Les premières boîtes du complément alimentaire dont le nom commercial est Rahmat Rabi (RHB) présenté, dans un premier temps, comme un médicament miracle contre le diabète, sont en vente depuis dimanche. Des pharmacies ont connu un rush ce début de semaine dans certaines régions du pays, comme à Biskra, Constantine, M'sila, etc. Cédé à 1760 DA et non remboursé, dont la dénomination est purement populiste, ce produit se vend déjà comme des petits pains. Le résultat d'une large campagne médiatique suivie du soutien indéfectible du premier responsable de l'autorité de santé, à savoir Abdelmalek Boudiaf. Une garantie supplémentaire pour les malades qui n'hésitent pas à se le procurer à n'importe quel prix. D'ailleurs, des pharmaciens interrogés affirment qu'effectivement, il y a une forte demande des patients de ce produit, mais «pour le moment il y a une hésitation à faire des commandes tant que les choses ne sont pas encore claires par rapport à l'autorisation de sa commercialisation et aux constituants de ce produit», nous confie une pharmacienne, qui estime que les autorités de santé doivent communiquer à ce sujet. Les grossistes en produits pharmaceutiques appréhendent pour le moment de faire des commandes. Si certains ont carrément décidé de ne pas le commercialiser, d'autres attendent pour voir. «Nous sommes submergés de demandes des pharmaciens. J'ai déjà une commande de 4000 boîtes de mes clients. Les pharmaciens subissent effectivement une pression des malades pour lesquels ils ne peuvent pas refuser la demande. C'est pourquoi l'avis de la haute autorité de santé est aujourd'hui indispensable pour trancher définitivement sur la fiabilité de ce complément alimentaire», estime un grossiste. D'autres affirment que les pharmaciens sont plutôt favorables à la commercialisation du RHB pour l'unique raison que les malades le demandent. Le Syndicat des pharmaciens d'officine (Snapo) met en garde contre la vente de ce produit en l'absence d'informations techniques et scientifiques. A l'issue de la réunion du bureau national tenu hier, le Snapo a saisi officiellement le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière et le ministère du Commerce, pour demander des éclaircissement concernant l'autorisation de mise sur le marché et surtout les caractéristiques de ce complément alimentaire. «Le pharmacien ne peut pas conseiller au patient de prendre ce produit.» «Les pharmaciens sont appelés à respecter les procédures légales en matière de pratiques commerciales. Comme ils doivent veiller à avoir la traçabilité totale au sujet des approvisionnements qu'ils pourraient effectuer de ce produit», a déclaré Messaoud Belambri, le président du Snapo, qui n'a pas manqué de rappeler que dans le passé, des pharmaciens étaient déférés devant les tribunaux suite à la vente de certains produits (des vitamines) qui comportaient des excès de dosage de certains constituants. «On ne peut pas s'aventurer à vendre un produit dont nous ignorons tout et qui a bénéficié seulement d'une publicité par les médias et les réseaux sociaux. Aucune explication n'a été donnée ni par les pouvoirs publics ni par son producteur, alors qu'habituellement, des rencontres sont organisées au profit des médecins et des pharmaciens pour une meilleure connaissance du produit. Rien n'a été fait dans ce sens», a-t-il déploré. Pour Lotfi Benbahmed, président du Conseil national de l'éthique et de la déontologie et président du conseil national de l'Ordre des pharmaciens, il s'agit d'un complément alimentaire qui n'a donc par définition aucun effet thérapeutique, comme des milliers d'autres produits de cette catégorie : «Ce sont des produits dont l'effet rejoint l'effet placebo et n'ont aucun intérêt pour la santé publique. Cependant, présenté dans un premier temps comme un médicament miracle, sa commercialisation pourrait conduire des patients diabétiques à abandonner leurs traitements. Ce qui constitue un risque sanitaire réel pour une pathologie qui mobilise des efforts considérables de la part du corps médical et des caisses de Sécurité sociale (dépistage, consultations, remboursement de bandelettes et médicaments).» M. Benbahmed estime que «le fait de vendre un produit qui ne sert à rien à plus de 1700 DA et non remboursé constitue dès lors pour les malades une véritable escroquerie». L'Ordre des pharmaciens, a ajouté M. Benbahmed, se réunira jeudi pour justement débattre de ce point. Un communiqué destiné aux pharmaciens sera adopté afin de leur «recommander de se rapprocher de l'ensemble de leurs patients diabétiques pour les informer au mieux sur ce produit et surtout pour leur rappeler la nécessité, dans cette pathologie, de poursuivre avec rigueur les prescriptions de leurs médecins». La communauté médicale est quant à elle formelle : il n'y aura pas de prescription de ce produit dont les preuves scientifiques n'ont pas été démontrées.