qu'on peut tromper son peuple un temps, mais qu'on ne peut pas tromper son peuple tout le temps. Dieu protège l'Algérie !