Le Parlement algérien semble définitivement céder devant l'Exécutif. Ceux qui y siègent font l'impasse sur de graves affaires qui menacent sérieusement la collectivité nationale. La preuve a été donnée, une fois de plus, avant-hier à l'APN lors d'une séance plénière consacrée aux questions orales adressées aux ministres, dont celui des Travaux publics. Les députés ont interpellé le ministre des Travaux publics, Amar Ghoul, sur toutes les questions sauf celles en rapport avec les scandales de corruption qui ont éclaboussé son département. Le ministre s'est baladé dans les travées de l'hémicycle sans qu'il soit « inquiété ». Il est arrivé à l'APN tout souriant, sachant d'emblée que les « élus du peuple » qui, normalement, devraient lui demander des explications sur les affaires « scabreuses » dans la réalisation de l'autoroute Est-Ouest, lui dérouleraient le tapis. Sous d'autres cieux en pareille circonstance, le ministre doit obligatoirement rendre des comptes avant de rendre le tablier. Mais ici, ce n'est pas ailleurs. Autant de scandales que de projets sans que cela interpelle la conscience des parlementaires. Ni commission d'enquête ni débat général sur la corruption, hormis l'initiative des députés du RCD qui peine à susciter l'intérêt des membres de la Chambre basse. Pourtant, le discours d'ouverture de la session de printemps du Parlement, le 3 mars passé, lu par un des vice-présidents de l'APN, a insisté sur « la participation du Parlement à la lutte contre la corruption ». Les députés présents à la séance d'avant-hier – une quarantaine au maximum – qui étaient inscrit pour poser des questions ont soigneusement épargné à Amar Ghoul « le devoir de rendre des comptes ». Ils ont préféré l'interroger sur des questions d'ordre technique liées à l'état d'avancement du projet de l'autoroute qui « coupe le pays en deux ». Il ne faut surtout pas lui demander des comptes sur les malversations qui ont émaillé l'attribution des marchés dans la construction de l'autoroute. Le ministre a disserté pendant environ une demi-heure allant d'est en ouest pour dire que le projet est à « 95% de Chlef à la frontière marocaine, de Chlef à Bordj Bou Arréridj, l'état d'avancement est estimé à 80%. La partie est, à savoir de Bordj Bou Arréridj jusqu'à frontière tunisienne, a atteint 85% ». Il a ajouté au passage qu'« il sera procédé très prochainement à la réalisation de 16 stations-services provisoires en collaboration avec la société Naftal », « en attendant le lancement d'avis d'appel d'offres relatif à la réalisation d'aires de repos et d'exploitation au profit des usagers de cette autoroute ». Amar Ghoul, dont son département est sérieusement embourbé dans « un grand scandale » à la hauteur du projet de l'autoroute et de la somme qui lui est allouée, a rappelé les « amendements introduits dans le code des marchés publics qui permettront de conférer une place importante aux entreprises nationales » dans la réalisation des projets relevant de son secteur. Mais après quoi ? Après avoir... Curieusement, tout le monde en parle, sauf les parlementaires qui ont reçu avant-hier dans leur enceinte le ministre du MSP comme « le grand bâtisseur ». Il ne faut surtout pas l'importuner avec ces histoires de scandales. Même lorsque quelques journalistes se sont rapprochés de lui afin de l'interroger sur lesdites affaires, certains députés n'ont pas apprécié. Bien évidemment, M. Ghoul s'est contenté de dire : « L'affaire est entre les mains de la justice. Je n'ai rien à dire. » D'autres députés ont entouré le ministre dans le hall de l'hémicycle pour le « supplier » de se rendre dans leurs wilayas. Nombreux parmi eux étant des entrepreneurs. En somme, les députés qui sont élus, en théorie, pour contrôler l'action du gouvernement s'éloignent dangereusement de leur mission, en laissant l'Exécutif agir en toute liberté. Mais des observateurs trouvent « cette situation normale à partir du moment que l'Exécutif, le Parlement et des relais économiques forment une même caste sociale aux intérêts convergeants ».