La meilleure façon d'enterrer une initiative impopulaire ? Créer une commission. La recette est usée, mais toujours efficace. Le débat sur l'identité nationale a tourné court. La majorité a constaté que ce thème la dessert et a décidé de revenir sur des terres plus sûres : la sécurité. Enterrement de première ou de seconde classe ? L'affichage dans chaque classe de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la Marseillaise, une fois par an et la mise en place d'une « commission de personnalités ». Tout ce déversoir de haine, de propos racistes, islamophobes, tenus parfois par les plus hauts responsables politiques, prend fin d'une façon piteuse. Ce qui devait se solder d'une façon qui se voulait grandiose par le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale s'est trouvé réduit à un séminaire gouvernemental. Tirant les conclusions d'un débat qui a déchiré les Français, et stigmatisé une partie d'entre eux (ceux de confession musulmane), le Premier ministre, François Fillon, s'est voulu apaisant. A quelques semaines des élections régionales, l'UMP, parti au pouvoir, a vu qu'il avait plus à perdre dans un débat boycotté par la gauche, critiqué au sein même du gouvernement et phagocyté par l'extrême-droite. Alors pour assurer le service minimum, François Fillon a accouché d'une série de mesures consensuelles. Selon l'hebdomadaire Le Canard enchaîné, le séminaire s'est transformé en pugilat. La majorité des ministres présents ont pris leurs distances avec Eric Besson, transfuge socialiste. Un échange assez vif l'a opposé à Bruno Le Maire. Pour ce dernier, c'est l'association entre immigration et identité nationale qui a dévoyé le débat. Eric Besson a sèchement invité son collègue à se plaindre auprès de Nicolas Sarkozy. Quand l'identité nationale s'invite dans les hautes sphères… Au regard de la tournure prise par ce débat, les intellectuels ne devraient pas se bousculer pour faire partie de la commission créée. A ce jour, aucun nom n'a été cité. « Le débat sur l'identité nationale aura donc accouché d'une commission. C'était la formule que Clemenceau utilisait pour moquer, sous la IIIe République, les gouvernements qui ne savaient plus que faire de leurs mauvais projets », ironise François Hollande, l'ancien secrétaire général du Parti socialiste. Un enterrement donc, même s'il ne devait être que provisoire. Les éditorialistes, à l'exception notable du Figaro, ce qui est loin de constituer une surprise, soulignent le « fiasco » gouvernemental. Comme toujours, lors de ces polémiques récurrentes, le Premier ministre français s'en sort plutôt bien, se posant en rassembleur, tandis que le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale et, à travers lui, Nicolas Sarkozy en diviseurs d'une nation déjà ébranlée par la crise. Et comme pour ne pas admettre publiquement la déroute politique de ce débat, ces deux derniers assurent que le débat se poursuivra durant tout le quinquennat. Nicolas Sarkozy a confirmé qu'il allait lui-même « assurer et assumer » les conclusions du débat au mois d'avril. D'ici-là, prière de ne parler que de la sécurité. Selon une enquête TNS Sofres, qui n'interroge pas les personnes sélectionnées sur le bien-fondé du débat, 65% des Français considèrent que l'identité nationale a tendance à s'affaiblir.