En effet, au moins six « grosses pointures » activant dans le domaine de la télésurveillance, dont Alstom et Shlumberger, qui ont obtenu des marchés de gré à gré entre 2006 et 2007, sont bloquées, ne sachant plus à qui s'adresser pour obtenir le paiement de leurs créances. Selon certains cadres, « le retard dans la prise en charge de ces factures est dû au fait que tous ces marchés à consultation restreinte ont connu un changement dans la durée de réalisation. Celle-ci était initialement arrêtée à une année, puis revue à 6 mois. Un délai trop court par rapport à l'importance des marchés. Ce qui, inévitablement, a conduit aux avenants, arrivés à expiration au mois d'avril 2009. Personne ne sait, par contre, pourquoi la direction générale, qui avait accepté que les délais soient raccourcis, a décidé de bloquer le paiement des factures. Réunion après réunion, ce n'est qu'après les vacances d'été, puis le mois de Ramadhan, que la direction générale a fini par accepter de payer leur dû aux sociétés étrangères. Mais, entre temps, le scandale est arrivé et tous les actes de gestion des cadres dirigeants ont été gelés, mettant dans l'embarras les sociétés qui attendaient désespérément leurs dus ». Tous les écrits, a précisé notre source, transmis par ces dernières au ministère et au directeur général (par intérim) de Sonatrach sont restés sans suite. « Personne n'a voulu prendre la responsabilité de garantir aux entreprises le paiement de leurs factures », a déclaré notre interlocuteur. Situation qui a mis une des sociétés (française) dans de graves difficultés financières. Celle-ci avait obtenu le marché en sous-traitance avec une société (dont 50% du capital appartenant à Sonatrach et 50% à une société française) et parce qu'elle ne pouvait être payée après installation des équipements, elle a été mise en liquidation. « Toutes les correspondances transmises à la société mixte avec qui elle a sous-traité et à Sonatrach en tant que société mère n'ont pas abouti. Même le tribunal de Paris a saisi la compagnie pour lui demander si elle pouvait lui assurer que l'entreprise allait percevoir son dû et donc lui éviter un dépôt de bilan, en vain. Aucun responsable, même l'intérimaire, n'ont donné suite à ce courrier », a expliqué un cadre de la compagnie. Ce qui a suscité de vives inquiétudes chez les partenaires de Sonatrach et surtout chez ses clients envers lesquels elle a des engagements qu'elle doit respecter. La suspicion qu'a généré le scandale a paralysé la prise de décision au point où le sentiment de démobilisation chez les jeunes cadres, notamment ceux du sud du pays, commence à peser vu l'absence d'information sur l'avenir de leur entreprise depuis que ses cadres dirigeants ont été inculpés. Et pour faire face à un malaise omniprésent, le PDG par intérim n'a pas trouvé mieux que d'annoncer l'institution d'une indemnité compensatoire au profit des agents admis à la retraite qui ouvrent droit à une prime de zone et de condition de vie pendant une période d'au moins 5 ans consécutifs. L'on se rappelle que les travailleurs du Sud ont de tout temps revendiqué une compensation, mais soumise aux cotisations de Sécurité sociale. Elle a été accordée uniquement aux agents qui vivent au Sud avec leur famille, sans qu'elle soit prise en compte pour le calcul de la retraite. La décision du PDG de l'élargir aux célibataires (résidant au Sud) est certes la bienvenue, mais elle ne correspond pas aux revendications des travailleurs qui, eux, réclament une indemnité cotisable qui soit garantie par la convention collective et non par une simple décision du PDG, sujette à une annulation. Ce que les cadres réclament aujourd'hui, c'est une vision claire sur l'avenir de leur compagnie qui, depuis plus de 20 jours, traverse de graves turbulences. « Nous voulons que les pouvoirs publics installent rapidement une nouvelle direction qui puisse ramener la confiance lourdement entachée et assurer la continuité des affaires courantes. Sonatrach n'est pas une société quelconque. Elle a une valeur marchande et un capital qui s'appelle confiance. Une affaire comme celle qui vient d'éclabousser ses cadres dirigeants peut facilement la faire couler si l'Etat ne prend pas les mesures nécessaires pour éviter les dommages collatéraux. Les scandales dans les milieux pétroliers sont nombreux, mais jamais une compagnie n'a été laissée si longtemps sans dirigeant(s), comme si la suspicion avait atteint des niveaux tellement hauts qu'il est difficile de trouver des dirigeants intègres pour prendre les rênes de l'entreprise. Mais nous savons tous que ce n'est pas le cas et que la force de Sonatrach est sa ressource humaine. Il suffit juste de placer les hommes qu'il faut à la place qu'il faut pour retrouver la confiance et la crédibilité d'antan », a déclaré un haut cadre qui exerce actuellement au sud du pays. Pour lui, l'absence d'interlocuteur au sommet de la compagnie a été pour beaucoup dans l'inquiétude exprimée par les sociétés bénéficiaires des marchés de télésurveillance (de l'activité de transport par canalisation). Une inquiétude d'autant plus grave qu'elle reflète le malaise ressenti par les clients et fournisseurs de la compagnie face à l'incertitude quant au respect des engagements de Sonatrach. Ce qui est, commercialement parlant, très dangereux. « Les pouvoirs publics n'ont pas le droit de laisser Sonatrach, le poumon de l'Algérie, dans cette situation d'expectative », a conclu un autre cadre, exerçant à la direction générale. En fait, tous nos interlocuteurs ont tiré la sonnette d'alarme et alerté les autorités sur cette longue vacation de la direction de la compagnie et surtout sur l'absence de toute information rassurante à son sujet. Ce qui, selon eux, va l'exposer à des risques majeurs aux dommages collatéraux inéluctables.