Est-ce une énième bourde de Yazid Zerhouni, due cette fois-ci à la forte pression que les journalistes avaient exercée sur lui à l'APN pour lui arracher une déclaration ou bien des affirmations bien pesées du ministre de l'Intérieur sur l'assassinat de Ali Tounsi ? En réduisant cette affaire à un « conflit personnel » entre l'ex-patron de la DGSN et son meurtrier, Yazid Zerhouni cherchait peut-être à signifier qu'il n'y avait dedans aucun volet corruption. Il aurait ainsi cherché à dénier au défunt toute motivation d'assainir la police des pratiques maffieuses. La famille du défunt a penché vers cette hypothèse, jugeant que le ministre de l'Intérieur ne voulait pas donner « le beau rôle » à l'ex-directeur de la police. Elle garde en tête le premier communiqué du ministère de l'Intérieur qui avait évoqué la piste de « la démence » du colonel Oultache sur arrière-fond du conflit qui avait opposé Ali Tounsi et son supérieur hiérarchique durant des mois sur la gestion des cadres de la police et dont El Watan a largement évoqué les péripéties. Ce bras de fer entre la famille du défunt et le ministre de l'Intérieur ajoute à la complexité et à la gravité du dossier en même temps qu'il aggrave le trouble moral causé à l'opinion publique par l'assassinat du premier responsable de la police par un de ses plus proches adjoints dans l'enceinte même de son bureau. Le ministre de l'Intérieur aurait dû s'abstenir de toute déclaration sur cette affaire, qui n'est qu'à ses débuts au niveau de l'instruction judiciaire. Cette intrusion est malsaine alors que la justice croule sous les affaires lourdes liées à la corruption. Elle a besoin de sérénité et surtout d'être préservée des interférences et des pressions politiques, médiatiques et autres. Chaque jour qui passe apporte son lot de révélations et ses connexions sont souvent inimaginables. D'ores et déjà c'est toute la direction de Sonatrach qui a été décapitée et huit personnes sont détenues dans le cadre de l'affaire de l'autoroute Est-Ouest. Il arrivera inévitablement un moment où ce seront les ministres de la République et des responsables politiques qui seront cités par les juges. Que se passera-t-il à ce moment-là ? C'est la question clef posée au niveau de l'opinion publique qui garde encore à l'esprit la manière scandaleuse dont l'affaire Khalifa a été traitée : des lampistes ont payé lourdement, prison, exil et traumatismes et aucun responsable politique de haut niveau n'a été sanctionné alors même que des noms ont été cités devant la juge qui avait traité l'affaire. Mieux, des responsables avaient même reconnu publiquement leur responsabilité. C'est le même danger qui guette les affaires en cours : que tout le travail fait en amont par les enquêteurs finisse par être enterré ou être dévoyé pour que soient sauvées des têtes de puissants et… préservé le régime politique.