L'action en référé introduite par le ministère de la Communication pour contester la cession d'actions d'El Khabar à une filiale de Cevital a été renvoyée au 25 mai par le tribunal administratif de Bir Mourad Raïs (Alger). Le président du tribunal, Mohamed Dahmane, a préféré permettre aux avocats du ministère de répondre au mémoire de la défense. Renvoyé une première fois à la 2e chambre, l'affaire El Khabar a déjà été reportée à deux reprises. «Le juge pouvait trancher. Mais l'usage permet le renvoi pour permettre à la partie demanderesse de répondre», indique maître Hakim Saheb, un des avocats du collectif constitué pour défendre El Khabar. Le juge des référés, qui s'appuyait sur un courrier du barreau d'Alger, a contesté la constitution d'un des avocats du ministère de la Communication, Me Amar, tombé sous le coup de la loi (suspension). Affirmant avoir été réintégré par décision de la Cour suprême, l'avocat a rappelé que la décision devait être envoyée par le bâtonnier d'Alger, maître Sellini. Un avocat s'étonne que le juge ait donné un délai aussi long (15 jours), alors que le référé a un caractère d'urgence. «L'affaire prouve le tâtonnement des autorités. Le ministre a introduit simultanément deux actions : une en référé, une autre au fond. La première requête déposée devant le juge du référé demandait l'annulation de la transaction, le juge aurait pu prononceer son incompétence. La partie demanderesse s'est ressaisie par une requête additive pour demander finalement le gel», signale un avocat qui a requis l'anonymat. «Totalitarisme rampant» Rezki Cherif, directeur d'El Khabar, qui s'attendait à une telle décision, affirme qu'il est confiant : «Nous nous attendions à cette décision pour que le juge soit au courant de toutes les parties. Il paraît que c'est le dernier report. Nous sommes confiants et sereins, parce que les règles sur lesquelles s'est appuyé le ministère de la Communication ne s'appliquent pas à notre affaire.» Les rangs des contestataires ont grossi, hier, avec l'arrivée de nombreux soutiens dans le rassemblement tenu devant le tribunal administratif de Bir Mourad Raïs. Présidents de parti, syndicalistes, acteurs la société civile ou encore jeunes anonymes ont exprimé leur soutien au groupe de presse arabophone. La leader du PT, Louisa Hanoune, a dénoncé, dans une déclaration à El Watan, la duplicité du discours des pouvoirs publics. «Le président de la République a adressé une très bonne lettre le 3 mai en parlant du rôle patriotique joué par la presse. Et El Khabar compte parmi les journaux patriotiques. Le ministre de la Communication a fait le contraire au même moment. Ces contradictions sont dangereuses pour la stabilité du pays. Je considère que l'agression contre El Khabar est une atteinte à la sécurité nationale. Je suis une lectrice d'El Khabar et je ne veux pas qu'on touche à mon droit individuel. Je ne veux pas qu'on m'impose un régime totalitaire rampant. Se taire, c'est préparer le lit d'un totalitarisme complet dans un contexte chargé de dangers pour le pays», estime Mme Hanoune. Mettant en avant «le tâtonnement dans les cercles de décisions», le sociologue Nacer Djabi estime que décision du ministère de la Communication renvoie l'image d'un pays qui «n'a cure des investisseurs privé et qui brime les libertés en voulant faire taire une entreprise de presse». Enseignant à l'Ecole nationale supérieure de journalisme (ENJSI) et journaliste, Mustapha Kessaci déconstruit le discours des services de Grine en affirmant que les autorités de régulation (presse écrite, audiovisuelle) sont seules habilitées à mener de telles actions (poursuite contre des organes). «Le pouvoir a retardé la mise en place des autorités de régulation pour mettre au pas les médias. Des journaux comme El Khabar, El Watan, Liberté ou encore Le Quotidien d'Oran sont accusés d'insulter l'Etat. Mais ces organes-là font un travail de journalisme citoyen», poursuit Kessaci. Le docteur Lyes Merabet, secrétaire général du Syndicat des praticiens de santé publique, apporte son soutien au journal : «El Khabar est un espace de liberté d'expression, qui nous a toujours accompagnés dans les moment les plus difficiles des luttes syndicales du pays.» Réalisateur reconnu, Derrais estime que l'Algérie pouvait faire l'économie d'une telle affaire : «On a la chance d'avoir la paix. Ce n'est pas un étranger qui a acheté El Khabar. La polémique dessert l'Algérie alors que le pays vit dans un monde qui connaît une situation incertaine.»