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L'incroyable course aux obstacles et aux incuries de trois investisseurs
Publié dans El Watan le 07 - 01 - 2017


L'heure de l'audace
Subodorant le coup monté et par esprit tactique, le géologue et le médecin qui, à l'insu de leur hôte et de leurs «associés», réussirent à échanger de fugaces regards de perspicacité, convinrent de s'accorder à dire que c'était là justement l'élément essentiel qui leur manquait et qu'il venait à point nommé pour garantir la réussite de leur affaire. Il ne manquait plus qu'à sceller cette «surréaliste» association par un café. Au comble du contentement, l'inspecteur exigeât de payer les boissons et prédit que les instances dont il était le représentant allaient tout faire pour leur venir en aide.
Ecœurés par la hideur de la scène qu'ils venaient de vivre au milieu de ces indélicats et non moins arrogants personnages, les deux amis sentirent que l'heure de l'audace avait sonné pour, immédiatement, passer à une position offensive en adressant, sans plus tarder, au wali de Bouira, un compte-rendu de leur entrevue avec son représentant. Le jour même de cette terrible déconvenue, une requête avait été déposée au bureau d'ordre de la wilaya. Il s'agissait d'une courte lettre dans laquelle avait été, de la manière la plus catégorique, dénoncée la tentative de chantage qui venait de leur être suggérée et, dans le même temps, sollicitée une audience avec le chef de l'exécutif.
Une semaine s'écoula dans une attente où les interrogations quant à la réaction des instances locales commencèrent à grandir et à les préoccuper de jour en jour. A la fin de la deuxième semaine, ils décidèrent de réclamer une réponse de la part du chef de cabinet. Ils attendirent encore 15 jours avant d'être reçus par le chef cabinet arborant un air franchement agacé pour leur signifier : «Le wali n'était pas à votre exclusive disposition.» Désappointés, mais nullement découragés, ils résolurent de porter l'affaire par devant le ministre du Tourisme en personne.
La Sainte baraka de Hammam Ksana
Le docteur Mellouk, le géologue Adjoudj et l'architecte Makdeche ont, par leur missive adressée en 2002 au ministre du Tourisme, réussi un retentissant coup de force. Un coup de pied dans l'immense fourmilière abritant de machiavéliques mécanismes prédateurs. En effet, la réponse de la tutelle de ce secteur longtemps maintenu en jachère par les décideurs publics obnubilés par la manne pétrolière, n'avait pas mis longtemps à se manifester.
Persuadé de leur bonne foi et édifié sur les inconséquences manifestées par les élus et les responsables de la wilaya de Bouira, M. Boulanouar, à l'époque ministre du Tourisme, avait, sans sourciller, accordé son aval pour la consécration du projet et dans le même temps aiguillonné la réaction des décideurs locaux empêtrés dans une coupable expectative. Son déplacement sur les lieux a provoqué un heureux coup de théâtre en surprenant l'assistance par son agrément du projet appuyé par la révélation, ici même, d'un miracle dont il fut en personne l'objet.
Le ministre rapporta en substance aux présents ébahis que «c'est grâce à la baraka de cette source que je suis aujourd'hui debout parmi vous !» Et à l'hôte des lieux de convoquer ce souvenir remontant à sa tendre enfance quand, foudroyé par une subite paralysie, il avait été ramené à l'antique hammam Ksana où, après plusieurs immersions dans l'eau thermale, il retrouva, à la grande satisfaction des siens, l'usage de ses jambes. Est-ce une autre confluence du destin ? Tout concourt à l'admettre !
Visiblement charmé par le site et le projet initié pour la valorisation de sa vocation thermale, le ministre ne manqua pas de s'appesantir sur le noble préalable qui doit prévaloir dans son approche globale, à savoir la nécessité de songer, en parallèle, à la mise en œuvre d'un centre de vie susceptible d'enclencher un franc désenclavement des terroirs composant cette région arc-boutée sur une stratégique zone géographique, à mi-chemin entre la chaîne des Bibans et la vallée du Hodna.
Une fois le projet dûment agréé, les travaux de réalisation de l'unité des bains traditionnels furent entamés au pas de charge à la fin 2006. Ainsi, le renforcement des moyens de réalisation a permis au groupe d'investisseurs de réceptionner 80% de l'ensemble des travaux de la structure dès la fin du second trimestre de l'année 2008. Ces travaux exécutés sur un tiers (12 000 m2) de la superficie totale envisagée auraient pu aboutir à l'achèvement intégral de la station (bains, hébergement et annexes) si, dès l'entame la totalité de l'assiette foncière avait été mise à la disposition des promoteurs.
