Après la remise d'un rapport parlementaire, la France se dirige vers une loi interdisant le voile islamique intégral, sur fond de déchirement à droite. Prohibition partielle ou totale, jusque dans la rue ? Certains regards se tournaient hier vers le président Nicolas Sarkozy. Ce débat, qui agite le pays depuis six mois, a été relancé par les recommandations présentées mardi par la commission parlementaire chargée d'enquêter sur ce phénomène ultra-minoritaire. Il concerne moins de 2000 musulmanes. Au terme de 200 auditions et d'un dernier vote très serré, la mission a préconisé l'adoption d'une résolution parlementaire, non contraignante, qui affirmerait solennellement que la France « dit non au voile intégral », pratique « inacceptable » menaçant « la dignité des femmes ». Selon le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer (UMP, parti présidentiel), la résolution devrait être votée au printemps. Dans un second temps, le rapport recommande une loi qui concrétiserait cette interdiction et concernerait les services publics (administrations, hôpitaux, transports, sorties d'école...). Faute d'ôter leur voile, les femmes pourraient ne pas avoir accès aux prestations souhaitées. La mission estime que l'interdiction pourrait être élargie aux espaces privés accueillant du public (commerces, banques...) et que les porteuses du voile intégral et leurs conjoints pourraient se voir refuser la nationalité française. Mais une partie des députés de droite, emmenés par le président du groupe UMP à l'Assemblée, Jean-François Copé, veut aller plus loin. Une prohibition totale, y compris dans la rue. Ce dernier a d'ailleurs déposé mardi sa proposition de loi en ce sens, fort du soutien de « près de 200 » députés UMP (sur 577 à l'Assemblée) et de récents sondages pro-interdiction. Les Français sont 56% à souhaiter l'interdiction dans la rue et jusqu'à 62% dans les « lieux publics ». Copé-Accoyer, deux hommes, deux avis L'offensive de M. Copé a créé un vif malaise à droite. Critique, M. Accoyer a estimé hier que la majorité devait, sur ce sujet, retrouver « une démarche plus consensuelle, plus constructive. » Il a alors lancé la balle dans le camp du gouvernement. « Maintenant, l'heure est venue d'avoir en perspective l'initiative du gouvernement pour conclure par des textes qui sont des textes législatifs », a-t-il déclaré sur la radio Europe 1, appelant l'Exécutif à « prendre ses responsabilités ». Le sujet est sensible dans un pays qui abrite la plus grande communauté musulmane d'Europe, avec 5 à 6 millions de membres. D'autant que de nombreuses voix, notamment à gauche, s'élèvent contre ce qu'elles estiment être une « stigmatisation » de l'Islam. L'opposition socialiste a réclamé avant tout l'abandon d'un débat sur la définition de l'identité nationale, lancé parallèlement par le gouvernement et qui, disent les socialistes, est porteur de dérives racistes. En majorité, le PS, opposé à la burqa, s'oppose à une loi « de circonstance » sur la question. Nicolas Sarkozy a, à maintes reprises, déclaré que la burqa et le niqab ne sont « pas bienvenus en France » parce que « contraires à nos valeurs ». Il s'est récemment prononcé pour une résolution les interdisant, appelant ensuite à « tirer les conséquences de cette résolution, d'un point de vue législatif et réglementaire », mais sans préciser le champ concerné par cette prohibition. Après la remise mardi du rapport parlementaire, très attendu, le président français s'est rendu dans un cimetière musulman du nord de la France plusieurs fois profané. « L'Islam est aujourd'hui la religion de nombreux Français. Et notre pays (...) ne peut laisser stigmatiser les citoyens français musulmans », a-t-il déclaré.