Les anciens travailleurs de Digromed semblent désemparés. La dissolution de l'entreprise de distribution de médicaments a été prononcée en juin 2009, mais les travailleurs licenciés ont encore beaucoup à dire sur la manière avec laquelle a été géré ce dossier. Ils reprochent, notamment, au liquidateur et à la société de gestion des participations Gephac de ne pas avoir respecté leurs engagements. Ils s'insurgent également contre la banalisation de la dissolution des entreprises publiques et se disent prêts à entamer des actions de protestation et porter plainte pour réclamer leurs droits. « On a banalisé la dissolution des entreprises à tel point qu'on oublie que c'est l'avenir de milliers de travailleurs qui est en jeu », regrettent les représentants des travailleurs licenciés de Digromed qui se sont déplacés à notre rédaction. Les travailleurs se sont montrés « étonnés » par la volte-face de la SGP à leur égard. « On a achevé l'entreprise et on nous a arnaqués », résume M. Bouzidi, désigné comme représentant des travailleurs après la dissolution du syndicat d'entreprise. Le fait est que les 1006 travailleurs licenciés n'ont perçu que les deux tiers des indemnités initialement prévues dans le protocole d'accord signé communément par la société de gestion des participations (SGP) et le partenaire social. « La signature de la SGP dans le protocole d'accord est un engagement. Ils ne peuvent revenir en arrière aussi facilement. Dès lors qu'ils ont décidé de dissoudre l'entreprise, ils doivent nous donner tous nos droits », estime M. Houri, représentant des travailleurs licenciés. Il enchaîne : « Nous sommes trop jeunes pour la retraite, trop vieux pour commencer une nouvelle carrière. Les gens veulent aujourd'hui tourner la page et aller de l'avant. Mais on a l'impression qu'ils veulent encore faire traîner les choses. » Le protocole d'accord stipulait que les travailleurs licenciés devaient bénéficier d'une indemnité équivalente à trois mois de salaire par année de service. Aujourd'hui, les indemnités des congés payés (STC) sont encore bloquées concernant les travailleurs qui sont sortis en 2008. Les responsables de la liquidation donnent généralement des réponses évasives quant à la prise en charge de ce dossier. « Nous avons voulu remettre une lettre aux responsables de la SGP, nous n'avons eu qu'une fin de non-recevoir », disent les travailleurs, dépités. L'histoire de la dissolution de l'entreprise de Digromed a connu de nombreux rebondissements. Pour les anciens travailleurs, Digromed était destinée à disparaître compte tenu de la concurrence déloyale qui sévit dans ce secteur. Du temps de l'Enapharm, l'entreprise disposait d'un matériel dernier cri et d'une bonne santé financière. Dès l'ouverture du secteur au privé, les « pharms » ont été dissoutes en décembre 1997. L'activité Digromed a commencé en 1998, aux côtés de Simedal pour l'importation et Endimed pour la distribution au détail. « Digromed était un mort-né. Il y a des causes exogènes qui ont mené à sa faillite comme les créances des hôpitaux, la dévaluation du dinar et le fait d'astreindre à vendre au moindre coût. On ne pouvait pas faire un gros chiffre d'affaires dans ces conditions », racontent les travailleurs qui soulignent, au passage, qu'ils n'ont eu droit à aucune augmentation de salaire depuis 1998. « Dès que les stocks pharms ont été épuisés, les problèmes ont commencé. L'activité a sensiblement baissé en 2005. Les travailleurs étaient payés au compte-gouttes. Les promesses n'étaient pas tenues », relate-t-on. La dissolution de l'entreprise a causé de gros dégâts sur le moral des travailleurs. « Un collègue s'est suicidé à Oran », disent les représentants des travailleurs. La dissolution de Digromed livre le secteur de la distribution au privé. Un marché aussi sensible que celui du médicament devient ainsi hors de contrôle.