Tripoli était calme au lendemain de l'arrivée de M. Sarraj, venu de Tunis à bord d'un navire militaire libyen qui a accosté à la base navale. La situation s'est tendue mercredi soir, mais hier, la capitale offrait un visage quasi normal. «Les réactions sont meilleures que ce que nous espérions. La situation est bonne», s'est félicité un conseiller du chef du gouvernement. L'arrivée à Tripoli d'Al Sarraj et de plusieurs membres du Conseil présidentiel du gouvernement d'union nationale a été saluée comme une «étape importante dans la transition démocratique en Libye» par l'émissaire de l'ONU en Libye, Martin Kobler. Elle a été également applaudie par les grands pays occidentaux qui souhaitent qu'une autorité unifiée s'affirme afin de sortir la Libye du chaos dans lequel elle se trouve depuis la chute du dictateur Mouammar El Gueddafi en 2011. Cette stabilisation est jugée indispensable pour lutter, avec le soutien éventuel de pays étrangers, contre Daech qui s'est implanté autour de Syrte, à l'est de Tripoli. Hier, l'Union européenne (UE) a adopté des sanctions contre trois responsables libyens pour leur «attitude d'obstruction» vis-à-vis du gouvernement d'union nationale. Les sanctions visent le président du Parlement de Tobrouk, Aguila Saleh, le président du Parlement de Tripoli, Nouri Abou Sahmein, et le chef du gouvernement de Tripoli, Khalifa Al Ghweil. Elles entreront en vigueur avec leur publication au Journal officiel de l'UE vendredi. ILLÉGAL Au cours de sa première intervention mercredi, Fayez Al Sarraj s'est engagé à faire de la «réconciliation et du règlement de la crise sécuritaire et économique» sa priorité. Mais la tâche qui l'attend est immense pour rapprocher les deux autorités basées dans l'Ouest et dans l'Est qui lui contestent le pouvoir. Dans l'immédiat, sa priorité va être d'installer son administration à Tripoli, selon l'un de ses proches conseillers, on ignore où siégera son gouvernement de 18 ministres, censés représenter les différentes composantes libyennes. Ce gouvernement d'union a été mis en place après un accord politique signé fin 2015 au Maroc, sous l'égide de l'ONU, par des députés des deux Parlements rivaux, malgré l'opposition des chefs de ces institutions. Pour être officiellement investi, il devait obtenir la confiance du Parlement de l'est, basé à Tobrouk. Après plusieurs échecs, faute de quorum, l'entrée en fonction du gouvernement a finalement été proclamée le 12 mars sur la base d'un communiqué de soutien publié par une centaine de parlementaires de Tobrouk (sur 198). Le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, s'est réjoui mercredi que le gouvernement d'union puisse «commencer son travail crucial» pour la Libye. L'UE a, pour sa part, appelé «les institutions et parties prenantes libyennes» à travailler avec ce gouvernement. De son côté, la Tunisie a exhorté, hier, toutes les parties libyennes à se ranger derrière le gouvernement d'union d'Al Sarraj, dans la lutte «contre le terrorisme» et «la sécurisation des frontières». «La Tunisie se félicite de l'installation du gouvernement d'union, une étape importante dans le processus politique libyen», a déclaré, dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères. Par ailleurs, la coalition Fajr Libya a dénoncé l'arrivée d'Al Sarraj et de son gouvernement «illégal». «Ceux qui sont entrés illégalement et clandestinement doivent se rendre ou revenir sur leurs pas», sinon ils devront «assumer les conséquences légales», a averti, dans une allocution télévisée, Khalifa El Ghwell, le chef du gouvernement non reconnu. De son côté, le vice-président du Congrès général national, Awad Abdelsadeq, s'est exprimé sur une chaîne TV affirmant qu'Al Sarraj et les membres du Conseil présidentiel «sont entrés illégalement en territoire libyen, aidés par des soldats et quelques traîtres afin d'enfoncer le pays dans un tunnel sombre». L'arrivée d'Al Sarraj a pourtant été saluée par certains habitants de Tripoli, qui ont laissé éclater leur joie en klaxonnant dans les rues de Tripoli ; d'autres craignent qu'elle ne relance les violences et les affrontements entre partisans des différents camps. «Je viens de déposer ma fille à l'école. Tout semble normal, mais nous restons sur nos gardes au cas où les choses dégénèrent», a témoigné, hier matin Jamal, un résidant.