« Avec la vieillesse, la colère devient tristesse. » C'est ainsi que le docteur Yamina Benhadji, spécialiste en médecine du travail, désabusée, résume la situation. Médecin depuis 1982, elle dirige aujourd'hui le service de médecine du travail à l'Etablissement publique sanitaire de proximité de Médéa. Après treize années d'études… Comme ses confères, elle a commencé par sept années de fac avant de décrocher son diplôme de médecine générale en 1976. Le jeune docteur, alors peu pressée d'intégrer le monde professionnel, part pour les Etats-Unis, où elle intègre l'université de Berkeley, premier campus de Californie, puis celle de San Fransisco pour des études de médecine du travail, signant pour quatre longues années de plus. Mais par amour pour son pays, elle revient en Algérie en 1981. Surprise : les diplômes obtenus aux USA ne sont pas reconnus. Elle se bat alors pour leur équivalence qu'elle finit par arracher en 1990, après deux autres années d'études. Au fil des années, le docteur Benhadji constate avec amertume que les conditions de travail ne s'améliorent pas. Son salaire –qu'elle préfère taire – avec lequel elle parvient difficilement à payer un loyer, à acheter une voiture, à « avoir une vie digne », n'est pas fameux, mais elle ne s'en plaint pas. Le plus pénible pour elle, c'est les conditions dans lesquelles elle travaille. Membre du comité national d'experts en médecine du travail, Yamina Benhadji pense particulièrement aux employés qui viennent lui rendre visite. « Parfois, je recommande un examen ophtalmologique à un travailleur, mais comme il n'est pas prioritaire dans le service à l'hôpital, il finit par perdre son entretien d'embauche, note-t-elle. Je ne comprends pas pourquoi la médecine du travail n'a pas d'importance aux yeux des décideurs. De plus, notre spécialité est ingrate parce qu'on ne voit jamais les résultats de nos efforts de prévention de façon immédiate. » Quand le docteur Benhadji évoque le volet formation, une grande déception transparaît sur son visage. Auteur d'une recherche sur le VIH et les hépatites virales, elle a failli rater un concours international de recherche auquel elle avait été admise, en Suède. Le ministère de la Santé algérien n'a pas voulu la prendre en charge. Après avoir frappé à toutes les portes en Algérie, ce sont finalement les autorités suédoises qui l'ont aidée. Pour autant, elle n'a jamais envisagé de quitter l'Algérie. « C'est grâce à l'Algérie que je suis devenue médecin sans avoir à payer mes études, relève-t-elle avec fierté. Aujourd'hui, je ne peux pas laisser les Algériens pour aller soigner d'autres populations. La mienne est prioritaire. Et je ne regrette pas d'avoir choisi ce métier. »