Or, l'affectation tronquée du terrain sous prétexte que les instruments de l'urbanisme pour la zone n'avaient pas encore été approuvés, va engendrer une multitude de tracas imputables notamment à la transformation des alentours de la station en un magma d'activités commerciales aussi précaires qu'hétéroclites avec, comme cerise sur le gâteau, l'agrément en catimini par l'APC d'El Hachimia d'un parking dont le comportement de ses gérants incommode grandement la quiétude des curistes.
Pareille argutie de la part des élus et responsables locaux n'a cessé jusqu'à ce jour de soumettre les exploitants de la station à moult tracasseries, dont la plus pénalisante a trait à une absence totale d'ordre et partant d'autorité sur la gestion et la sauvegarde de l'environnement immédiat du complexe thermal livré à la pollution et à l'anarchie.
Un autre couac, plus pénalisant, va surgir conséquemment aux surcoûts générés par le retard dans le lancement des travaux et la hausse inconsidérée des prix des matériaux de construction et de la main-d'œuvre. Situation qui va engendrer une rapide et totale consommation des crédits sans l'atteinte des objectifs initialement projetés. Il fallait, pour ne pas crapahuter dans la poursuite du schéma de réalisation, engager les dernières ressources dans la finition d'un niveau de bains et procéder à son exploitation afin de ne pas donner au projet une image de déshérence qui compromettrait la solvabilité de ses promoteurs.
Une option qui va, comme ont tenu à le souligner ces derniers, leur valoir de la part du nouveau wali de Bouira, installé la même année, une mention spéciale et un satisfecit pour le respect des engagements. En se rendant, peu de temps après, sur les lieux où il a, de visu, constaté l'engouement des curistes pour les thermes fraîchement étrennés, le chef de l'exécutif a été définitivement convaincu de l'abnégation et de la bonne foi de ses hôtes d'un après-midi.
Après la rituelle waâda qui a regroupé les proches et les amis des promoteurs, les cabines de bains ont été gracieusement ouvertes au public pendant une semaine. Dans les jours qui ont suivi, ce fut une véritable ruée. A cette occasion, le wali fit beaucoup d'éloges en direction du projet. En quittant le niveau opérationnel, il recommanda néanmoins de renforcer le chantier aux fins d'accélérer le rythme des travaux et de passer aux autres unités du projet. Une recommandation qui imposa à ses interlocuteurs à agir sur deux axes essentiels : mener à terme les restes à réaliser, et attirer une clientèle suffisante à la hauteur des capacités d'accueil et au fur et à mesure de leur élargissement.
Ces objectifs devenaient primordiaux dès lors que l'autofinancement des activités se présentait comme unique alternative. Un tel effort a abouti à la réception de l'ensemble des structures de bain et de restauration à la fin de l'année 2010. Les objectifs orientés vers la clientèle et les seuils de fréquentation ont été également atteints, faisant ainsi de Hammam Ksana une destination thermale privilégiée avec, à la clé, une moyenne quotidienne de mille curistes encadrés par une vingtaine d'agents recrutés au sein de la population.
Coups de gueule et désillusion
Quelque temps après, une succession d'épreuves va sérieusement essouffler ce nouveau et admirable élan imprimé à la naissance d'une œuvre de civilisation et de progrès portant, désormais, la dénomination légitimement conquérante : «Sarl Fraksen». Ses patrons, pourtant pugnaces et aguerris, ont-il perdu leur entrain d'antan ? L'idylle entre eux et le nouveau wali a-t-elle été trahie par quelque mauvais œil ? La sainte «baraka» de Hammam Ksana s'est-elle subitement étiolée en dépit de la fastueuse «waâda» organisée en son honneur ?
Ces questions et bien d'autres taraudaient l'esprit des trois investisseurs que le dépit commençait à envahir. Rien de tout cela ! Les rabat-joie et autres cancrelats de la basse bureaucratie qui pourtant avaient, à ceinture desserrée, ripaillé à l'occasion de cette agape n'avaient pas réussi à digérer «l'affront» de l'audacieux trio de la «Sarl Fraksen». Il leur est resté en travers de la gorge. Ils ne pouvaient supporter l'avanie de leur dénonciation aux autorités supérieures.
Ronds de cuir, intermédiaires, parrains et une cohorte de prédateurs encadrée de paltoquets (paltoquet : ce terme, très usité dans la société égyptienne, aurait, selon certains recoupements, donné, par déformation, naissance au vocable «baltaguia») érigèrent un sinistre carcan en direction des promoteurs du complexe thermal soumis, sans discontinuer, à des tracasseries dont eux seuls avaient le secret. Parmi celles-ci, la plus corrosive, la plus maligne avait été actionnée à la faveur d'un factice argument sur la nature de l'assiette foncière.
