En dépit des nombreux sit-in organisés devant le siège de l'AADL, l'histoire rocambolesque que vivent quelque 2500 « citoyens honnêtes » n'a toujours pas connu d'épilogue. Les souscripteurs au programme AADL/CNEP 2001 ont observé un rassemblement, dans la matinée de jeudi dernier, devant le ministère de l'Habitat. Même si la foule de centaines de contestataires a vite été « éparpillée » par les forces de sécurité il n'en demeure pas moins qu'ils ne se sont pas laissé démonter. Divisés en groupes, ils ont campé, des heures durant sur les trottoirs. Devant leur détermination, des cadres du ministère ont accepté de recevoir deux délégués. Pourtant, à l'issue de cet entretien, « rien de nouveau » n'a été apporté aux manifestants. Pis, puisque ces derniers considèrent que l'on « se moque d'eux ». Et pour cause, il leur a été demandé de renouveler leur dossier et de le « redéposer », lundi prochain, à la direction de l'AADL. « Comment expliquer cette requête, alors qu'ils détiennent, dans leur base de données, tous les documents et informations nécessaires ? », se sont étonnés plus d'un. Pour eux, les autorités ne cherchent qu'à « faire diversion et gagner du temps » et ainsi calmer un tant soit peu leur colère, en les occupant à faire « autre chose ». Car en dépit des nombreux sit-in organisés devant le siège de l'Agence nationale de l'amélioration et du développement du logement (AADL) de Saïd Hamdine, l'histoire rocambolesque que vivent quelque 2500 « citoyens honnêtes » n'a toujours pas connu d'épilogue. Ils attendent, depuis maintenant dix ans, faut-il le rappeler, qu'une suite soit donnée à leur demande de logement. Certains, ordre de versement l'attestant, figurent parmi les premiers à avoir déposé leur dossier, août 2001. Mais ils ont attendu durant de longues et douloureuses années de pouvoir enfin s'acquitter de la première tranche du prix global pour enfin s'installer « chez eux ». Mais il semblerait que cette attente soit vaine, puisque l'AADL a récemment expliqué que ces « cas », n'étaient tout simplement pas inscrits dans ses programmes. « Pourquoi alors nous ont-ils convoqués, ballottés d'une agence à une autre, de leurs services aux services de la CNEP, en nous disant qu'il fallait juste prendre notre mal en patience ? », s'insurge l'un d'entre eux. D'autant plus qu'à « chaque fois que nous allions nous enquérir de l'avancement de notre situation, l'on nous demandait de ramener tel ou tel document, de renouveler un extrait de naissance arrivé à expiration par exemple ». Des dizaines d'appartements inoccupés D'autres souscripteurs ont même eu à verser la première tranche, voire la totalité de la somme, sans pour autant avoir pu prendre possession de leur logement. D'ailleurs, ils ne connaissent même pas, pour la plupart, leur affectation. Et lorsqu'ils la connaissent, le site assigné originellement peut être modifié, et ce, sans que le principal intéressé n'en soit informé. De nombreux manifestants ont ainsi été confrontés à ce désenchantement. Une fois les cités livrées, « l'AADL s'arroge l'on ne sait de quel droit de nous affecter à un site qui n'en est qu'aux fondations », s'indigne une veuve. « Pourtant, les appartements vides sont légion. A qui ont-ils été adjugés ? », s'interroge-t-elle, tout en connaissant ce qui, tout le monde en est d'ailleurs persuadé, est la réponse. Car malgré les commissions d'attribution installées, la distribution de ces logements se fait, semble-t-il, dans l'opacité la plus totale. Dans la plupart des cages de ces bâtiments, deux ou trois logements, voire même plus parfois, restent vacants. « Soit ils n'ont pas du tout de propriétaire, soit ils ont été donnés, dans des conditions obscures, à des personnes qui n'en ont nul besoin, puisqu'ils disposent d'un autre logement », explique un souscripteur. Et il n'est pas rare de constater que de nombreux acquéreurs ont loué ou vendu leur bien, ce qui, dans ce cadre, est formellement interdit par la loi. Mais les accusations de détournement ne s'arrêtent pas là. Plus d'un demandeur de logement peut en attester. « Les agents AADL, contrairement aux démentis apportés, demandent effectivement un pot-de-vin, qui varie selon l'importance de cette personne au sein de l'agence », certifie l'un d'eux, qui déclare qu'on lui a fait ce type de propositions à maintes reprises. « Cela va de 20 millions de centimes pour pousser le dossier, à 80 millions pour avoir, du jour au lendemain, une affectation », confie-t-il. Les allégations de trafic sont légion Ce qui explique, commente un autre, que des gens qui ont introduit un dossier ont été satisfaits quelques mois seulement après ce dépôt. Un autre, proche de « l'empire AADL », explique même comment l'on s'y prend afin d'obtenir des appartements « vierges ». « C'est simple et très ingénieux. Ils attribuent un certain nombre de logements à des personnes qui, ayant bénéficié d'un habitat sous une autre forme, n'y ouvrent pas droit. Ils les laissent s'acquitter des tranches comme si de rien n'était », avance-t-il. Ensuite, lorsque le projet est fini, ils les convoquent, leur expliquent qu'ils sont exclus du programme pour les raisons suscitées et leur rembourse la somme versée. Toutefois, leur nom n'est pas radié de la liste et l'appartement reste « dans les papiers attribués, mais il reste inoccupé », poursuit-il. Et ensuite ? « Ensuite ? Vous le savez très bien. Tout le monde le sait. Ils en font ce qu'ils veulent. Chacun de nous a, dans son entourage, des éléments de réponse », conclut-il. D'autres expliquent que ceux-là sont parfois même donnés en signe « de faveur et de remerciement ». Ainsi, l'on raconte qu'en guise de « récompense » pour leurs bons et loyaux services durant la campagne électorale 2009, quelques personnes ont bénéficié d'un logement AADL. « Un proche du président de la République les a confiés aux bons soins du directeur de l'AADL. Lorsque ce dernier les a reçus, il leur a proposé de choisir une demeure dans n'importe quel site de leur choix », affirme-t-on sous le sceau de l'anonymat. Dès lors, la colère et le désarroi des 2500 pères et mères de famille, qui vivent dans la précarité et la misère, sont-ils exagérés ? Lorsque l'on constate que les biens de l'Etat sont bradés à tout va, dans l'impunité la plus totale, il semble que les exigences des « mal-logés » ne soient on ne peut plus justifiées.