Prévu une première fois lundi dernier, le jugement en référé de la requête introduite par le ministère n'a pas eu lieu hier. Le président de la deuxième chambre des référés du tribunal de Bir Mourad Raïs (Alger), Mohamed Dahmane, a remis à la défense le dossier initial, le dossier complémentaire et les conclusions additives déposés par le ministère. Selon Me Chaïb, avocat du groupe de presse arabophone, le délai d'une semaine permettra à la défense de présenter ses requêtes. Chahuté à sa sortie de l'audience par une foule amassée devant le tribunal, Amara Mohcine, avocat du ministère de la Communication, a appelé au respect du secret de l'instruction et rappelé que selon l'article 25 du code de l'information, le ministre a le droit d'introduire une action auprès du tribunal administratif. Des juristes étaient intrigués par la décision du ministère d'apporter un additif à sa première requête. «Toute cette affaire illustre la tergiversation. Les avocats n'ont pas répliqué que déjà le ministère change de demande (de ‘sursis' à ‘gel de l'acte'). Le juge des référés n'est pas habilité à statuer au fond», rappelle un avocat qui signale que le recours des services de Grine est infondé, puisque le ministère n'a pas la qualité pour s'opposer à une transaction commerciale. Solidarité de pans entiers de la société Des slogans ont fleuri hier devant le tribunal de Bir Mourad Raïs : «Nous sommes El Khabar», «Nous ne plierons pas»… Des affichettes portant le portrait du défunt Omar Ouartilane, ancien rédacteur en chef assassiné par la horde terroriste en octobre 1993, étaient portées à bout de bras par des journalistes et de nombreux anonymes de toutes les tendances, venus apporter leur soutien au groupe El Khabar en organisant un rassemblement devant le tribunal administratif. Cherif Rezki, directeur de publication d'El Khabar, dénonce les chantages de Grine et rappelle les «ratés» de sa gestion à la tête du ministère : «Grine reproche aux actionnaires leur gestion du journal. Il n'a qu'à se déplacer dans ses imprimeries. Les quotidiens imprimés avec un papier importé sont jetés au pilon. C'est cela, le crime économique», s'offusque Rezki, dont le quotidien n'a pas bénéficié de la publicité ANEP depuis 1998. Me Saheb, avocat, dénonce «une volonté de verrouiller le paysage médiatique». «La liberté de la presse est le meilleur garant pour dénoncer les manœuvres et la corruption, mais aussi le garant pour le développement national», soutient Me Saheb, qui s'est joint au collectif d'une trentaine d'avocats qui s'est constitué «spontanément, bénévolement et de façon citoyenne» par solidarité avec le journal El Khabar. Ayoub, ancien caricaturiste vedette du quotidien arabophone, actuellement à Echourouk, était ému : «El Khabar, doyen des journaux arabophones, a contribué à l'avancée de la liberté d'expression. Ce journal a pu rassembler des lecteurs de toutes les tendances, de gauche, des berbéristes et des islamistes.» L'ancien membre de Barakat, Samir Belarbi, qui a fait le buzz sur les réseaux sociaux en interpellant vertement l'ancien ministre de l'Energie, Chakib Khelil, dans une zaouïa à Annaba, y va de son couplet : «Ceux qui font pression sur El Khabar veulent exploiter la presse pour des intérêts personnels.» Des artistes se sont joints à la foule bigarré des protestataires. Bachir Derrais, réalisateur, rappelle le rang d'El Khabar : «El Khabar est un journal crédible, sérieux, utile pour la démocratie, pour le pays. Nous le soutenons, nous ne voulons pas sa disparition.» Nadir Iddir