Pour ce faire, la «meute» d'aigris prit le soin d'instrumentaliser un citoyen habitant à proximité de Hammam Ksana pour contester, par voie judiciaire, la concession du terrain sur lequel on été construits les bains. Un artifice dont a résulté, durant plus de cinq longues années ( de 2010 à 2015), le gel de réalisations-clés pour l'intégration de l'activité thermale dans son acception totale (studios d'hébergement, bains de vapeur, saunas, kinésithérapie, rééducation, traitements spécialisés et esthétiques, massages…)
A ce raid meurtrier, il faut ajouter les harcèlements opérés en permanence sur le pourtour du complexe squatté par des commerces précaires, illicites et nuisibles et autres parkings sauvages encadrés par d'acariâtres énergumènes. Ainsi, avec le temps, les environs immédiats des thermes et même les espaces concédés à la Sarl, ont vite fait de se transformer en un hideux cloaque, où se côtoient pissotières improvisées à l'air libre, dépotoirs, vaseuses et pestilentielles fondrières creusées par les poids lourds paradant impunément sur les lieux.
Ce concours de circonstances, loin d'être — chez les esprits avertis — l'apanage du destin ou de la fatalité, a contraint les trois amis férus du thermalisme à s'accommoder de cette multitude de «violences», si ce n'est de «viols»infligés à leur rêve et partant au décollage économique d'une région dont l'avenir était enchaîné à la réalisation de ce même rêve, devenu à la longue… un cauchemar.
Pour ne pas faire faillite et rester dans leurs frais en attendant des jours meilleurs, ils daignèrent, la mort dans l'âme, laisser grandes ouvertes (une autre fatalité !) les portes de leur établissement à cette sorte de thermalisme de masse, médiocre, quasi «gargotier» où se précipitent les foules en quête de cures à bon marché et, pourquoi pas, de l'assentiment thérapeutique des saints tutélaires des lieux dont la «baraka» est, immanquablement — surtout par des femmes —, sollicitée dans une atmosphère mêlant brûlantes ablutions, emplâtres au henné et autres herbes médicinales, brouillard d'encens et ferventes incantations entrecoupées de stridents youyous.
Pour illustrer une telle clochardisation du site où a été stoppé net leur pari, M. Adjoudj, l'indécrottable frondeur, en esquisse ce tableau : «Nous étions donc peu réceptifs aux événements et aux sollicitations sans lien avec nos engagements au profit du projet et du bien-être de nos clients. Nous n'accordions également que peu de crédit aux interventions des autorités locales considérées de routine au vu de leur objet et de leur caractère superficiel et souvent sans fondement. Nos relations avec les représentants de l'autorité locale avaient une teinte assez versatile au gré de nos rares rencontres.
Les embrassades restaient d'usage, mais il nous apparaissait de jour en jour que se développait un regain d'intérêt vis-à-vis des écarts supposés d'entacher nos activités. Propos publics hostiles, commissions de contrôle et mises en demeure constituaient aux yeux de leurs auteurs des méthodes légales et des leviers appropriés capables de venir à bout de notre intransigeance et de notre attachement aux valeurs de l'éthique et de la probité.»
Le harcèlement envers les membres de la Sarl Fraksen, ajoute M. Adjoudj, avait, intermittemment, connu de courtes accalmies avant de renaître sous de nouvelles formes mieux élaborées et plus payantes pour leurs auteurs. Il se rappelle dans ses moindres détails de cette exécrable machination fomentée par les élus d'El Hachimia : «Deux individus connus pour avoir refusé nos offres d'emploi en exigeant de servir dans les bains et non dans le chantier se présentèrent munis d'une autorisation pour percevoir des droits de parking jusque sur les terrains concédés. Interpellé à ce propos, le président de l'Apc signataire de l'autorisation nous réserva une fin de non recevoir en arguant de son droit d'intervenir sur un espace qui ne nous appartenait pas !»
Sur le même sujet, il confia que deux courriers faisant état des désagréments et du caractère illégal et nuisible de cette décision prise en marge des procédures réglementaires ont été transmis à M. le wali de Bouira. Les instances responsables du commerce et des impôts ont été également informés, en vain.
Trois ans plus tard, l'Apc a produit une délibération pour la création d'une activité de gardiens de parking étendue à d'autres bénéficiaires, mais sans délimitation des lieux et des espaces concernés. Des usagers de la route et des partenaires en mission sont encore contraints, sous la menace du gourdin, de payer non pas une redevance de stationnement ou de gardiennage, mais un étrange tribut de passage.
