Le traitement de l'échec scolaire à travers la remédiation pédagogique proposée par le staff de Nouria Benghabrit ne risque-t-il pas de finir dans les tiroirs du ministère ?» s'interrogent des enseignants qui estiment que le projet présenté, il y a quelques jours à Biskra, «ne prend pas en compte tout le contexte qui forme le système éducatif d'aujourd'hui». Le projet présenté consiste à mettre entre les mains des enseignants les outils pédagogiques nécessaires pour «réduire les taux de redoublement et de déperdition très élevés, notamment à chaque début de cycle, et diminuer les effets des difficultés d'adaptation constatés», souligne le Dr Farid Benremdane, conseiller pédagogique au ministère de l'Education nationale. Ce dernier rappelle l'enquête lancée l'année dernière sur les erreurs répétées par les élèves des classes d'examen. Il s'agit de l'analyse de la production écrite des élèves lors des épreuves nationales de fin de paliers primaire et moyen à travers 10 wilayas et qui a permis d'établir une base de données portant sur 646 000 erreurs dans les apprentissages de base de la langue arabe, des mathématiques et des langues étrangères. «L'analyse de l'erreur ne vise pas à punir ni à constater l'échec, mais à repérer une difficulté d'apprentissage pour la traiter et la corriger», insiste le Dr Benremdane. Pour le ministère, il s'agit donc de réaliser «une sorte d'audit du système» pour identifier les causes d'échec et de réussite des élèves, l'erreur «étant indicatrice des processus d'apprentissage», rappelle le même pédagogue. La stratégie lancée par la tutelle «occulte les raisons réelles de l'échec», estiment des enseignants des matières ciblées. Pour Bachir Hakem, professeur formateur de mathématiques et porte-parole du Conseil des enseignants des lycées d'Algérie (cela), «toute démarche de remédiation sera sans impact sur les élèves, si une prise en charge des difficultés liées à la surcharge des classes et des programmes n'est pas effectuée». Pour cet enseignant de mathématiques, la stratégie de remédiation risque de rester un concept abstrait en l'absence d'une volonté réelle de refonte des programmes dans les matières ciblées. «L'évaluation de la réforme ayant abouti à la deuxième génération des programmes doit être complétée par un débat sur l'enseignement de ces matières et une refonte de la méthode d'enseignement et des programmes», estime M. Hakem, craignant que la démarche présentée par le ministère «risque de rester virtuelle sans l'implication des enseignants». Le porte-parole du Cela relève par la même occasion l'impossibilité de mettre en application la nouvelle approche d'enseignement, consistant à mettre des élèves dans l'action pédagogique. «La surcharge des classes et la mauvaise formation des enseignants font que cette méthode aussi intéressante soit-elle est confrontée à la réalité du terrain», ajoute le même enseignant. Le taux des élèves de terminale ayant obtenu la moyenne en mathématiques au premier trimestre ne dépasse pas 30%, révèle le même enseignant. Il évoque les dysfonctionnements dans l'orientation des élèves avec le système des quotas par filières pour répondre au souci de la disponibilité des classes pédagogiques et ignore les capacités et le profil de l'apprenant, déplore notre interlocuteur. Orientation scolaire et système des quotas Meziane Meriane, coordonnateur national du Syndicat national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (Snapest), fait d'ailleurs un lien direct entre les taux d'échec élevés dans les trois matières citées et le système d'orientation scolaire qui ne tient compte que de la carte scolaire. Aussi, les coefficients des matières aux examens nationaux font passer des élèves dans des filières sans le niveau requis dans les matières essentielles, explique M. Meriane. Ce dernier s'interroge également sur l'applicabilité des mécanismes de remédiation, sachant que le système d'évaluation des élèves «est lui-même à réformer». Il constate aussi que le système d'évaluation qui s'est depuis des décennies basé sur le test des connaissances, sans proposer des mécanismes de rattrapage, aura sûrement besoin de plus de temps et de moyens pour être appliqué. Concernant les langues étrangères, dont le français, pour le n°1 du Snapest, l'école algérienne subit encore les affres de la décennie noire, durant laquelle cette langue était tout simplement interdite dans les établissements scolaires sous la menace des terroristes. «Même si un travail a été fait pour la couverture des régions du pays en enseignants, la diabolisation de l'enseignement du français par les islamistes a toujours ses conséquences sur son enseignement», explique M. Meriane.