Le Conseil de sécurité de l'ONU se réunira aujourd'hui, à la demande de Washington, Tokyo et Séoul, pour discuter de la situation La Corée du Nord a affirmé, hier, que ses tirs de missiles balistiques étaient un exercice en vue de frapper les bases américaines au Japon, tandis que les condamnations du régime doté de l'arme nucléaire pleuvaient de toutes parts. Trois des engins lancés lundi dernier sont tombés dangereusement près du Japon, dans sa Zone économique exclusive (ZEE), dans un nouveau défi à la communauté internationale et au président américain, Donald Trump. Celui-ci a réaffirmé lors d'entretiens téléphoniques l'«engagement à toute épreuve» de son pays derrière ses alliés japonais et sud-coréen, selon un communiqué de la Maison-Blanche. Selon l'armée japonaise, les missiles nord-coréens ont volé environ un millier de kilomètres, ce qui leur aurait facilement permis de frapper des bases américaines dans la région. Le Conseil de sécurité de l'ONU se réunira aujourd'hui, à la demande de Washington, Tokyo et Séoul, pour discuter de la situation. Les résolutions de l'ONU interdisent à Pyongyang tout programme nucléaire ou balistique. Mais six volées de sanctions n'ont pas persuadé le régime de Kim Yong-Un d'abandonner ses ambitions militaires. L'agence de presse nord-coréenne Kcna a présenté hier ces tirs comme des exercices en vue de préparer une attaque contre des bases américaines. D'après l'agence, les tirs ont été supervisés en personne par le dirigeant nord-coréen. «Se régalant du sillage des missiles balistiques», Kim Jong-Un a chanté les louanges de l'unité d'artillerie Hwasong à l'origine des tirs. «Les quatre missiles balistiques lancés simultanément étaient si précis qu'ils ressemblaient à des avions faisant des acrobaties aériennes en formation», a-t-il dit. «L'objectif» était «de frapper les bases militaires de l'agresseur impérialiste américain au Japon en cas de besoin». Ces tirs sont la démonstration que le Nord est prêt à «rayer de la carte» les forces ennemies au moyen «d'une frappe nucléaire sans merci». «Dans le cœur de nos artilleurs [...], il y avait un désir ardent de riposter impitoyablement contre les bellicistes qui continuent à mener leurs exercices conjoints», écrit Kcna en allusion aux manœuvres en Corée du Sud. «(Kim Jong-un) a donc ordonné à la Force stratégique de se maintenir en état d'alerte comme l'exige la situation sombre qui pourrait voir éclater une guerre à tout instant, et à se tenir prête à réagir rapidement et [...] à ouvrir le feu sur l'ennemi pour le détruire», poursuit l'agence. Dans des photographies publiées par le journal Rodong Sinmun, on voit Kim Jong-Un observer les missiles s'élancer dans le ciel, ou alors en train d'applaudir, tout sourire, aux côtés d'autres responsables nord-coréens. Ces tirs sont-ils une réponse aux exercices militaires annuels conjoints entamés par Séoul et Washington la semaine dernière ? En tout cas, ces manœuvres ne manquent jamais de provoquer la colère de la Corée du Nord. Pyongyang menace régulièrement ses ennemis de ses foudres. L'année dernière, elle a mené deux essais nucléaires et toute une série de tirs de missiles. Lundi cependant, c'était seulement la seconde fois que des engins tombaient dans la ZEE japonaise. Pour Choi Kang, analyste à l'Institut Asan des études de politiques, ces nouveaux tirs sont un avertissement clair pour Tokyo. «La Corée du Nord démontre que ses cibles ne se limitent plus à la péninsule coréenne, mais peuvent s'étendre à tout moment au Japon et même aux Etats-Unis». Le Nord ambitionne de mettre au point un missile intercontinental balistique (Icbm) capable de porter le feu nucléaire sur le continent américain. La Corée du Nord a fait de gros progrès dans le développement de ses programmes nucléaire et balistique. Des questions se posent toutefois sur sa maîtrise de la technologie de rentrée dans l'atmosphère, après la phase de vol