Plus d'un mois s'est écoulé depuis le sommet qui a réuni à Charm El Cheikh, en Egypte, le président palestinien Mahmoud Abbas et le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, qui avait alors couvert d'éloges son homologue palestinien pour sa détermination à mettre fin au conflit armé qui les oppose depuis plus de quatre ans. Cette propagande s'est poursuivie jeudi à Madrid avec Shimon Pères, le vice-premier ministre de l'Etat hébreu qui participait à une conférence sur le terrorisme. « L'actuelle direction palestinienne (...) est clairement contre le terrorisme, parce qu'il ne sert pas les Palestiniens », a-t-il déclarer. Mais en retour, les Palestiniens attendaient des gestes concrets qui puissent les encourager à aller de l'avant sur cette voie. A ce jour, Ariel Sharon n'a tenu aucune de ses promesses. Aucun retrait n'a été effectué comme prévu des cinq villes palestiniennes de Cisjordanie, réoccupées par Israël lors de l'Intifadha d'El Aqsa, déclenchée le 29 septembre 2000. La restitution aux Palestiniens des villes de Toulkarem et de Ariha qui semblait imminente après la rencontre, mardi, de Mahmoud Abbas et du ministre de la Défense Israélien Shaoul Mofaz n'a toujours pas eu lieu. Les discussions sur les modalités du retrait israélien entre responsables sécuritaires des deux bords se sont achevées mercredi sans résultat. Saeb Erekat, le négociateur en chef palestinien qui assistait, lui aussi, à la conférence de Madrid, a accusé Israël de se dérober à ses engagements pris lors du sommet de Charm El Cheikh. « Israël tergiverse dans l'application des résolutions du sommet de Charm El Cheikh », a déclaré Erekat. « Les Israéliens ne veulent pas éliminer les barrages qui asphyxient Ariha et Toulkarem ainsi que les autres régions de Cisjordanie », a-t-il déploré. L'attitude israélienne met dans l'embarras le président palestinien, un des plus fervents défenseurs de la poursuite des négociations. Si autant de difficultés sont apparues sur des questions relativement secondaires, qu'en sera-t-il lorsque les deux parties traiteront des sujets tels que la création de l'Etat palestinien indépendant, jouissant d'une continuité territoriale, de la ville sainte qu'Israël considère comme partie intégrante de sa capitale unifiée pour l'éternité ou encore plus celui des réfugiés qui représente la face humaine de la question palestinienne dont personne, en Israël, ne veut entendre parler. Cette situation ne fait qu'augmenter le scepticisme des masses palestiniennes, dont la vie quotidienne n'a pas tellement changé après la déclaration de cessez-le-feu à Charm El Cheikh. Il est toujours aussi difficile de se déplacer à travers les territoires occupés à cause des barrages militaires israéliens. Les points de passages frontaliers à l'instar de celui de Rafah, reliant la bande de Ghaza à l'Egypte voisine, ne sont que partiellement ouverts à la circulation, ne permettant le passage qu'à un nombre restreint de personnes. Certains malades dont l'état est jugé inquiétant mettent plusieurs jours avant de pouvoir passer. Lorsqu'ils parviennent à le faire leur état risque d'empirer sur le chemin du retour. Israël qui n'autorise le passage depuis l'Egypte que d'un nombre limité de bus, un maximum de trois actuellement, oblige les autorités égyptiennes à les bourrer de passagers au point que certains d'entre eux risquent d'être asphyxiés. Jusqu'à 110 personnes sont parquées dans des bus qui ne peuvent accueillir que la moitié de ce nombre. Par ailleurs, le problème du chômage ne fait qu'empirer. Plus de 150 000 Palestiniens sont toujours interdits de regagner leurs lieux de travail en territoire Israélien. L'Autorité palestinienne n'a pas les capacités économiques qui lui permettent de régler ce problème, ce qui fait monter un peu plus la grogne au niveau de la rue palestinienne. Apparemment le seul gagnant, après l'annonce du cessez-le-feu, c'est le côté israélien. Le renforcement de la colonisation, la construction du mur de séparation se poursuivent en Cisjordanie occupée. Les ambassadeurs égyptien et jordanien ont regagné leurs postes à Tel-Aviv. Sharon est invité en Tunisie par le président Ben Ali, malgré l'impopularité d'un tel geste. En fait, Sharon qui, en vérité, ne veut pas d'interlocuteur modéré à l'image de Abbas est en train de tout faire pour qu'il échoue. Il n'est pas loin de réussir.