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Le Forum des chefs d'entreprises à la croisée des chemins
Publié dans Le Maghreb le 09 - 05 - 2010

I.-Le forum des chefs d'entreprise (FCE) est comme son nom l'indique un forum, c'est à dire au départ de sa création, une structure de concertation entre les entreprises publiques et les entreprises privées et non une organisation syndicale, bon nombre de ses membres ayant été par le passé des cadres d'entreprises publiques reconvertis au secteur privé. Par contre, le syndicat patronal est représenté actuellement par la CAP, la CGEOA, le CNPA, la CIPA, SEVE (syndicat des entrepreneurs féminins) et de l'UNEP (syndicat des entreprises publiques), toutes ces organisations syndicales assistant à la tripartie avec le gouvernement et non le FCE.
Docteur Abderrahmane
MEBTOUL professeur d'Université management
stratégique Expert international
Il est indéniable que sur le plan de l'analyse économique, le FCE a contribué à des débats et propositions productives suppléant au déficit du Conseil économique et social qui de par le monde où existe le CNES, doit être une structure de dialogue économique et social entre les différents partenaires présents et l'élaboration de propositions contrepoids au gouvernement . Mais, en dehors de ce double emploi, l'erreur de certains membres du FCE a été de se comporter par le passé en tant qu'entité morale intellectuelle en octroyant le prix des meilleurs managers à certains de ses membres rattrapés par la suite par des scandales financiers comme à KHALIFA ex-membre du FCE, au Ministère des travaux publics, à certains DG comme ceux de la BADR , ou de SONATRACH et récemment en tant que syndicat . Cependant, l'arbre ne doit pas cacher la forêt, ce n'est pas là l'essentiel de l'origine du désistement des entreprises publiques car du fait du fait de l'immobilisme économique, toute crise devait engendrer des tensions inévitables.
II.- La problématique centrale est ce que l'on peut -en parler d'entreprises publiques en avril 2010 et la loi sur l'autonomie des entreprises publiques des années 1990 est -elle toujours en vigueur ? Cette loi a d'abord organisé ces entreprises en fonds de participation, puis en holdings après l'ajustement structurel de 1995 à 2000 , puis en sociétés des participation de l'Etat de 2001 à 2009. Or le ministre de la Promotion et de l'investissement a annoncé officiellement début février 2010 la dissolution des SGP, chaque entreprise devant relever de chaque Mministère comme dans les années 1970 remettant en cause la loi sur l'autonomie non abrogée. Cela rentre dans le cade de la nouvelle orientation économique inscrite dans la loi de finances complémentaire 2009 et avalisée par la loi de finances 2010 du retour au tout Etat. L'explication de ce revirement est que selon le gouvernement, les investissements directs étrangers ont eu peu d'impact autant que le secteur privé national, étant actuellement marginal au sein de la valeur totale des investissements, l'Etat propriétaire gestionnaire étant le principal investisseur par la dépense publique via les hydrocarbures. Le fondement du fonctionnement de l'économie algérienne est donc le système rentier et il est illusoire même de parler de capitalisme d'Etat qui, sous d'autre cieux, a permis l'accumulation car reposant sur l'entreprise créatrice de richesses dont l'Etat était le propriétaire. En Algérie, il ya dépérissement de l'entreprise publique puisque l'assainissement de ces entreprises de plusieurs dizaines de milliards de dollars entre 1991/2010 n'a pas eu les effets escomptés selon les estimations même du gouvernement montrant une allocation financière non optimale et donc un gaspillage des ressources.
III.- C'est que la logique rentière, actuellement, détermine toute la logique tant économique que sociale (redistribution passive de la rente pour une paix sociale éphémère), n'existant pas une véritable politique salariale avec la dominance des salaires et emplois-rentes aux dépens du travail et de l'intelligence créatrices de valeur ajoutée permanente.
D'où la conséquence inévitable la marginalisation de l'entreprise à travers cette vision statique, dont l' épanouissement de l'entreprise est tributaire de l'avancée de la réforme globale, la stabilisation macro-économique étant éphémère sans de profondes réformes micro- économiques et institutionnelles, éviter l'instabilité juridique posant la problématique de l'Etat de droit à ne pas confondre avec la démocratie, , atténuer le terrorisme bureaucratique, réformer le système financier sclérosé, (des guichets administratifs lieu de distribution de la rente des hydrocarbures), un système socio- éducatif mieux adapté aux bouleversements mondiaux et résoudre l'épineux problème du foncier . Tous ces facteurs constituent un frein essentiel à l'épanouissement de l'entreprise privée nationale, internationale et publique cette dernière devant évoluer dans un environnement concurrentiel ( couple prix compétitif/qualité) l'espace socio- économique de l'Algérie en termes d'avantages comparatifs étant l'espace euro-méditerranéen l'Algérie étant liée à un Accord avec l'Europe pour une zone de libre-échange applicable depuis le 01 septembre 2005 et aspirant adhérer à l'OMC, ( d'où d'ailleurs l'intégration maghrébine à laquelle je suis profondément attaché, cette non intégration faisant perdre plusieurs points de croissance au Maghreb) et à l'espace arabo-africain.
