Selon le syndicaliste, son salaire de 17 000 DA ne lui permet pas de subvenir aux besoins de sa famille. «L'ouvrier a à sa charge deux enfants. Il n'a même pas de quoi se payer des chaussures. Des personnes dans ce cas, on en compte des milliers dans le Sud. Je prends l'exemple des gardiens qui travaillent dans des conditions infernales, avec des loges qui ne sont pas climatisées. Ils sont là à surveiller les écoles en cumulant parfois plus de 40 heures par semaine pour un salaire ne dépassant pas 14 000 DA, soit moins que le SMIG», s'indigne le syndicaliste. Le corps des ouvriers professionnels (OP) est le plus touchés par la ségrégation dans le traitement des fonctionnaires de l'administration publique. La révision de l'article 87 bis n'a rien changé à la situation de ces OP. «La Fonction publique s'est certes rattrapée quelque peu pour les ouvriers qui justifient de dix années de service effectif. L'augmentation pour les ouvriers avec expérience n'a pas dépassé 2000 DA par mois», regrette Mustapha Khor, syndicaliste. Des ouvriers dans des établissements de l'intérieur du pays ou dans les régions enclavées sont employés dans des tâches qui ne sont pas les leurs. Les OP sont considérés comme des tâcherons malléables à souhait. «J'ai vu des ouvriers laver la voiture du directeur ou construire des murs pour que le directeur se remplisse les poches avec la complicité d'entrepreneurs absents. Et gare à eux s'ils rouspètent. Il y a pire. Je connais un cas de harcèlement à l'encontre d'une employée à Alger. L'administration a soutenu le directeur fautif, et la victime a été suspendue un temps avant d'être réintégrée après un procès», s'indigne le secrétaire général du Snccopen. Ce qui a, par ailleurs, fragilisé cette catégorie d'ouvriers, c'est la contractualisation. Il existe au moins 70 000 OP recrutés «au noir» par des directeurs, ils sont mal payés, déconsidérés et ne peuvent ni se syndiquer ni faire grève. Dans des établissements scolaires d'Alger-Ouest, des ouvriers engagés par l'ancien directeur de l'éducation nationale n'ont pas perçu à ce jour leurs salaires de la période 2006-2008. La Fonction publique argue qu'elle n'a pas visé les dossiers des agents recrutés. «230 ouvriers recrutés ont perdu leurs salaires. Certains n'ont pu récupérer que 4 mois, d'autres six. Mais à ce jour leur situation n'est pas réglée», s'offusque Bekhmouche Mohamed, représentant de ce corps dans cette partie de la capitale. Selon le syndicaliste, les ouvriers sont déconsidérés par leur hiérarchie et ne bénéficient même pas des primes prévues par le régime légal applicable ailleurs. «Les agents de sécurité de la direction d'Alger-Ouest devaient bénéficier, comme leurs collègues ailleurs, du ‘‘point 1.40'', calculé en fonction de l'ancienneté de l'ouvrier. La prime varie de 200 à 2000 DA. Chez nous, à l'Ouest, rien. On prétexte toujours des dossiers insuffisants», regrette-t-il. La fonction publique alertée Le corps commun et les ouvriers professionnels ne se limitent pas aux gardiens ou aux femmes de ménage, mais il se trouve que d'autres catégories «diplômées» y sont aussi inclues : administrateurs, laborantins, bibliothécaires qui n'ont rien à envier à leurs collègues du corps enseignant. Mais, ces travailleurs qui accompagnent leurs collègues ne bénéficient pas des mêmes avantages. «Dans certains postes ‘‘en voie d'extinction'', la promotion s'est arrêtée. Je prends l'exemple d'un agent d'administration et d'un surveillant, recrutés à la même date. Le surveillant a été promu automatiquement au poste de surveillant principal à la faveur de l'instruction n°3 de 2012. L'année d'après, une autre circulaire n°3 l'a aussi promu conseiller, alors que son collègue agent d'administration est resté au même degré. Le surveillant est passé du 8e au 10e échelon avec en prime un salaire de 42 000 DA, tandis que l'agent d'administration, qui est entré à la même période, a gardé le même salaire de 18 000 DA», explique Mustapha Khor, syndicaliste. Réuni en conseil national, le Syndicat national des corps communs a rappelé les revendications de ces catégories «abandonnées par le ministère de tutelle et par des syndicalistes tricheurs» : il s'agit principalement de la révision des statuts particuliers (décrets 08-04 et 08-05 des OP), de l'augmentation des salaires, de la révision du régime indemnitaire, du reclassement des travailleurs, mais aussi de la limitation des tâches confiées aux OP. (voir l'entretien avec le secrétaire général du Snccopen). Le syndicat dénonce «le deux poids deux mesures» du ministère de tutelle qui «préfère discuter» avec 9 syndicats d'un seul corps (enseignants), alors que le gros des travailleurs, ces petites mains du secteur, est «marginalisé» par les services du ministère qui «défendent leurs collègues du corps enseignant pour bénéficier des mêmes avantages». «Neuf syndicats représentent un même corps. Ce que nous dénonçons c'est que les corps communs soient utilisés par ces syndicats croupions pour grossir les rangs dans les rassemblements et les AG. Ces syndicats ne pipent mot sur les revendications des corps communs à la table des négociations. Mais, ils doivent savoir que les gens ne sont plus dupes et connaissent leurs représentants légitimes», estime Ali Bahari. Au ministère de l'Education nationale, on affirme que le problème des corps communs n'est pas du ressort d'un seul secteur, puisque ces catégories sont régis par un même statut particulier des fonctionnaires appartenant aux corps communs aux institutions et administrations publiques (décret 08-04 du 19 janvier 2008). Lueur d'espoir ? Une information publiée par El Khabar laisse penser que la Fonction publique a décidé de revaloriser les salaires de ces catégories. «On attend pour voir», se contente de dire le syndicaliste qui espère «une implication franche» de la ministre de l'Education nationale.