La France, de par sa proximité culturelle et son système d'enseignement de renom, reste la destination préférée des étudiants algériens. En 2016, ils étaient plus de 26 000 à poursuivre leurs études supérieures dans ce pays, ils représentent ainsi la troisième communauté étudiante étrangère en France, après les Marocains et les Chinois. Cependant, en mars 2015 à Paris, le suicide de deux étudiants algériens désespérés, a mis en exergue la situation accablante de certains d'entre eux. En effet, contrairement à la majorité des étrangers en France, les Algériens ne dépendent guère du droit commun, mais des accords franco-algériens de 1968, autre contexte historique donc, ils réglementent tout ce qui concerne leur circulation, emploi et séjour sur le territoire français. En étant étudiants, ils représentent un véritable écueil à la poursuite des études dans de bonnes conditions : il est impossible, à titre d'exemple, d'avoir un titre de séjour pluriannuel, impossible aussi d'avoir une expérience professionnelle après la fin de leurs études et, ce qui est le plus injuste et le plus handicapant pour les étudiants, impossible d'exercer une activité en parallèle aux études sans demander une autorisation préalable de travail, et même en l'ayant, ils ne peuvent pas travailler plus de 17h par semaine. Le plus étonnant est que cette injustice a été introduite dans les accords à la demande de l'Algérie en 2001, cette initiative reflète sa volonté de faire barrage à la fuite de la matière grise algérienne, ce qui est un échec total au vu du nombre d'étudiants immigrants qui ne cesse d'augmenter. L'étudiant qui vient étudier en France se trouve devant un réel dilemme : d'un côté, il n'a pas accès à la devise étrangère dans son pays (sauf s'il peut payer 80% plus cher sur le marché parallèle), et de l'autre, il ne peut pas occuper un job étudiant en France pour subvenir à ses besoins par lui-même. Par ailleurs, ce n'est pas l'unique tentative des autorités algériennes d'entraver le parcours des étudiants intéressés par la mobilité internationale, il y a également la non-reconnaissance des diplômes étrangers, les démarches longues et lentes de l'équivalence et la suppression de la majorité des bourses. En août 2015, j'ai lancé un site internet (vsvfrance.com) dans le but d'informer les étudiants étrangers s'apprêtant à s'installer en France, algériens ou autres, des différentes démarches administratives à effectuer dès leur arrivée, de leurs droits et des bons plans. Ils ont aussi la possibilité d'envoyer des messages au cas où ils ne trouvent pas une réponse à leurs interrogations, auxquels j'essaie de répondre personnellement. S'il y a un message qui revient chaque mois, ça serait certainement les messages de détresse que je reçois de la part d'étudiants algériens se trouvant prisonniers de leur situation. Avant leur arrivée en France, ils comptaient pour la plupart d'entre eux s'appuyer sur l'aide de la famille les premiers mois, voire la première année, puis projetaient de se prendre en charge seuls comme le font déjà 73% des étudiants en France (sondage de Météojob pour l'Etudiant 2014). Sauf qu'ils n'ont jamais été mis au courant de cette législation discriminante qu'ils découvrent une fois en France. Les dettes s'accumulent, les notes chutent, l'échec pointe et puis il y a la honte de redemander de l'aide de la part de la famille, qui pour beaucoup de cas, considère l'envoi de leur enfant à l'étranger comme un investissement, et la honte de revenir au pays… Tout cela plonge l'étudiant dans une spirale sans fin, la même spirale qu'on connue les deux étudiants de Paris en mars 2015. Aujourd'hui et plus que jamais, dans un monde de plus en plus ouvert, où les flux d'étudiants n'ont jamais été aussi forts et où la mobilité est considérée comme un véritable atout dans le parcours personnel et professionnel de l'individu, ces accords doivent être révisés. Nul ne devrait obstruer les horizons auxquels peuvent prétendre les étudiants et rien ne devrait les freiner dans cette démarche noble qui est celle d'aller s'instruire ailleurs.