C'est que Séoul – qui compte beaucoup sur le soutien militaire américain pour faire face à la menace nucléaire nord-coréenne – redoute que le successeur de Barack Hussein Obama à la Maison Blanche mette sa promesse de campagne à exécution et décide, par conséquent, de revoir les termes de l'accord militaire qui lie les Etats-Unis et la Corée du Sud depuis la fin des combats de la guerre de Corée en 1953. Lors de son duel avec Hillary Clinton, Donald Trump avait notamment menacé de retirer les troupes américaines stationnées en Corée du Sud et au Japon à défaut d'une hausse significative de la contribution financière des deux pays. La crainte est d'autant plus grande que Pyongyang a multiplié cette année les essais nucléaires et les tirs de missiles balistiques de longue portée et que la Chine avance ses pions dans la région. Pour Séoul autant que pour Tokyo d'ailleurs, un retrait militaire américain risquerait de créer un vide stratégique en Asie qui conduirait la Chine à se sentir autorisée à en profiter. Les Etats-Unis comptent 7 bases militaires et plus de 28.000 hommes dans le sud de la seule péninsule coréenne (Il y en a 47.000 au Japon). Et de nombreux spécialiste de l'Asie admettent que sans le parapluie militaire et nucléaire américain, la Corée du Sud risquerait d'être bien vulnérable malgré son impressionnante force de frappe économique.
Un hamburger avec Kim Jong-un Plutôt que de tirer des plans sur la comète, au ministère Coréen des Affaires étrangères on préfère plutôt attendre dans le but d'y voir plus clair. Des responsables rencontrés sur place soutiennent qu'il est très peu probable de voir la situation changer. «Il n'y a pas de risques. L'amitié entre la République de Corée et les Etats-Unis est ancienne et très forte», rétorquent-ils non sans cacher un certain agacement. En revanche, la presse sud-coréenne ne cache pas sa crainte de voir l'Amérique post-Obama décider de lâcher ses alliés asiatiques. Le souhait affiché par Donald Trump de « rencontrer le dirigeant nord coréen Kim Jong-un autour d'un hamburger et de parler de ces satanées bombes atomiques» a fait monter d'un cran l'angoisse des sud-coréens…autant d'ailleurs que celle des Japonais. Face à l'incertitude américaine, des hommes politiques dans ces deux pays n'ont pas hésité dernièrement à encourager leurs décideurs respectifs à se doter de l'arme nucléaire. «On ne peut pas emprunter un parapluie à son voisin à chaque fois qu'il pleut. On doit se procurer un imperméable», avait déjà déclaré en février dernier Won Yoo-Cheol, chef de file à l'Assemblée nationale du parti Saenuri au pouvoir, lorsque Donald Trump avait commencé à rendre publics les contours de sa politique étrangère. Pour tirer les choses au clair, Séoul a décidé d'envoyer ces jours-ci à Washington de hauts responsables des Affaires étrangères pour avoir des éclaircissements. Pour le Japon, c'est déjà chose faite. Le Premier ministre japonais Shinzo Abe a rencontré M. Trump jeudi dernier à New York. Rien n'a toutefois filtré de ce tête à tête. Mais pour faire face à toute éventualité, Corée du Sud a fini, lundi, par accepter de conclure avec le Japon un accord de partage de renseignements sur les menaces que fait peser la Corée du Nord sur eux. Très critiqué à Séoul en raison de la dureté des 35 ans de règne colonial japonais qui n'a pas été encore soldé, cet accord a été également dénoncé hier par la Corée du Nord dans les termes les plus durs.
Le Niet de Pyongyang De son coté, Pyongyang Pyongyang, qui a en quelque sorte soutenu le candidat Trump au cours de sa campagne en le qualifiant de «politicien avisé», nourrit l'espoir d'une reprise du dialogue. Sans mentionner nommément le nouveau président, l'organe du Parti du travail, Rodong Sinmun, a publié jeudi 10 novembre une diatribe contre l'administration Obama qui, selon lui, quitte le pouvoir «les mains vides» et «laisse à son successeur la tâche difficile de faire face à une puissance nucléaire». Mais si Kim Jong-un s'est montré ouvert au dialogue, il a néanmoins avertit que la République populaire démocratique de Corée (RPDC) ne négociera qu'en tant que puissance nucléaire. «Si les Etats-Unis espèrent que la RPDC est prête à renoncer à sa force nucléaire, ils se font des illusions», écrit encore Rodong Sinmun. En d'autres termes, leur force de dissuasion n'est pas négociable. Bref, il n'est pas donc pas sûr que Donald Trump parvienne lui aussi durant son mandat à résoudre l'équation du nucléaire coréen, surtout que la survie du régime de Pyongyang y est liée intiment. Un programme dans lequel Kim Jong-un, au risque d'affamer son peuple, investit le moindre Won nord-coréen. 18 des 25 millions de Nord-Coréens souffrent de pénurie alimentaire. Beaucoup meurent même de faim. Justement, l'ONU a encore dénoncé mardi les exactions commises en Corée du Nord, et en particulier le fait que des fonds qui pourraient soulager la crise humanitaire dans le pays soient affectés aux programmes nucléaire et balistique de Pyongyang. Une résolution en ce sens, présentée par le Japon et l'Union européenne, a été adoptée par consensus par une commission de l'assemblée générale de l'ONU chargée des droits de l'Homme. L'assemblée doit encore voter dessus en séance plénière en décembre. Les accusations de l'ONU ont été corroborées par des transfuges rencontrés à Séoul et qui décrivent le régime Kim Jong-un comme des plus impitoyables. Tous ces éléments font de la Corée du Sud un pays à mi-chemin entre la guerre et la paix.