IV- Partant de ce constat , comme rappelé précédemment , depuis la promulgation de la loi de finances complémentaire 2009 donnant le primat à l'Etat gestionnaire, et non au manager public libre de sa gestion , l'Etat devant se limiter à son rôle de régulateur, pouvant détenir des minorités de blocage d'où cette anomalie des 49% privé international /51% national, pour l'industrie et les services, et les 30% étrangers et 70% national pour le commerce alors que la notion de secteur stratégique ou non stratégique est historiquement datée, la crise économique mondiale n'ayant été qu'un prétexte pour freiner les réformes ,( le keynésianisme ne signifiant pas le retour à l'étatisme bureaucratique), par l'instauration d'une économie de marché maitrisée, plus sociale, comme le prouve le dynamisme des pays émergents Chine, Brésil, Inde et même la Russie. Veut-on imiter le seul pays autarcique qui est la Corée du Nord à la différence que l'on a la rente des hydrocarbures ? Car, comprendre l'enjeu des réformes, implique d'analyser la stratégie des acteurs divergents, les gagnants d'aujourd'hui tournant autour de la rente, et les acteurs émergents gagnants de demain les véritables entrepreneurs, avec des incidences politiques d'où les résistances des tenants de la rente dominants actuellement au niveau des différentes sphères du pouvoir avec une concentration excessive du revenu national au profit d'une minorité rentière. Aussi, après donc le revirement de la politique économique, sans parler des affaires de corruption qui gangrènent surtout le secteur public, les gestionnaires publics par peur de représailles du fait des déclarations du FCE concernant la critique de l'actuelle politique économique et surtout ne pouvant plus parler d'entreprises publiques au sens véritable du terme, étant des démembrements des appareils de l'Etat , la conséquence était le retrait inévitable de ce forum de la majorité des entreprises publiques soumises à des interférences politiques puisque la logique de l'entreprise privée et de l'entreprise publique devenait différente.
V.- Existant des liens entre la logique rentière et l'extension de la sphère informelle, selon mon point de vue, la crise que traverse le FCE n'aura aucun impact politique à court terme puisque le pouvoir pour deux raisons dialectiquement liées. La première raison fondamentale est que le pouvoir dépend de la rente des hydrocarbures.
Deuxième raison, la majorité du secteur privé est soit en dehors des organisations pour la sphère réelle, donc non structuré, et surtout localisé dans la sphère informelle dominante produit des dysfonctionnements des structures de l'Etat mais servant de soupape de sécurité économique et sociale . En matière d'emploi, la part qui revient à l'économie informelle selon le ministère du Travail est plus de 25% de la population active avec une contribution dans la formation du PIB (produit intérieur brut) hors hydrocarbures de 20 à 25%, cette sphère contrôlant quatre segments-clefs : celui des fruits et légumes, de la viande, celui du poisson pour les marchandises locales et pour l'importation, le textile - chaussures. En effet, dans la conjoncture actuelle, la seule sphère privée actuellement en Algérie autonome vis-à-vis des sphères du pouvoir, bien qu'étant le produit de la bureaucratie et entretenant des relations diffuses, est la sphère informelle tant marchande que productive( (avec des institutions et une intermédiation financière informelle contrôlant 40% de la masse monétaire en circulation, l'économie algérienne étant fondamentalement dualiste ce qui renvoie aux difficultés de l'instauration d 'un Etat de droit et d 'une bonne gouvernance ), et la dynamisation du secteur privé national en Algérie dans son ensemble, passe par son intégration intelligente loin des mesures autoritaires au niveau de la sphère réelle.
