Alger et Nouakchott ont rappelé leurs ambassadeurs au Mali pour consultation après la libération de 4 terroristes réclamés par Al Qaîda. L'Algérie qualifie cette décision de « dangereuse », alors que la Mauritanie estime qu'« elle viole les conventions de lutte contre le terrorisme ». Le « non » catégorique du président malien lancé à B. Kouchner venu le solliciter pour exécuter les exigences d'Al Qaîda s'est avéré n'être qu'un pur mensonge…Vingt-quatre heures après la réaction virulente de la Mauritanie, c'est au tour de l'Algérie de rappeler son ambassadeur à Bamako pour « consultation » et de convoquer le représentant de la chancellerie malienne à Alger pour « demander des explications » sur la libération de quatre terroristes, dont deux Algériens contre lesquels une demande d'extradition a été formulée en 2009. Dans un communiqué rendu public hier, le ministère des Affaires étrangères a dénoncé « l'attitude inamicale » du gouvernement malien, accusé « d'avoir fait fi » de la convention bilatérale de coopération judiciaire qui lie les deux pays et au nom de laquelle une demande d'extradition des deux terroristes algériens libérés, Mohamed Ben Ali et Tayeb Nail, avait été formulée en septembre 2009 et réitérée durant le mois en cours. Pour Alger, la libération « sous le prétexte fallacieux qu'ils ont été jugés et qu'ils ont purgé leurs peines viole les résolutions pertinentes et contraignantes du Conseil de sécurité des Nations unies et les engagements bilatéraux, régionaux et internationaux de lutte contre le terrorisme ». Plus grave, le gouvernement algérien estime que « la libération de terroristes recherchés par des pays voisins est un développement dangereux pour la sécurité et la stabilité dans la région sahélo-saharienne et sert objectivement les intérêts du groupe terroriste agissant sous la bannière d'Al Qaîda dans la région ». De ce fait, « eu égard aux développements dangereux », Alger a rappelé son ambassadeur à Bamako pour « consultation » et convoqué celui du Mali pour « des explications ». Cette virulente réaction intervient après celle de la Mauritanie qui, dans un communiqué diffusé lundi en fin de journée, a exprimé sa « condamnation » de la libération des quatre terroristes, parmi lesquels Beib Ould Nafa, un Mauritanien de 25 ans, concerné par une demande d'extradition restée sans réponse. « Dans une mesure surprenante, la deuxième du genre, les autorités maliennes ont remis à une organisation terroriste un citoyen mauritanien réclamé par la justice mauritanienne. Nonobstant les circonstances controversées dans lesquelles l'opération a eu lieu, la mesure des autorités maliennes est considérée comme non cordiale et préjudiciable aux relations séculaires entre les deux peuples mauritanien et malien. Elle constitue également une violation des conventions signées par les deux pays dans les domaines de la coopération judiciaire et de la coordination sécuritaire », lit-on dans le communiqué du gouvernement mauritanien, qui conclut : « La Mauritanie, tout en exprimant son indignation et son rejet de cette mesure, a décidé de rappeler pour consultation à Nouakchott son ambassadeur à Bamako. » La Mauritanie, faut-il le préciser, a refusé de céder au chantage des auteurs de l'enlèvement de trois Espagnols, en détention au nord du Mali, pour lesquels une rançon de 5 millions de dollars est réclamée en contrepartie de leur libération. Une autre rançon est également exigée pour la libération d'un couple d'Italiens détenu en otage depuis des mois par l'organisation terroriste. Les négociations pour la libération de tous les captifs se font sous le contrôle du Président malien, en dépit de la contestation des pays riverains, notamment l'Algérie, qui subissent de plein fouet les conséquences de tels mouvements de fond. En libérant les quatre terroristes, le Président malien s'est mis à dos ses voisins les plus proches. Le « non catégorique » qu'il a lancé publiquement au chef de la diplomatie française, qui faisait pression pour l'exécution des exigences d'Al Qaîda, s'est avéré un mensonge, après la visite du secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, l'homme des missions impossibles du président Sarkozy. Quel prix a payé la France pour faire aboutir les exigences d'Al Qaîda ? On n'en sait rien. Ce qui est certain c'est que Amadou Toumani Touré est aujourd'hui dans le collimateur de l'Algérie et de la Mauritanie, sans compter le Niger, qui – si ce n'était le coup d'Etat qui l'a éloigné des affaires courantes – aurait aussi protesté contre le fait que Bamako lui a menti sur le suspect dans l'attentat contre des touristes saoudiens, à la fin de l'année 2009, officiellement déclaré mort après sa condamnation en 2001 pour l'assassinat d'un Américain, alors qu'il est vivant. Fidèle à sa politique de neutralité, pour ne pas dire de complicité à l'égard des terroristes d'Al Qaîda, le président malien a fait d'une partie de son territoire une zone de non-droit où narcotrafiquants, terroristes, trafiquants d'armes et contrebandiers ont pignon sur rue. Une situation explosive qui risque de faire basculer toute la sous-région dans l'inconnu et d'engendrer nécessairement une intervention militaire étrangère.