La sadique œuvre de déstabilisation ne s'arrêta pas à ce détail, à la limite, enfantin. Une pique autrement plus vicieuse fut actionnée à l'encontre des promoteurs du site de Hammam Fraksa lors de la cérémonie d'ouverture, par le wali de Bouira, du chantier pour la réalisation de la route reliant la localité de Hammam Ksana à Ahl El Ksar.
A la faveur de cette halte, les mêmes élus et responsables locaux hargneusement opposés à l'aboutissement du complexe thermal ont sollicité du chef de l'exécutif la fermeture de la Sarl, au motif que des personnes très âgées, malades chroniques et grabataires y avaient trouvé la mort. Pris au dépourvu ou, peut-être, réagissant à un «tarabustage» assidu, le wali évacua la question par la promesse de constituer une commission d'enquête qui lui fournirait les éléments d'appréciation nécessaires à la prise d'une telle décision.
Pour contrer l'outrancière parade invoquée par les mêmes empêcheurs de tourner rond, il a fallu faire valoir des arguments en béton, à savoir les statistiques nationales reflétant la moyenne des décès recensés à travers l'ensemble des établissements thermaux du territoire national. Les chiffres étaient tout simplement édifiants. Rapportés au nombre des usagers, ceux de Hammam Fraksa devenaient insignifiants. La commission d'enquête instituée par le wali pour faire le point sur la prétendue «hécatombe» au sein des curistes a, au grand dam des zélés adversaires de la «Sarl Fraksen» fait chou blanc…
L'espoir en des jours meilleurs
Parasitage et pollution du site, élargissement des commerces illicites, foires d'empoigne alimentées par les «parkingueurs» et autres nuisances déferlant en cascade autour de la station thermale, étaient un moindre mal comparativement à la nouvelle surprise à laquelle auront à faire face le docteur Mellouk, le géologue Adjoudj et l'architecte Makdeche. Il s'agit, cette fois, précisera le second nommé, «du projet anachronique et carrément farfelu d'agrément d'une seconde station thermale pour laquelle nos responsables locaux ont réussi à dénicher un investisseur.
Ils sont également parvenus à obtenir l'aval des directions exécutives qui justifient leur adhésion par de pseudo-arguments sur la création d'emploi, le taux d'exploitation ou l'incapacité des premiers investisseurs que nous sommes à honorer leurs engagements sur les délais de réalisation. Nous espérons que l'arrêté relatif à notre concession sur la source et le mémoire technique qui leur a été adressé effaceront à jamais leurs ardeurs de responsables souverains et imbus de leur savoir et de leur grandeur nourris par le délétère culte de la déliquescence.»
A la suite de la délivrance du permis d'achèvement des opérations restantes de réalisation et afin de ne pas prêter le flanc aux dénigrements gratuits, le trio, plus soudé que jamais, reprit les travaux sur les vingt (20) studios et suites d'hébergement et les deux (02) bains de vapeur. La totalité de cette tranche du programme sera, a-t-il été estimé, entièrement livrée à la fin du mois de décembre 2016.
Toutefois, et dans le but de parer à la surprise mortelle visant à adjoindre sur le site un second investisseur, les propriétaires de la «Sarl Fraksen» ont, à la fin du mois de septembre écoulé et moins d'un mois après son remplacement par Mouloud Cherifi, adressé au wali une requête dans laquelle a été étayé un puissant plaidoyer visant à faire barrage à une option aussi suicidaire pour les capacités réelles de la source que pour l'environnement sans compter les risques d'une déloyale concurrence dans un investissement bipolaire.
Ils espèrent du nouveau wali une réaction salvatrice tant pour leur projet que pour le devenir du merveilleux site de Hammam Ksana qui ne saurait, en cette phase sollicitant un sursaut de pragmatisme et d'ingéniosité, être livré aux sentiers battus d'un volontarisme suranné et de mauvais aloi.
Aïssa Adjoud, le boute-en-train de l'équipe, assure que lui et ses deux amis ne baisseront point les bras. Selon lui, le plus dur est passé. Il rend, quelque part, grâce à l'éprouvante crise que vit présentement le pays et à l'édifiante leçon invitant les décideurs à plus de réalisme, de clairvoyance, d'autorité et d'ordre dans la valorisation des insoupçonnables richesses que recèle le secteur du tourisme.
Un secteur qui, selon lui, a, «en l'absence d'une dictature éclairée en la matière, gravement pâti du bricolage et de l'amateurisme.» Après un long soupir laissant transparaître plus de déception que de découragement, celui qui a été — en raison de sa combativité — qualifié par ses impénitents détracteurs du sobriquet «Adjoudj le danger», a murmuré ces mots en kabyle ainsi traduits : «Maudite soit la gare où nous avons pris le mauvais train…»


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