Cette suspension interviendrait notamment si l'une des conditions de l'exemption n'est plus respectée au fil du temps, plus rapidement qu'avec les règles actuelles, selon la position commune adoptée par les ministres de l'Intérieur de l'UE. Cette «clause de sauvegarde», proposée par Paris et Berlin puis reprise par la Commission européenne, doit désormais faire l'objet d'une négociation avec le Parlement européen. «La libéralisation des visas a beaucoup d'avantages pour l'UE et les pays tiers, mais nous avons besoin d'un frein d'urgence pour tous les pays exemptés, pour être sûrs qu'il n'y a pas d'abus», a plaidé le ministre néerlandais des Migrations, Klaas Dijkhoff, dont le pays assure la présidence du Conseil de l'UE. Le nouveau mécanisme pourrait être déclenché sur la base de nouveaux motifs, comme un afflux des ressortissants de pays tiers restant dans l'UE après l'expiration de la durée autorisée de leur court séjour sans visa. L'exemption serait également suspendue si le pays bénéficiaire ne respecte plus ses engagements en termes de «réadmission» de ses ressortissants ou de migrants irréguliers ayant transité par son territoire avant de gagner l'UE. Cette initiative vise à rassurer les pays inquiets des exemptions de visa que pourraient obtenir rapidement non seulement la Turquie, mais également l'Ukraine, la Géorgie et le Kosovo. «Cela fait presque 130 millions de personnes qui n'auront plus besoin de visa dans l'espace Schengen, cela peut inquiéter» dans un contexte de crise migratoire, a souligné un responsable européen. Le mécanisme de suspension rapide était ainsi devenu une condition pour que certains Etats membres acceptent d'accorder de nouvelles exemptions de visa, notamment aux ressortissants turcs, pour des séjours de 90 jours maximum dans l'espace Schengen. Il «concerne tous les Etats et il n'est dirigé contre aucun pays», a tenu à préciser le ministre allemand de l'Intérieur, Thomas de Maizière. «C'est une clause qui permet de revenir en arrière si un pays manque à ses obligations ou à ses engagements», s'est félicité le ministre français Bernard Cazeneuve, qui a rappelé que la France resterait «vigilante» sur la question des critères à remplir par la Turquie pour obtenir une exemption. La Commission a ouvert la voie, le 4 mai, à cette exemption de visa pour les Turcs, mais sous réserve de nouvelles mesures du gouvernement turc, alors qu'Ankara a fait de cette exemption une condition pour continuer d'appliquer son accord migratoire controversé avec l'UE. L'Exécutif européen estime notamment que la Turquie doit modifier sa définition du terrorisme, jugée trop large. Mais le président Recep Tayyip Erdogan a fermement repoussé toute modification de cette législation, laissant présager un blocage qui menace plus largement l'accord conclu le 18 mars avec l'UE pour freiner l'afflux de migrants vers l'Europe.