Quatre militaires étaient tombés au champ d'honneur dans la forêt de Djebel el Ouahch à Constantine il y a moins d'un mois. A quoi est due une telle activité ? Depuis le début de l'année, on observe un véritable glissement technologique en Libye à la faveur de l'arrivée de djihadistes de Syrie et d'Irak, avec un début d'utilisation de véhicules blindés bourrés d'explosifs (SVBIED) et l'apparition de roquettes artisanales hautement destructrices (IRAM) semblables aux Burkane, Zilzal et Jahanem, utilisées par les différentes parties au Levant. En Algérie, c'est l'irruption d'armement lourd qui dénote la volonté affichée par les terroristes d'aller vers la confrontation directe en se dotant de moyens de soutenir des sièges ou lancer des opérations d'envergure. Et leur volonté d'investir dans de l'artillerie anti-aérienne et terrestre pour se défendre contre l'aviation et frapper sans être vus. Le 1er janvier, une saisie d'armes avait montré un lance-missile anti-aérien Igla à Bordj Badji Mokhtar. Au même endroit cette semaine, c'est un système de lance-roquettes multiples chinois Type 63 qui a été retrouvé, avec en plus de la munition pour alimenter un lance-roquettes Grad beaucoup plus dévastateur. Ces deux équipements auxquels on peut ajouter la douzaine de canons anti-aériens de 14.5 mm récupérés par l'ANP sont des marqueurs significatifs prouvant l'évolution de la stratégie terroriste en Algérie. L'attaque du centre gazier BP-Statoil à Khrechba au sud d'El Goléa va d'ailleurs dans ce sens. Leur objectif : acquérir des moyens leur permettant de se mettre à un minimum de cinq kilomètres de leurs cibles avec une puissance de feu considérable. Pour ceux qui pensent que ce changement doctrinal ne concerne que le Sud, il faut s'interroger sur l'utilisation et les saisies de plus en plus fréquentes de canons artisanaux (et non de mortiers artisanaux communément appelés hebheb) que les services de communication omettent à chaque fois de montrer dans leurs photos/bilans d'opérations. Il est à rappeler que quatre soldats ont péri par ces armes. Si ces faits sont pour le moins alarmants, il est possible de retenir quelques faits ou suppositions positives. D'abord, le retour sur investissement de l'ANP, qui essaie de quadriller l'immensité du Sud avec de très gros moyens et réussit quotidiennement à arrêter, éliminer des individus armés et saisir des équipements. Ensuite, il semble que – même si l'armement rentre en grandes quantités en Algérie – les terroristes peinent à trouver des hommes prêts à opérer pour leur compte avec la présence massive de l'ANP aux frontières. Ils font face à de grandes difficultés pour infiltrer des étrangers, d'autant que ces derniers ont perdu deux gros avantages sur l'armée, celui de la surprise et de la connaissance du terrain.