Après avoir fait travailler durement leurs méninges et envisagé tous les scénarios, les Algériens finissent par connaître la vérité : Abdelaziz Bouteflika n'est pas mort, son frère Mustapha est vivant. Que de la rumeur ! Peu enclin à communiquer avec la presse locale, le président Bouteflika préfère user de son propre langage qui consiste à ne jamais nommer les choses par leur nom. Comme démenti, le chef de l'Etat reçoit la star planète du football, Zidane, en présence de ses deux frères Saïd et Mustapha. La scène est parlante : le Président insiste devant la caméra de la télévision officielle sur le caractère familial de cette rencontre tenue au palais présidentiel, suivant le protocole habituel. La rencontre est bien calculée. Les Algériens admirent beaucoup la star du foot. Et le Président veut l'avoir comme ami. En espérant quelques dividendes politiques. Son frère Saïd n'a d'ailleurs pas hésité à lui offrir ses services en l'assurant qu'il est joignable à tout moment. Loin des caméras de la télévision, cela n'aurait prêté à aucune lecture. Le chef de l'Etat n'est cependant pas à sa première. En réponse aux folles spéculations sur son état de santé, il reçoit des personnalités nationales ou internationales, rencontre des ambassadeurs ou opère des sorties publiques impromptues. La communication est verrouillée. Centralisée. Comme la décision d'ailleurs. Rien ne se fait ni se dit sans son aval. Qui fait sortir toutes ces rumeurs ? La situation actuelle est, certes, propice aux spéculations qui vont dans tous les sens. De la « guerre des clans » aux règlements de compte, on aura tout entendu. On se pose aussi la question qui est derrière l'éclatement en série des scandales touchant de hauts dirigeants de l'Etat. On se demande aussi ce qui a poussé la famille du défunt Ali Tounsi, patron de la police, assassiné dans son bureau, à douter de la version des faits du ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni. Personne n'osera parler ! Depuis dix ans, le chef de l'Etat tente de jouer en solo. En centralisant tout, y compris la communication, il a ouvert la voie aux spéculations. Des spéculations qui facilitent la manipulation qui semble de nos jours érigée en mode de gouvernance. Pourtant, le président Bouteflika a promis de la réforme de l'Etat pour « une plus grande transparence de la gestion ». « L'Etat, qui a engagé le pays dans un pseudo-processus de démocratisation farfelu, anarchique et porteur de dangers, n'en était pas un. L'Etat qui a laissé se former dans les maquis une véritable armée terroriste sans en venir à bout après dix ans n'en est pas un. L'Etat qui a permis des monopoles mafieux de mettre sous coupe réglée le commerce extérieur n'en est pas un. L'Etat qui a soulevé contre lui la méfiance et la colère en agitant pendant plus de six ans le spectre de la privatisation sans privatiser un souk el fellah n'en est pas un », avait-il déclaré dans un discours prononcé le 26 avril 2001 au Palais des nations. A-t-il aujourd'hui réhabilité l'Etat ? A-t-il mis fin au commerce mafieux ? A-t-il moralisé l'Etat ? Avec cette masse de scandales touchant tous les secteurs, la réponse ne peut être que négative. Il avait lui-même dit que la confiance des Algériens en leur Etat ne peut revenir que « lorsque l'administration aura cessé d'être une forteresse infranchissable, lorsque les services publics se seront réellement mis au service des citoyens, lorsque les douanes et les ports ne seront plus des rideaux de fer pour les uns et des passoires pour les autres, lorsque la corruption et la tchipa auront disparu, lorsqu'il n'y aura plus de ségrégation entre les citoyens et les ayants droit, lorsque l'impunité ne sera plus opposée à leurs recours… » Ces maux, qu'il a promis de combattre, sont aujourd'hui plus durs et plus visibles.