Cependant ce qui se passe au FCE , sur le plan économique en termes d'image, de confiance qui est le fondement des affaires, l'impact est négatif, les opérateurs nationaux du fait du non dialogue, des mesures comme le passage sans transition du Remdoc au Crédoc, de l'introduction de licences d'importation pour certains produits, avec des surcouts , amplifiés par l'augmentation des nouvelles charges salariales qu'une bonne partie des PMI/PME ne peuvent supporter , ( 20% étant déjà leur marge de profit) pouvant aller soit dans l'import/export , soit grossir la sphère informelle, et pour les opérateurs internationaux se réfugiant dans des segments de court terme à rentabilité immédiate étant surs d'être payés grâce aux réserves de change.
Et la seule solution qui reste aux membres du FCE composé d'entrepreneurs privés est :
a) de s'ériger en syndicat si la majorité de ses membre le veulent;
b) beaucoup dépendant pour des parts de marché des pouvoirs publics n'étant pas autonomes, l'on pourrait assister pour certaines à des désistements par des allégeances au pouvoir public et la création d'un FCE bis ;
c) pour d'autres membres la troisième solution serait de rejoindre les organisations patronales plus combattives.
VI- Cependant l'avenir de l'économie algérienne, outre ces aléas conjoncturels, passe par la dynamisation de l'entreprise, la fin de l'incohérence et la non visibilité de la politique socio -économique, résultante de la neutralisation des rapports de force au sommet. Pour preuve, pas de corrélation entre les dépenses publiques 200 milliards de dollars entre 2004/2009, malgré la dévaluation du dinar moins de 3% d'exportation hors hydrocarbures, montrant que le blocage est d'ordre systémique, et le taux de croissance inférieur à 3% pour cette période montrant un gaspillage des ressources rares car ces dépenses auraient dû occasionner un taux de croissance supérieur à 7/8%, s'agissant d'éviter de vendre des illusions de 5/6% de taux de croissance hors hydrocarbures car plus de 80% de ces segments sont irrigués par la dépense publique via la rente des hydrocarbures (secteur privé et public) ne restant que 20% d'entreprises véritables créatrices de richesses.
Car, l'Algérie est dans cette situation hybride, interminable transition depuis 1986, ni une économie administrée, ni une véritable économie de marché concurrentielle loin de tout monopole qu'il soit public ou privé qui ne résoudrait aucunement les problèmes fondamentaux de l'Algérie qui est le passage d'une économie de rente à une économie productive y compris les services qui en ce XXIème siècle sont créateurs de valeur ajoutée. Il s'agit donc d'entrevoir l'après hydrocarbures du fait de l'épuisement inévitable de cette ressource éphémère, 16 ans pour le pétrole et 25/30 ans pour le gaz tenant compte de la forte consommation intérieure sur des réserves selon les estimations internationales de 4500 milliards de mètres cubes gazeux , horizon 2015, 85 milliards étant destinées à l'exportation et 70/75 au marché intérieur selon le CREG , sous réserve d'une part que les coûts soient compétitifs (le problème du gaz étant posé pour l''Alghérie supposant un nouveau modèle de consommation énergétique) et que l'introduction du gaz non conventionnel (supposant beaucoup d'eau) ne bouleverse pas la carte géostratégique gazière mondiale. L'avenir de la dynamisation de l'entreprise dépend donc fondamentalement d'une vision dynamique à moyen et long terme évitant de raisonner en statique, ce qui serait une erreur d'appréciation stratégique. D'où l'urgence d'un débat national que j'ai suggéré depuis des années sur ce secteur dont la gestion doit être démocratisée autant que la gestion des réserves de change, autant qu'un débat national sans exclusive sur le devenir de l'économie algérienne, afin de préparer l'avenir des générations futures : le dialogue, et toujours le dialogue, loin de la vision autoritaire, impliquant plus de libertés au sens large, le plus grand ignorant étant celui qui prétend tout savoir.
VII- En conclusion, gouverner étant de prévoir les défis qui attendent l'Algérie sont immenses du fait de l'important retard accusé dans les réformes se réfugiant dans le court terme par des dépenses monétaires colossales, sans se préoccuper de la bonne gestion, avec une corruption socialisée du fait de la non mise en place à la fois des mécanismes de régulation et de contrôle appropriés, assurant une paix sociale fictive via la rente mais également, car il faut éviter la sinistrose, les potentialités sont immenses.
Le dépassement de cette crise multidimensionnelle passe par une transparence totale et une clarté sans nuance dans la pratique politique et économique des institutions et des femmes et hommes chargés par la Nation , car la gouvernance est une question d'intelligence et de légitimité réelle et non fictive, impliquant la refondation de l'Etat pour une société participative et citoyenne tenant compte de notre anthropologie culturelle.


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