balistique, qui serait nécessaire pour toucher un territoire aussi lointain que les Etats-Unis. Les spécialistes ne savent pas non plus dans quelle mesure Pyongyang est capable de maîtriser la miniaturisation d'une bombe pour pouvoir la monter sur un missile. Donald Trump a parlé de la Corée du Nord comme d'un «gros, gros problème», promettant de lui répondre «fortement». Le porte-parole de la Maison-Blanche, Sean Spicer, a expliqué lundi que Washington prenait des mesures pour renforcer sa «capacité à se défendre contre les missiles balistiques nord-coréens». D'après le New York Times, l'ancien président Barack Obama avait ordonné au Pentagone il y a trois ans de multiplier les cyber-attaques contre le Nord pour tenter de saboter ses tirs de missiles, avant ou pendant le lancement. En réponse aux tirs de lundi, l'armée américaine a commencé à déployer en Corée du Sud le bouclier antimissile Thaad (Terminal high altitude area defense) destiné à protéger Séoul d'attaques venue du Nord, a annoncé, hier, le commandement Pacifique. Des premiers éléments sont arrivés lundi. «Les provocations répétées de la Corée du Nord confirment la sagesse de notre décision prise l'an dernier de déployer le système Thaad en Corée du Sud», souligne l'amiral Harry Harris dans un communiqué. La Maison-Blanche avait annoncé un peu plus tôt que la livraison de ce système de défense, initialement programmé à l'automne, allait être accélérée en dépit des objections de la Chine. Parallèlement à la démonstration de force, le Président américain a pris attache avec les partenaires des Etats-Unis dans la région. Donald Trump s'est entretenu dans la nuit de lundi à hier avec le président sud-coréen par intérim, Hwang Kyo-ahn, et avec le Premier ministre japonais de la menace représentée par Pyongyang et a assuré les deux pays du plein soutien de Washington. «Le Japon et les Etats-Unis ont convenu que les derniers tirs de missiles nord-coréens ont constitué une violation très claire des résolutions de l'ONU et représenté une provocation contre la communauté régionale et internationale», a déclaré Shinzo Abe à la presse. Lors de leur conversation, Donald Trump a insisté auprès de Shinzo Abe sur l'importance du rôle de la Chine, seul allié de Pyongyang, dans la résolution de la crise nord-coréenne, a indiqué de son côté le porte-parole du gouvernement japonais. Les ministres de la Défense des pays concernés se sont aussi concertés au téléphone et le porte-parole de la Maison-Blanche a confirmé peu après que les Etats-Unis allaient accélérer le déploiement en Corée du Sud du système Thaad. Selon l'agence de presse sud-coréenne Yonhap, qui cite le ministère de la Défense, deux batteries antimissiles sont déjà arrivées sur le sol sud-coréen. Le déploiement devrait être achevé d'ici un à deux mois et le système pourrait être opérationnel dès le début du mois d'avril, ajoute-t-elle. Pékin qui, dès l'annonce de ce déploiement, a élevé des protestations énergiques, considérant le système antimissile comme une menace à ses portes, a pris des mesures de rétorsion économique visant notamment les secteurs de l'aviation commerciale et du tourisme sud-coréen. Séoul a annoncé hier qu'elle pourrait saisir l'OMC si la Chine persiste dans cette voie. Principal allié et partenaire commercial de Pyongyang, la Chine s'oppose toujours au bouclier antimissile, même si elle a pris ses distances vis-à-vis des ambitions militaires de son allié. Elle vient d'annoncer qu'elle cesserait d'importer du charbon de Corée du Nord jusqu'à la fin 2017, la privant d'une source cruciale de devises. Au-delà de la menace réelle, le Président sud-coréen par intérim a jugé que les derniers tirs pouvaient aussi n'être qu'une tentative de diversion après l'assassinat de Kim Jong-Nam, le demi-frère du dirigeant nord-coréen tombé en disgrâce, le 13 février à Kuala Lumpur. Séoul a accusé Pyongyang de l'avoir orchestré. R. C./Agences