C'était une sorte de bagarre générale, je sais seulement que deux enseignants ont été blessés», révèle un professeur. Alors qu'ils tenaient une assemblée générale pour l'installation d'un bureau du Conseil national des enseignants du supérieur (CNES), plusieurs enseignants ont été violentés hier par un groupe de jeunes à la faculté des sciences politiques et de l'information, à l'université d'Alger 3. «Ils ont aussi essayé d'emporter l'urne, mais n'ont pas réussi. Cependant, la liste des votants ne leur a pas échappé, elle est en leur possession», raconte Louisa Aït Hamadouche, professeur à l'université, qui était sur place. Mohamed Rezig, le coordinateur du CNES à l'université d'Alger 3, a été blessé à la tête. Il raconte : «Une armée d'agents de sécurité et des baltaguia nous ont été envoyés. Ils se sont présentés comme faisant partie d'organisations estudiantines, mais en réalité ils n'ont rien à voir avec l'université. Ce sont des étrangers, on ne les connaît pas et on ne les avait jamais vus auparavant. Ils ont saccagé le matériel, battu et insulté les enseignants.» Précisons que le professeur Toufik Bliouta a trois points de suture au poignet et le professeur Sami El Aïta a reçu un grand coup au niveau du cœur. Les deux victimes ont été immédiatement évacuées à l'hôpital. Plus loin encore, Mohamed Rezig pointe du doigt le recteur de l'université, qu'il qualifie de «mafieux» : «On l'a informé qu'une assemblée générale élective sera tenue le 16 février 2017. Ce dernier n'a pas voulu accepter les documents. On les a donc envoyés via un huissier de justice le 31 janvier. Il a ensuite refusé d'accuser réception.» Le professeur se désole de la situation et confie : «Jamais on n'aurait cru que le recteur pourrait nous envoyer des baltaguia pour nous nuire. Pourtant, on aurait dû s'y attendre vu la menace qu'il nous lançait fréquemment : ‘‘Je suis le dieu de cette université et tous ceux qui osent s'approcher de moi…''» Pour conclure, le professeur Hamadouche ne se remet pas encore de ce qui s'est passé. Elle confie : «Il s'agit d'un précédent désastreux, pas seulement pour l'université, les universitaires, les étudiants et tous ceux qui y travaillent, mais pour l'ensemble du pays. La banalisation de la violence n'a plus de limites et cela n'a été rendu possible que parce que les passe-droits, l'impunité et la clientélisation ont eux aussi atteint des niveaux scandaleux.» …et par la police à M'sila Dans un communiqué émanant du bureau de wilaya de l'Unpef, remis à El Watan hier, et conséquemment à la répression qui s'est abattue la veille sur plus de 500 enseignants protestataires, il est mentionné la décision d'observer, le mardi 21 février, une journée de grève au niveau de l'ensemble des établissements de la wilaya, ponctuée par l'organisation d'une assemblée générale pour arrêter la démarche idoine contre cette atteinte à la dignité de l'enseignant. Rappelons que le syndicat des enseignants, l'Unpef, ayant décrété une journée de grève pour mercredi dernier, a conduit, dans la même journée, une impressionnante marche de plus de 500 enseignants à travers les rues et les avenues de la ville jusqu'au siège de la wilaya, où une brigade antiémeute, dirigée par le chef de sûreté de wilaya en personne, a empêché leur rassemblement pacifique, chargeant sans ménagement hommes et femmes, matraquant violemment les protestataires et blessant plusieurs d'entre eux. Les enseignants étaient porteurs d'une seule revendication, imprimée sur une banderole : le départ du directeur de l'éducation. Lequel, selon le responsable syndicaliste de l'Unpef, «Chouia Saïd, dans une déclaration à une chaîne de télévision privée, est à l'origine de l'accentuation de la situation délétère qui prévaut dans le secteur de l'éducation». Et d'ajouter : «l'élément aggravant de ladite situation réside dans le gel de plus de 900 dossiers d'enseignants partants en retraite, les empêchant de bénéficier des anciennes dispositions réglementaires qui les prédisposent à aller dans l'immédiat à la retraite. Dossiers qui n'ont pas été transmis à la caisse de retraite et maintenus à son niveau pour une raison inconnue.» «Plusieurs griefs sont reprochés au directeur de l'éducation, a tempêté un enseignant protestataire, dont la non-application de la réglementions en matière de mouvement du personnel, créant une instabilité permanente des effectifs. Instabilité qui n'est pas faite pour améliorer le niveau pédagogique de nos enfants.» Le refus du wali de recevoir une délégation composée de syndicalistes a radicalisé la position des enseignants. Lesquels, a indiquéé M. Chouia, vont «observer une journée de grève mardi prochain».