La guéguerre entre les responsables de la Révolution a commencé bien avant le déclenchement de cette dernière, le 1er novembre 1954. Le témoignage de Mohamed Mechati, moudjahid et membre du groupe des 21 (appelé groupe des 22), renseigne sur les profondes divergences qui existaient entre les chefs politiques de l'époque. Dans son ouvrage Parcours d'un combattant, présenté à la librairie Chihab internationale, à Alger, Mohamed Mechati révèle une des erreurs stratégiques de Mohamed Boudiaf, en sa qualité de tête pensante du lancement de la lutte armée contre le colonialisme français. « La plus grosse erreur est la désignation de Didouche Mourad (un Algérois) à Constantine et de Rabah Bitat (un Constantinois) à Alger. L'erreur a été vite constatée, puisque Didouche Mourad a été assassiné en janvier 1955 », déclare-t-il lors d'une conférence-débat, animée hier à Alger. Selon lui, il y a une différence entre l'action politique et l'action militaire. « Dans l'action militaire, il fallait mettre la personne qu'il faut à l'endroit qu'il faut. C'est pour cela qu'il ne fallait pas envoyer Didouche Mourad à Constantine. Il connaît Alger comme sa poche et s'il avait été désigné dans sa région, il aurait pu être d'un grand apport à la Révolution », affirme-t-il. Mohamed Boudiaf, estime-t-il, avait procédé ainsi « afin d'isoler Abderrahmane Guerras avec qui il ne s'entendait pas ». Mohamed Mechati ajoute encore à ce sujet, que Mohamed Boudiaf n'avait même pas invité Abderrahmane Guerras à la réunion du groupe des 21. « J'ai été moi-même chargé de convoquer les participants. Mohamed Boudiaf m'avait remis une liste de 17 personnes à inviter dans le Constantinois. Et personne n'était au courant de l'ordre du jour de la réunion. Ce n'est qu'à la fin de la réunion qu'ils ont compris que l'objectif était de lancer la lutte armée », précise-t-il. En apprenant la décision, Abderrahmane Guerras a insisté, explique-t-il, sur l'organisation d'une nouvelle réunion pour associer toutes les régions du pays à cette décision. « Mais Boudiaf avait refusé en avançant l'argument de l'urgence de lancer la lutte », enchaîne-t-il. Affirmant qu'il ne racontait que ce qu'il a vécu, l'orateur soutient aussi que « Didouche Mourad avait la possibilité de se sauver ». « Ils étaient encerclés, mais il y avait une brèche pour se sauver. Alors que ses compagnons l'ont invité à les suivre, Didouche a préféré rester. C'était une forme de suicide, car il avait senti qu'il y avait quelque chose d'anormal dans l'histoire », conclut-il, en ajoutant que Hocine Lahouel, lui aussi, était écarté.