Comment analysez-vous l'ampleur que prend l'inflation des prix durant ces derniers mois ? Deux données relatives à la situation économique de l'Algérie ont été publiées par l'Office national des statistiques (ONS) ces derniers jours : une bonne nouvelle concernant le taux de chômage qui s'est stabilisé à 9,8%, et une mauvaise nouvelle par rapport à l'inflation, dont le rythme annuel s'est établi à 5,2%, soit une hausse quasi générale des prix. Il est à remarquer que l'inflation en Algérie est restée sous contrôle entre 2005 et 2015 (sur dix ans) autour d'une moyenne de 4% par an. Il y a actuellement des tensions inflationnistes qui se manifestent, étayées par les récents chiffres de l'ONS, auxquelles il faudra faire très attention pour ne pas arriver aux spirales inflationnistes. Il faut rappeler qu'il y a inflation lorsque le niveau général des prix est en hausse continue, plus ou moins rapide. Cela implique des modifications dans la valeur de la monnaie nationale. L'inflation observée ces derniers mois est pour le moment conjoncturelle, c'est-à-dire qu'elle n'est pas induite par les conditions de formation des prix sur les marchés. Ce qui fait que les agents économiques sont affectés différemment. La Banque d'Algérie soutient que la hausse de l'inflation n'est pas liée à l'expansion de la masse monétaire. Qu'en est-il exactement ? Il est exact de dire que l'inflation en Algérie n'est pas liée à l'expansion de la masse monétaire. D'ailleurs, la Banque d'Algérie a comme objectif de politique monétaire la lutte contre l'inflation. Elle utilise certains mécanismes connus dans le cadre de la régulation du marché monétaire grâce à son taux directeur, c'est-à-dire le taux auquel elle prête l'argent aux banques commerciales. En effet, l'inflation qui aurait pu être entraînée par une disponibilité élevée de la monnaie nationale a été neutralisée par la Banque d'Algérie grâce à un programme de reprise des liquidités. La flambée des prix observée actuellement est-elle due essentiellement à la chute de la valeur du dinar ? Les tendances inflationnistes observées sont provoquées par la conjugaison de deux facteurs : l'excès des dépenses publiques (dépenses d'équipement et politique de subventions) et la détérioration du solde commercial extérieur (baisse des exportations et maintien à un niveau élevé des importations de biens et services). Le niveau anormalement élevé du déficit budgétaire a fragilisé la structure de la demande qui, à son tour, a influé sur les divers niveaux des prix, sachant que ces derniers ne varient pas parallèlement les uns des autres. Le déficit commercial de l'Algérie a entraîné un ajustement de la valeur de la monnaie nationale. La dépréciation du dinar par rapport au dollar et à l'euro (respectivement 28% et 13,2% entre juin 2014 et juin 2016) a eu pour conséquence la hausse de certains prix de produits importés libellés dans ces deux monnaies, alors que le pétrole brut a perdu près de 55% de son prix. Or, la structure de la demande en Algérie est très sensible à l'évolution des importations de produits étrangers, d'autant plus que le Taux de change effectif réel (TCER) du dinar reste encore surévalué, selon les données de la Banque d'Algérie. La crise financière que connaît le pays peut-elle entraîner à terme un recours massif à la planche à billets quitte à laisser s'emballer le taux d'inflation ? Pour le moment, on n'en est pas à ce stade. L'Algérie peut se permettre un peu d'inflation, mais surtout elle a besoin de plus de croissance économique. L'inquiétude ne provient pas du taux d'inflation, mais plus par comment diversifier l'économie nationale et sortir de la mono-exportation. Comment construire un nouveau modèle de croissance économique basé sur la création de richesses et non sur la rente pétrolière. Evidemment, si les deux déficits (budgétaire et extérieur) venaient à persister dans le temps, les équilibres macro-économiques seraient menacés. Suivant cette hypothèse, l'inflation deviendrait un mal à combattre par tous les moyens car l'investissement et l'emploi seraient menacés.